Marie Madeleine, qui porte le beau titre d’apôtre des apôtres, aurait évangélisé la Provence. Une tradition veut qu’elle ait accosté à Les Saintes-Maries-de-la-Mer, sur une petite embarcation, accompagnée de son frère Lazare, de sa sœur Marthe et d’autres disciples. Tandis que Lazare serait devenu évêque de Marseille, Marie-Madeleine serait allée aider Maximin à évangéliser la région d’Aix-en-Provence avant de se retirer dans la solitude et la contemplation à la Sainte-Baume où elle aurait fini sa vie.

Est-il possible d’en savoir plus sur cette disciple privilégiée, proche de Jésus ?

Les femmes disciples de Jésus passent souvent inaperçues dans les évangiles, pourtant elles sont bien là ! L’une d’elles, Marie-Madeleine, a un rôle bien particulier et non des moindres, puisqu’il est attesté par les quatre évangiles : elle est le premier témoin de la résurrection de Jésus-Christ. Il n’y a pas de hasard dans les évangiles : chaque passage a été finement élaboré, chaque scène soigneusement choisie. Si Marie-Madeleine figure en première place, c’est parce que cela était su des disciples et que cela ne pouvait pas ne pas être dit. Si on avait voulu attester la résurrection de manière plus crédible et sérieuse, on n’aurait pas choisi une femme dont le témoignage n’avait, à l’époque, aucune valeur juridique. Le fait que cet épisode ait été maintenu et qu’il soit rappelé par les quatre évangiles lui confère donc une authenticité très spéciale. Il faut aller plus loin : que représentait la présence de cette femme dans le groupe des disciples pour que le ressuscité lui fasse l’honneur de sa première apparition ?

On ne sait que peu de choses sur elle. Tout d’abord, elle porte un prénom très courant au 1er siècle de notre ère : Marie ou Myriam. Or, il y a de nombreuses Marie dans les évangiles. Un amalgame de trois différentes Marie a d’ailleurs conduit à forger une identité assez déformée de cette disciple hors du commun.

On la confond premièrement avec Marie de Béthanie, la sœur de Marthe et de Lazare. Cette Marie avait justement oint les pieds de Jésus (Jn 12,1-11). À cause de cette onction, on a également rapproché et identifié Marie-Madeleine à la prostituée (pourtant anonyme, celle-ci) qui verse le parfum sur les pieds de Jésus lors d’un banquet organisé chez Simon le pharisien (Lc 7,36-50). De là, il n’y a qu’un pas à faire (et le pape Grégoire le Grand l’a fait dans une homélie donnée en 591 à Rome) pour identifier Marie de Magdala à cette prostituée sans nom. Dès lors, on a associé les sept démons de Marie Madeleine (Lc 8,2) au péché de la chair et à sa vie dissolue. Jésus l’en aurait tirée et guérie. C’est majoritairement comme une séductrice convertie qu’on a représenté Marie de Magdala dans l’art. Son séjour dans la grotte humide de la Sainte-Baume est décrit comme un temps de pénitence pour ses péchés passés. Bref, on a transformé la disciple privilégiée en la plus grande pécheresse convertie ! Mais, la tradition a-t-elle eu raison ? Que disent vraiment les évangiles sur Marie Madeleine ?

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Gauche: onction de la tête de Jésus. Centre: Marie madeleine au pied de la croix. Droite: apparition du Christ ressuscité à Marie Madeleine. Vitrail de la grotte de la Sainte Baume. Photo: E. Pastore

« Et il advint ensuite qu’il cheminait à travers villes et villages, prêchant et annonçant la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu. Les Douze étaient avec lui, ainsi que quelques femmes qui avaient été guéries d’esprits mauvais et de maladies : Marie, appelée la Magdaléenne, de laquelle étaient sortis sept démons. » (Lc 8, 1‑2)
D’après Luc, elle s’appelle « la Magdaléenne » (Lc 8,2). Cette précision indique probablement le lieu d’où elle est originaire : Magdala, une petite ville de pêche au bord du lac de Galilée, se situant à équidistance entre Tibériade et Capharnaüm. Le fait que Marie soit explicitement qualifiée de Magdaléenne ne permet justement pas de la confondre avec l’autre Marie qui, elle, est de Béthanie.

