Dès le IIème siècle, surtout chez saint Justin (mort vers 163) et saint Irénée (mort vers 200), la Vierge Marie est reconnue dans l’Église comme Eve nouvelle ou la Femme nouvelle. Découvrez l’arc tendu entre l’Ancien et le Nouveau Testament.

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Eve. Musée de l’architecture, Paris. Photo: E. Pastore

Pour ces Pères de l'Église, l'Eve nouvelle est associée au Christ, nouvel Adam (I Co 15,45) dans l’œuvre du salut : elle répare, par sa foi et son obéissance, la condamnation encourue par l’incrédulité et la désobéissance de la première femme :

Le nœud de la désobéissance d’Eve a été dénoué par l’obéissance de Marie, car ce que la Vierge Eve avait lié par son incrédulité, la Vierge Marie l’a délié par sa foi. (St Irénée)

Jésus, nouvel Adam, est un des grands thèmes de la théologie de st Paul ; thème clairement présent dans les écrits d’Irénée et de Maxime de Turin. Jésus, nouvel Adam, est toujours contemplé en parallèle avec Marie, Eve nouvelle.

 

A ce thème de l’Eve nouvelle, est associé celui de la « terre virginale » au moyen de laquelle Dieu, au commencement, façonna l’image du premier homme (Gn 2,7). St Irénée fait remarquer que cette argile était de la terre encore intacte, « virginale », non travaillée par l’homme. Or, Adam est le produit du « sein » de cette terre encore vierge.

Le Christ et Adam ont Dieu pour Père et une vierge pour mère. (Maxime de Turin)

L’action de l’Esprit-Saint en Marie est un acte créateur. Et si c’est un acte créateur, il signifie une reprise du commencement primordial de toute l’histoire humaine : « Marie est la première créature du peuple nouveau. »

En la solennité de la fête de l’Assomption, l’Église nous donne à lire ce texte prestigieux de l’Apocalypse :

Alors s’ouvrit le temple de Dieu, dans le ciel, et son arche d’alliance fut vue, dans le temple ; puis ce furent des éclairs et des voix et des tonnerres et un tremblement de terre, et une grande grêle …Un signe grandiose fut vu au ciel : une Femme, drapée du soleil, la lune est sous ses pieds, et douze étoiles couronnent sa tête ; elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l’enfantement. (Ap 11,19-12,1-2)

Ce dont il est question va être introduit par l’apparition de l’Arche d’Alliance, considérée du point de vue de Dieu. Nous allons assister à la conclusion définitive de l’Alliance, telle que Dieu la veut et la fait s’épanouir. A l’annonce symbolique de la conclusion de cette Alliance nouvelle, la création réagit avec force : éclairs, voix, tonnerres, tremblements de terre… L’Alliance, aujourd’hui, c’est en effet l’Incarnation, le mariage du Créateur et de la créature.

Cette Alliance est personnifiée par une femme enceinte ; elle est un « signe », c’est-à-dire une merveille suscitée par Dieu afin d’interpeller les hommes intrigués :

Qui est celle-là qui surgit comme l’aurore, belle comme la lune, resplendissante comme le soleil, redoutable comme des bataillons? (Ct 6,10)

La première identification est celle d’Eve, celle de qui sort une descendance, contre qui le serpent mène un incessant et infructueux combat. Mais c’est Eve, vue du côté du ciel : c’est Eve restaurée, celle qui met au monde le premier-né de la création nouvelle, celui sur qui la mort n’aura plus d’emprise.

Mais Eve, en qui s’amorce la re-création, est aussi la Fille de Sion, Israël que Dieu au choisie comme un époux choisit sa fiancée. Elle est dressée sur la lune qui lui sert de piédestal et drapée dans le soleil qui la nimbe : les deux luminaires d’autrefois, créés pour annoncer les fêtes d’Israël. Quant à la couronne des douze étoiles, elle évoque les douze tribus (Gn 37,9) et souligne ainsi que tout Israël est là, signe mystérieux pour la terre entière. Jadis, Israël avait souffert les douleurs et le travail de l’enfantement, mais vainement :

Comme une femme enceinte sur le point d’accoucher frémit et crie dans ses douleurs, nous étions devant toi, Seigneur ; nous avons conçu, nous avons été en travail, mais nous n’avons enfanté que du vent, nous n’avons pas apporté le salut à la terre. (Is 26,17-18)

Cette fois, c’est bien avec l’Incarnation qu’Israël réalise pleinement sa vocation de Peuple destiné à susciter le Rédempteur messianique.

