La déchristianisation entraîne une perte de la foi en la résurrection des corps chez nos contemporains, même ceux qui se disent catholiques. Par ailleurs, le discours écologique met l’accent sur les dangers qui guident le monde et l’humanité et n’imagine que très rarement un au-delà de ce monde-ci et de cette existence. S’il y a une eschatologie, une pensée de la fin des temps en écologie, elle est totalement close sur notre monde. Le slogan « Il n’y a pas de planète B » résume bien cette fermeture. Certains, y compris des chrétiens pratiquants, vont jusqu’à contester l’idée même de résurrection de la chair en objectant qu’il n’y aurait pas assez de place pour tous sur la terre si nous ressuscitions en chair et en os… tout en récitant le Credo tous les dimanches à la messe. Comment, alors, annoncer le cœur de la foi, le kerygme de la résurrection des corps, face à une éco-anxiété généralisée ?
Cette thèse s’est largement répandue et il n’est pas rare que certains milieux écologistes soient hostiles au christianisme, qu’ils assimilent d’ailleurs à la pensée technicienne occidentale issue de la modernité, à partir du XVIIe siècle. Descartes, en particulier, est un représentant de ces travers à leurs yeux. Même le théologien protestant Jacques Ellul a pu servir de caution à ces préjugés dans sa critique du Système technicien[2]. En effet, l’Occident ayant une réelle suprématie technologique, il est tentant de lui en attribuer les conséquences néfastes. Pourtant Ellul explique bien que ce système qui fait de la technique la norme de toutes les activités humaines et en prend finalement le contrôle, ne dépend ni des peuples où il se déploie, ni des régimes politiques : en Occident ou ailleurs, dans un régime capitaliste ou socialiste, dès qu’un groupe humain a accès à la technique, il réalisera tout ce qu’elle permet de faire, peu importe les conséquences éthiques. D’ailleurs, la Technique finit par produire ses propres normes morales et ceux qui s’y opposent sont traités d’obscurantistes.
Naturellement, les chrétiens ont réfuté ces discours et tenté de montrer que la Bible permet une approche vertueuse en matière d’écologie. L’être humain est présenté comme un « intendant » (steward) à qui Dieu a confié la Création, avec pour mission de la garder et la faire fructifier. Des projets de « Bibles vertes[3] » ont fleuri et les lectures écologiques de l’Ecriture et de la Doctrine de l’Eglise abondent.
Le théologien orthodoxe John Behr nous invite à relire ces textes. Selon lui, il ne faut pas « s’accrocher à la figure du monde qui passe », qui reste seulement « l’écume » de la réalité, mais à faire advenir le monde nouveau[5]. Cela ne nous décharge pas de nos responsabilités pour une terre plus juste et plus habitable, au contraire. Les efforts pour sauvegarder nos écosystèmes et défendre la dignité humaine sont plus que jamais nécessaires. Mais c’est l’horizon d’une Création renouvelée qui nous anime et, pour cela, « il faut prendre au sérieux la résurrection de la chair ». La place donnée au corps humain, à sa dignité est la clef d’une écologie réellement respectueuse de tout le créé. C’est pour cela que depuis St Paul VI, la théologie catholique a introduit la notion d’« écologie humaine », ou « écologie de l’homme », qui part du respect de la personne pour lui associer un réel respect de la Création. Le Pape François a élargi cette idée avec le concept d’ « écologie intégrale » dans Laudato si[6].
[1] L. White, Les racines historiques de notre crise écologique, PUF, Paris, 2019.
[2] J. Ellul, Le système technicien, Le Cherche Midi, Paris, 2004.
[3] Pensons, par exemple à N. Habel, The Birth, the Curse and the Greening of Earth, An Ecological Reading of Genesis 1–11, Sheffield Phoenix Press, Sheffield, 2011.
[4] B. Latour, « Sur une nette inversion du schème du temps », Recherches de sciences religieuses 107/4 (2019), 601-615.