De plus, autre détail important, Marie de Magdala n’est pas qualifiée par rapport à son père, à son mari ou à un frère, comme cela serait attendu lorsqu’on évoque une femme. Il y a donc lieu de penser qu’elle était célibataire. D’ailleurs, une femme mariée n’aurait probablement jamais pu vivre en itinérance à la suite d’un rabbi ; ce qui va dans le sens de la thèse du célibat de Marie-Madeleine.

D’après Luc, elle fait partie de ces femmes qui suivaient Jésus et l’assistaient de leurs biens (Lc 8,3). Il est donc possible que Marie-Madeleine était d’un rang social élevé. En tous les cas, il ne faudrait pas limiter son action à celle d’un bienfaiteur externe. Ce groupe de femmes suit Jésus depuis la Galilée (Lc 23,55). Il y a donc bien un groupe de disciples-femmes à la suite de Jésus, même si les évangiles leur accordent moins d’importance.

Toujours d’après Luc, Marie de Magdala a été guérie de sept démons. Qu’est-ce que cela signifie ? Il faut admettre que l’évangile ne le précise pas. Cependant, on peut dire que la libération de démons ne doit pas être comprise nécessairement comme une possession diabolique, comme une maladie mentale, – une sorte de folie -, ou encore comme une dépravation sexuelle (comme l’a suggéré Grégoire le Grand). Lorsque Jésus guérit, même une maladie physique, un langage d’exorcisme est employé. À l’époque, on considère que tous les maux sont dus à l’influence de démons. On ne fait pas encore la différence (une distinction très moderne) entre les maux physiques et les maux dus à une présence maléfique ou diabolique. Tout mal s’explique par l’action d’un esprit mauvais. Il faut donc chasser cet esprit. C’est d’ailleurs bien ainsi que Jésus guérit : lorsqu’il guérit la belle-mère de Pierre, il menace la fièvre en employant les mots de l’exorcisme (Lc 4,38-39). Même chose lorsqu’il guérit de l’épilepsie (Lc 9,37-49) ou lorsqu’il guérit la femme courbée (Lc 13,11-16) ou encore lorsqu’il menace vent et tempête (Mc 4,39).

Dans le cas de Marie-Madeleine, il y a une étrangeté par rapport aux autres prodiges réalisés par Jésus : c’est le fait que ni le mal en soi n’est décrit, ni la manière dont Jésus l’en a guéri. Si cela n’est pas rapporté, c’est que cela n’est pas nécessaire pour saisir le message. On ne saura jamais en quoi a consisté le mal qui assaillait cette femme. Mais, en revanche, ce qui ne laisse aucun doute, c’est que Jésus l’a parfaitement guérie et rétablie. Les sept démons ont été chassés. D’après Mt 12,43-45, lorsqu’un démon est chassé d’une personne, il va en chercher sept autres pour y revenir. Marie-Madeleine a donc été libérée totalement et définitivement (sept, le chiffre de la plénitude). En elle, le mal a été pleinement vaincu. Il n’y a plus de mal en elle. Cela n’a jamais été dit d’aucun autre disciple de Jésus. Rappelons plutôt qu’un autre disciple, et non des moindres, Pierre, a été traité de Satan par Jésus dénonçant son mode de pensée qui était à l’opposé du sien ! L’inverse est vrai pour Marie-Madeleine : il n’y a en elle aucun démon. Et c’est Jésus qui a fait cela en elle.