Lorsque dans l’épisode des noces de Cana (Jn 2,1-12), Jésus s’adresse à sa Mère en l’appelant « Femme », il confirme que Marie est bien l’Eve nouvelle, celle qui personnifie l’Israël ancien et nouveau. En effet, de son côté, Marie a donné cette réponse à l’interpellation du Christ : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5) Faisant ainsi, Marie reprend, au nom d’Israël, la parole de conclusion de l’Alliance entre le Seigneur et le Peuple : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le ferons » (Ex 19,8)

C’est à ce titre encore qu’au pied de la croix, elle se voit enfanter le reste de sa descendance dans la personne de Jean : Jésus, mourant sur la croix, révèle que sa mère – en tant que « Femme » avec toute la résonance biblique de ce mot – sera désormais aussi la mère du « disciple », et que celui-ci comme représentant de tous les « disciples » de Jésus sera désormais le fils de sa propre mère. Autrement dit, il révèle une nouvelle dimension de la maternité de Marie, une dimension spirituelle, et une nouvelle fonction de la mère de Jésus dans l’économie du salut.

Peut-on risquer une comparaison ? L’Eve de l’Ancien Testament, prête une oreille complaisante aux propos du séducteur et par sa désobéissance, détourne l’homme de la voie du salut ; Marie, Eve nouvelle, est la Vierge à l’écoute de la Parole de son Dieu, « qu’il me soit fait selon Ta parole ! » (Lc 1,38); elle épouse le Plan de salut de Dieu et donne au monde le Fils de Dieu, le Rédempteur.

Eve, « Mère de tous les vivants » (Gn 3,20) est le témoin du commencement biblique ; Marie, Eve nouvelle » est le témoin du nouveau commencement et de la « création nouvelle » (2 Co 5,17).

Marie-Christophe Maillard

Dès le IIème siècle, surtout chez saint Justin (mort vers 163) et saint Irénée (mort vers 200), la Vierge Marie est reconnue dans l’Église comme Eve nouvelle ou la Femme nouvelle. Découvrez l’arc tendu entre l’Ancien et le Nouveau Testament.

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Eve. Musée de l’architecture, Paris. Photo: E. Pastore

Pour ces Pères de l'Église, l'Eve nouvelle est associée au Christ, nouvel Adam (I Co 15,45) dans l’œuvre du salut : elle répare, par sa foi et son obéissance, la condamnation encourue par l’incrédulité et la désobéissance de la première femme :

Le nœud de la désobéissance d’Eve a été dénoué par l’obéissance de Marie, car ce que la Vierge Eve avait lié par son incrédulité, la Vierge Marie l’a délié par sa foi. (St Irénée)

Jésus, nouvel Adam, est un des grands thèmes de la théologie de st Paul ; thème clairement présent dans les écrits d’Irénée et de Maxime de Turin. Jésus, nouvel Adam, est toujours contemplé en parallèle avec Marie, Eve nouvelle.

 

A ce thème de l’Eve nouvelle, est associé celui de la « terre virginale » au moyen de laquelle Dieu, au commencement, façonna l’image du premier homme (Gn 2,7). St Irénée fait remarquer que cette argile était de la terre encore intacte, « virginale », non travaillée par l’homme. Or, Adam est le produit du « sein » de cette terre encore vierge.

Le Christ et Adam ont Dieu pour Père et une vierge pour mère. (Maxime de Turin)

L’action de l’Esprit-Saint en Marie est un acte créateur. Et si c’est un acte créateur, il signifie une reprise du commencement primordial de toute l’histoire humaine : « Marie est la première créature du peuple nouveau. »

En la solennité de la fête de l’Assomption, l’Église nous donne à lire ce texte prestigieux de l’Apocalypse :

Alors s’ouvrit le temple de Dieu, dans le ciel, et son arche d’alliance fut vue, dans le temple ; puis ce furent des éclairs et des voix et des tonnerres et un tremblement de terre, et une grande grêle …Un signe grandiose fut vu au ciel : une Femme, drapée du soleil, la lune est sous ses pieds, et douze étoiles couronnent sa tête ; elle est enceinte et crie dans les douleurs et le travail de l’enfantement. (Ap 11,19-12,1-2)