[5] J. Behr, « Our Theological Traditions Review to Face the Ecological Challenge », Communication au Colloque des RSR, Conversion écologique, Traduction de la version remise aux participants en français par R. Kremer, .Paris, 17-19 novembre 2022,
[6] François, Laudato si’, 201,. https://www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html
La déchristianisation entraîne une perte de la foi en la résurrection des corps chez nos contemporains, même ceux qui se disent catholiques. Par ailleurs, le discours écologique met l’accent sur les dangers qui guident le monde et l’humanité et n’imagine que très rarement un au-delà de ce monde-ci et de cette existence. S’il y a une eschatologie, une pensée de la fin des temps en écologie, elle est totalement close sur notre monde. Le slogan « Il n’y a pas de planète B » résume bien cette fermeture. Certains, y compris des chrétiens pratiquants, vont jusqu’à contester l’idée même de résurrection de la chair en objectant qu’il n’y aurait pas assez de place pour tous sur la terre si nous ressuscitions en chair et en os… tout en récitant le Credo tous les dimanches à la messe. Comment, alors, annoncer le cœur de la foi, le kerygme de la résurrection des corps, face à une éco-anxiété généralisée ?
Cette thèse s’est largement répandue et il n’est pas rare que certains milieux écologistes soient hostiles au christianisme, qu’ils assimilent d’ailleurs à la pensée technicienne occidentale issue de la modernité, à partir du XVIIe siècle. Descartes, en particulier, est un représentant de ces travers à leurs yeux. Même le théologien protestant Jacques Ellul a pu servir de caution à ces préjugés dans sa critique du Système technicien[2]. En effet, l’Occident ayant une réelle suprématie technologique, il est tentant de lui en attribuer les conséquences néfastes. Pourtant Ellul explique bien que ce système qui fait de la technique la norme de toutes les activités humaines et en prend finalement le contrôle, ne dépend ni des peuples où il se déploie, ni des régimes politiques : en Occident ou ailleurs, dans un régime capitaliste ou socialiste, dès qu’un groupe humain a accès à la technique, il réalisera tout ce qu’elle permet de faire, peu importe les conséquences éthiques. D’ailleurs, la Technique finit par produire ses propres normes morales et ceux qui s’y opposent sont traités d’obscurantistes.
Naturellement, les chrétiens ont réfuté ces discours et tenté de montrer que la Bible permet une approche vertueuse en matière d’écologie. L’être humain est présenté comme un « intendant » (steward) à qui Dieu a confié la Création, avec pour mission de la garder et la faire fructifier. Des projets de « Bibles vertes[3] » ont fleuri et les lectures écologiques de l’Ecriture et de la Doctrine de l’Eglise abondent.
Le théologien orthodoxe John Behr nous invite à relire ces textes. Selon lui, il ne faut pas « s’accrocher à la figure du monde qui passe », qui reste seulement « l’écume » de la réalité, mais à faire advenir le monde nouveau[5]. Cela ne nous décharge pas de nos responsabilités pour une terre plus juste et plus habitable, au contraire. Les efforts pour sauvegarder nos écosystèmes et défendre la dignité humaine sont plus que jamais nécessaires. Mais c’est l’horizon d’une Création renouvelée qui nous anime et, pour cela, « il faut prendre au sérieux la résurrection de la chair ». La place donnée au corps humain, à sa dignité est la clef d’une écologie réellement respectueuse de tout le créé. C’est pour cela que depuis St Paul VI, la théologie catholique a introduit la notion d’« écologie humaine », ou « écologie de l’homme », qui part du respect de la personne pour lui associer un réel respect de la Création. Le Pape François a élargi cette idée avec le concept d’ « écologie intégrale » dans Laudato si[6].
[1] L. White, Les racines historiques de notre crise écologique, PUF, Paris, 2019.
[2] J. Ellul, Le système technicien, Le Cherche Midi, Paris, 2004.
[3] Pensons, par exemple à N. Habel, The Birth, the Curse and the Greening of Earth, An Ecological Reading of Genesis 1–11, Sheffield Phoenix Press, Sheffield, 2011.
[4] B. Latour, « Sur une nette inversion du schème du temps », Recherches de sciences religieuses 107/4 (2019), 601-615.
[5] J. Behr, « Our Theological Traditions Review to Face the Ecological Challenge », Communication au Colloque des RSR, Conversion écologique, Traduction de la version remise aux participants en français par R. Kremer, .Paris, 17-19 novembre 2022,
[6] François, Laudato si’, 201,. https://www.vatican.va/content/francesco/fr/encyclicals/documents/papa-francesco_20150524_enciclica-laudato-si.html