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La Sainte Baume. Photos: E. Pastore

Sa place parmi les disciples et le groupe des Douze interpelle. On sait que Jésus ne laissait le suivre que ceux qu’il avait choisi. Malheureusement, l’appel de Marie de Magdala n’est pas rapporté dans les évangiles. Pourtant, elle semble y occuper une place de choix, voire de direction : c’est à elle que Jésus ressuscité apparaît pour qu’elle aille ensuite l’annoncer aux autres disciples !

« 1 Le premier jour de la semaine, Marie de Magdala vient de bonne heure au tombeau, comme il faisait encore sombre, et elle aperçoit la pierre enlevée du tombeau. 2 Elle court alors et vient trouver Simon-Pierre, ainsi que l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : “On a enlevé le Seigneur du tombeau et nous ne savons pas où on l’a mis.” 3 Pierre sortit donc, ainsi que l’autre disciple, et ils se rendirent au tombeau. […] 10 Les disciples s’en retournèrent alors chez eux. 11 Marie se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Or, tout en pleurant, elle se pencha vers l’intérieur du tombeau 12 et elle voit deux anges, en vêtements blancs, assis là où avait reposé le corps de Jésus, l’un à la tête et l’autre aux pieds. 13 Ceux-ci lui disent : “Femme, pourquoi pleures-tu ?” Elle leur dit : “Parce qu’on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis.” 14 Ayant dit cela, elle se retourna, et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. 15 Jésus lui dit : “Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ?” Le prenant pour le jardinier, elle lui dit : “Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et je l’enlèverai.” 16 Jésus lui dit : “Marie !” Se retournant, elle lui dit en hébreu : “Rabbouni” – ce qui veut dire : “Maître.” 17 Jésus lui dit : “Cesse de me toucher, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.” 18 Marie de Magdala vient annoncer aux disciples qu’elle a vu le Seigneur et qu’il lui a dit cela. » (Jn 20, 1‑3.10‑18)

C’est l’envoi de Marie-Madeleine vers les autres disciples qui lui a valu le titre d’ « apôtre des apôtres » par le pape François. Par un décret publié le 10 juin 2016 par la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, Marie-Madeleine est mise et célébrée au rang des apôtres :

Il est juste que la célébration liturgique de cette femme ait le même degré de fête que celui qui est donné à la célébration des apôtres dans le Calendrier Romain Général et que soit mise en évidence la mission de cette femme, qui est un exemple et un modèle pour toute femme dans l’Église. (Décret de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, le 10 juin 2016)

L’envoi de Marie-Madeleine vers les autres disciples pour leur annoncer la résurrection du Christ doit être compris comme un envoi de toute l’Église, comme le rappelle ce même décret. Marie-Madeleine, comme l’Église, doit rappeler à tous les disciples de Jésus (à nous-mêmes et à tous ceux qui viendront après nous) que Jésus ne s’appréhende plus de la même manière désormais. Avant, Marie-Madeleine l’avait côtoyé et touché dans sa chair comme tous les autres disciples qui ont vécu à ses côtés. Désormais le « cesse de me toucher » renvoie à un nouveau mode de relation au Ressuscité. Il est monté vers son Père et notre Père. Nous ne le voyons donc plus dans la chair, mais dans la foi. Connaître le Ressuscité et le suivre se réalise dorénavant dans la foi. Cela nous semble peut-être banal pour nous aujourd’hui qui n’avons pas connu Jésus dans sa vie terrestre et avons grandi dans la foi, mais cela était un nouveau défi pour les chrétiens des premières générations. Or, c’est à Marie-Madeleine que cette mission a été premièrement confiée, avant d’être également assumée par les autres apôtres et disciples.

Confions à Sainte Marie-Madeleine le beau chemin synodal que l’Eglise est appelée à parcourir ! Sainte Marie-Madeleine, priez pour nous !