Ce dont il est question va être introduit par l’apparition de l’Arche d’Alliance, considérée du point de vue de Dieu. Nous allons assister à la conclusion définitive de l’Alliance, telle que Dieu la veut et la fait s’épanouir. A l’annonce symbolique de la conclusion de cette Alliance nouvelle, la création réagit avec force : éclairs, voix, tonnerres, tremblements de terre… L’Alliance, aujourd’hui, c’est en effet l’Incarnation, le mariage du Créateur et de la créature.

Cette Alliance est personnifiée par une femme enceinte ; elle est un « signe », c’est-à-dire une merveille suscitée par Dieu afin d’interpeller les hommes intrigués :

Qui est celle-là qui surgit comme l’aurore, belle comme la lune, resplendissante comme le soleil, redoutable comme des bataillons? (Ct 6,10)

La première identification est celle d’Eve, celle de qui sort une descendance, contre qui le serpent mène un incessant et infructueux combat. Mais c’est Eve, vue du côté du ciel : c’est Eve restaurée, celle qui met au monde le premier-né de la création nouvelle, celui sur qui la mort n’aura plus d’emprise.

Mais Eve, en qui s’amorce la re-création, est aussi la Fille de Sion, Israël que Dieu au choisie comme un époux choisit sa fiancée. Elle est dressée sur la lune qui lui sert de piédestal et drapée dans le soleil qui la nimbe : les deux luminaires d’autrefois, créés pour annoncer les fêtes d’Israël. Quant à la couronne des douze étoiles, elle évoque les douze tribus (Gn 37,9) et souligne ainsi que tout Israël est là, signe mystérieux pour la terre entière. Jadis, Israël avait souffert les douleurs et le travail de l’enfantement, mais vainement :

Comme une femme enceinte sur le point d’accoucher frémit et crie dans ses douleurs, nous étions devant toi, Seigneur ; nous avons conçu, nous avons été en travail, mais nous n’avons enfanté que du vent, nous n’avons pas apporté le salut à la terre. (Is 26,17-18)

Cette fois, c’est bien avec l’Incarnation qu’Israël réalise pleinement sa vocation de Peuple destiné à susciter le Rédempteur messianique.

Lorsque dans l’épisode des noces de Cana (Jn 2,1-12), Jésus s’adresse à sa Mère en l’appelant « Femme », il confirme que Marie est bien l’Eve nouvelle, celle qui personnifie l’Israël ancien et nouveau. En effet, de son côté, Marie a donné cette réponse à l’interpellation du Christ : « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jn 2,5) Faisant ainsi, Marie reprend, au nom d’Israël, la parole de conclusion de l’Alliance entre le Seigneur et le Peuple : « Tout ce que le Seigneur a dit, nous le ferons » (Ex 19,8)

C’est à ce titre encore qu’au pied de la croix, elle se voit enfanter le reste de sa descendance dans la personne de Jean : Jésus, mourant sur la croix, révèle que sa mère – en tant que « Femme » avec toute la résonance biblique de ce mot – sera désormais aussi la mère du « disciple », et que celui-ci comme représentant de tous les « disciples » de Jésus sera désormais le fils de sa propre mère. Autrement dit, il révèle une nouvelle dimension de la maternité de Marie, une dimension spirituelle, et une nouvelle fonction de la mère de Jésus dans l’économie du salut.

Peut-on risquer une comparaison ? L’Eve de l’Ancien Testament, prête une oreille complaisante aux propos du séducteur et par sa désobéissance, détourne l’homme de la voie du salut ; Marie, Eve nouvelle, est la Vierge à l’écoute de la Parole de son Dieu, « qu’il me soit fait selon Ta parole ! » (Lc 1,38); elle épouse le Plan de salut de Dieu et donne au monde le Fils de Dieu, le Rédempteur.

Eve, « Mère de tous les vivants » (Gn 3,20) est le témoin du commencement biblique ; Marie, Eve nouvelle » est le témoin du nouveau commencement et de la « création nouvelle » (2 Co 5,17).

Marie-Christophe Maillard