Emanuelle Pastore

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Basilique Saint Maximin avec tombeau de sainte Marie Madeleine. Photos: E. Pastore

Marie Madeleine, qui porte le beau titre d’apôtre des apôtres, aurait évangélisé la Provence. Une tradition veut qu’elle ait accosté à Les Saintes-Maries-de-la-Mer, sur une petite embarcation, accompagnée de son frère Lazare, de sa sœur Marthe et d’autres disciples. Tandis que Lazare serait devenu évêque de Marseille, Marie-Madeleine serait allée aider Maximin à évangéliser la région d’Aix-en-Provence avant de se retirer dans la solitude et la contemplation à la Sainte-Baume où elle aurait fini sa vie.

Est-il possible d’en savoir plus sur cette disciple privilégiée, proche de Jésus ?

Les femmes disciples de Jésus passent souvent inaperçues dans les évangiles, pourtant elles sont bien là ! L’une d’elles, Marie-Madeleine, a un rôle bien particulier et non des moindres, puisqu’il est attesté par les quatre évangiles : elle est le premier témoin de la résurrection de Jésus-Christ. Il n’y a pas de hasard dans les évangiles : chaque passage a été finement élaboré, chaque scène soigneusement choisie. Si Marie-Madeleine figure en première place, c’est parce que cela était su des disciples et que cela ne pouvait pas ne pas être dit. Si on avait voulu attester la résurrection de manière plus crédible et sérieuse, on n’aurait pas choisi une femme dont le témoignage n’avait, à l’époque, aucune valeur juridique. Le fait que cet épisode ait été maintenu et qu’il soit rappelé par les quatre évangiles lui confère donc une authenticité très spéciale. Il faut aller plus loin : que représentait la présence de cette femme dans le groupe des disciples pour que le ressuscité lui fasse l’honneur de sa première apparition ?

On ne sait que peu de choses sur elle. Tout d’abord, elle porte un prénom très courant au 1er siècle de notre ère : Marie ou Myriam. Or, il y a de nombreuses Marie dans les évangiles. Un amalgame de trois différentes Marie a d’ailleurs conduit à forger une identité assez déformée de cette disciple hors du commun.

On la confond premièrement avec Marie de Béthanie, la sœur de Marthe et de Lazare. Cette Marie avait justement oint les pieds de Jésus (Jn 12,1-11). À cause de cette onction, on a également rapproché et identifié Marie-Madeleine à la prostituée (pourtant anonyme, celle-ci) qui verse le parfum sur les pieds de Jésus lors d’un banquet organisé chez Simon le pharisien (Lc 7,36-50). De là, il n’y a qu’un pas à faire (et le pape Grégoire le Grand l’a fait dans une homélie donnée en 591 à Rome) pour identifier Marie de Magdala à cette prostituée sans nom. Dès lors, on a associé les sept démons de Marie Madeleine (Lc 8,2) au péché de la chair et à sa vie dissolue. Jésus l’en aurait tirée et guérie. C’est majoritairement comme une séductrice convertie qu’on a représenté Marie de Magdala dans l’art. Son séjour dans la grotte humide de la Sainte-Baume est décrit comme un temps de pénitence pour ses péchés passés. Bref, on a transformé la disciple privilégiée en la plus grande pécheresse convertie ! Mais, la tradition a-t-elle eu raison ? Que disent vraiment les évangiles sur Marie Madeleine ?

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Gauche: onction de la tête de Jésus. Centre: Marie madeleine au pied de la croix. Droite: apparition du Christ ressuscité à Marie Madeleine. Vitrail de la grotte de la Sainte Baume. Photo: E. Pastore

« Et il advint ensuite qu’il cheminait à travers villes et villages, prêchant et annonçant la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu. Les Douze étaient avec lui, ainsi que quelques femmes qui avaient été guéries d’esprits mauvais et de maladies : Marie, appelée la Magdaléenne, de laquelle étaient sortis sept démons. » (Lc 8, 1‑2)
D’après Luc, elle s’appelle « la Magdaléenne » (Lc 8,2). Cette précision indique probablement le lieu d’où elle est originaire : Magdala, une petite ville de pêche au bord du lac de Galilée, se situant à équidistance entre Tibériade et Capharnaüm. Le fait que Marie soit explicitement qualifiée de Magdaléenne ne permet justement pas de la confondre avec l’autre Marie qui, elle, est de Béthanie.

De plus, autre détail important, Marie de Magdala n’est pas qualifiée par rapport à son père, à son mari ou à un frère, comme cela serait attendu lorsqu’on évoque une femme. Il y a donc lieu de penser qu’elle était célibataire. D’ailleurs, une femme mariée n’aurait probablement jamais pu vivre en itinérance à la suite d’un rabbi ; ce qui va dans le sens de la thèse du célibat de Marie-Madeleine.

D’après Luc, elle fait partie de ces femmes qui suivaient Jésus et l’assistaient de leurs biens (Lc 8,3). Il est donc possible que Marie-Madeleine était d’un rang social élevé. En tous les cas, il ne faudrait pas limiter son action à celle d’un bienfaiteur externe. Ce groupe de femmes suit Jésus depuis la Galilée (Lc 23,55). Il y a donc bien un groupe de disciples-femmes à la suite de Jésus, même si les évangiles leur accordent moins d’importance.

Toujours d’après Luc, Marie de Magdala a été guérie de sept démons. Qu’est-ce que cela signifie ? Il faut admettre que l’évangile ne le précise pas. Cependant, on peut dire que la libération de démons ne doit pas être comprise nécessairement comme une possession diabolique, comme une maladie mentale, – une sorte de folie -, ou encore comme une dépravation sexuelle (comme l’a suggéré Grégoire le Grand). Lorsque Jésus guérit, même une maladie physique, un langage d’exorcisme est employé. À l’époque, on considère que tous les maux sont dus à l’influence de démons. On ne fait pas encore la différence (une distinction très moderne) entre les maux physiques et les maux dus à une présence maléfique ou diabolique. Tout mal s’explique par l’action d’un esprit mauvais. Il faut donc chasser cet esprit. C’est d’ailleurs bien ainsi que Jésus guérit : lorsqu’il guérit la belle-mère de Pierre, il menace la fièvre en employant les mots de l’exorcisme (Lc 4,38-39). Même chose lorsqu’il guérit de l’épilepsie (Lc 9,37-49) ou lorsqu’il guérit la femme courbée (Lc 13,11-16) ou encore lorsqu’il menace vent et tempête (Mc 4,39).

Dans le cas de Marie-Madeleine, il y a une étrangeté par rapport aux autres prodiges réalisés par Jésus : c’est le fait que ni le mal en soi n’est décrit, ni la manière dont Jésus l’en a guéri. Si cela n’est pas rapporté, c’est que cela n’est pas nécessaire pour saisir le message. On ne saura jamais en quoi a consisté le mal qui assaillait cette femme. Mais, en revanche, ce qui ne laisse aucun doute, c’est que Jésus l’a parfaitement guérie et rétablie. Les sept démons ont été chassés. D’après Mt 12,43-45, lorsqu’un démon est chassé d’une personne, il va en chercher sept autres pour y revenir. Marie-Madeleine a donc été libérée totalement et définitivement (sept, le chiffre de la plénitude). En elle, le mal a été pleinement vaincu. Il n’y a plus de mal en elle. Cela n’a jamais été dit d’aucun autre disciple de Jésus. Rappelons plutôt qu’un autre disciple, et non des moindres, Pierre, a été traité de Satan par Jésus dénonçant son mode de pensée qui était à l’opposé du sien ! L’inverse est vrai pour Marie-Madeleine : il n’y a en elle aucun démon. Et c’est Jésus qui a fait cela en elle.

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La Sainte Baume. Photos: E. Pastore

Sa place parmi les disciples et le groupe des Douze interpelle. On sait que Jésus ne laissait le suivre que ceux qu’il avait choisi. Malheureusement, l’appel de Marie de Magdala n’est pas rapporté dans les évangiles. Pourtant, elle semble y occuper une place de choix, voire de direction : c’est à elle que Jésus ressuscité apparaît pour qu’elle aille ensuite l’annoncer aux autres disciples !

« 1 Le premier jour de la semaine, Marie de Magdala vient de bonne heure au tombeau, comme il faisait encore sombre, et elle aperçoit la pierre enlevée du tombeau. 2 Elle court alors et vient trouver Simon-Pierre, ainsi que l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : “On a enlevé le Seigneur du tombeau et nous ne savons pas où on l’a mis.” 3 Pierre sortit donc, ainsi que l’autre disciple, et ils se rendirent au tombeau. […] 10 Les disciples s’en retournèrent alors chez eux. 11 Marie se tenait près du tombeau, au-dehors, tout en pleurs. Or, tout en pleurant, elle se pencha vers l’intérieur du tombeau 12 et elle voit deux anges, en vêtements blancs, assis là où avait reposé le corps de Jésus, l’un à la tête et l’autre aux pieds. 13 Ceux-ci lui disent : “Femme, pourquoi pleures-tu ?” Elle leur dit : “Parce qu’on a enlevé mon Seigneur, et je ne sais pas où on l’a mis.” 14 Ayant dit cela, elle se retourna, et elle voit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus. 15 Jésus lui dit : “Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ?” Le prenant pour le jardinier, elle lui dit : “Seigneur, si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et je l’enlèverai.” 16 Jésus lui dit : “Marie !” Se retournant, elle lui dit en hébreu : “Rabbouni” – ce qui veut dire : “Maître.” 17 Jésus lui dit : “Cesse de me toucher, car je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va trouver mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.” 18 Marie de Magdala vient annoncer aux disciples qu’elle a vu le Seigneur et qu’il lui a dit cela. » (Jn 20, 1‑3.10‑18)

C’est l’envoi de Marie-Madeleine vers les autres disciples qui lui a valu le titre d’ « apôtre des apôtres » par le pape François. Par un décret publié le 10 juin 2016 par la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, Marie-Madeleine est mise et célébrée au rang des apôtres :

Il est juste que la célébration liturgique de cette femme ait le même degré de fête que celui qui est donné à la célébration des apôtres dans le Calendrier Romain Général et que soit mise en évidence la mission de cette femme, qui est un exemple et un modèle pour toute femme dans l’Église. (Décret de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, le 10 juin 2016)

L’envoi de Marie-Madeleine vers les autres disciples pour leur annoncer la résurrection du Christ doit être compris comme un envoi de toute l’Église, comme le rappelle ce même décret. Marie-Madeleine, comme l’Église, doit rappeler à tous les disciples de Jésus (à nous-mêmes et à tous ceux qui viendront après nous) que Jésus ne s’appréhende plus de la même manière désormais. Avant, Marie-Madeleine l’avait côtoyé et touché dans sa chair comme tous les autres disciples qui ont vécu à ses côtés. Désormais le « cesse de me toucher » renvoie à un nouveau mode de relation au Ressuscité. Il est monté vers son Père et notre Père. Nous ne le voyons donc plus dans la chair, mais dans la foi. Connaître le Ressuscité et le suivre se réalise dorénavant dans la foi. Cela nous semble peut-être banal pour nous aujourd’hui qui n’avons pas connu Jésus dans sa vie terrestre et avons grandi dans la foi, mais cela était un nouveau défi pour les chrétiens des premières générations. Or, c’est à Marie-Madeleine que cette mission a été premièrement confiée, avant d’être également assumée par les autres apôtres et disciples.

Confions à Sainte Marie-Madeleine le beau chemin synodal que l’Eglise est appelée à parcourir ! Sainte Marie-Madeleine, priez pour nous !

Emanuelle Pastore

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Basilique Saint Maximin avec tombeau de sainte Marie Madeleine. Photos: E. Pastore