La pierre de Rosette est un des objets les plus fameux gardés au British Museum à Londres. Et pour cause, cette stèle gravée en trois écritures différentes est l’ultime élément qui a permis le déchiffrement des hiérog hiéroglyphes égyptiens par Jean-François Champollion. Mais l’importance de la stèle conduit bien au-delà du déchiffrement d’une écriture restée jusque-là mystérieuse, puisque sa découverte marque aussi la naissance de l’Égyptologie en ouvrant désormais l’accès à la connaissance de l’histoire et de la littérature égyptiennes.

Le contexte

La stèle a été découverte lors de la campagne napoléonienne en Egypte (1798- 1801). L’expédition est accompagnée par 167 savants. On compte parmi eux des mathématiciens, des astronomes, des géographes, des architectes, des ingénieurs, des dessinateurs, des naturalistes, des orientalistes, des poètes, des musiciens et des peintres. Ils ont pour tache de faire « un grand inventaire de la vallée du Nil ». L’expédition a débarqué à Alexandrie le 1er juillet 1798 à Alexandrie.

Napoléon en Egypte, par Ulpiano Checa. Wikipedia

La découverte de la stèle

La stèle a été découverte en juillet 1799 dans le delta du Nil, dans un village appelé Rachid et connu sous le nom de Rosetta qui lui donnera son nom. On a immédiatement supposé qu’un même texte y est inscrit en trois écritures différentes. Napoléon s’empressa de faire arriver la pierre au Caire et de faire déchiffrer sa partie inférieure qui, elle, est rédigée en grec. Il fit également de nombreuses copies des inscriptions, afin qu’elles soient accessibles au plus grand nombre de savants. Mais en attendant, les Anglais des Ottomans ont vaincu les Français. Après la victoire des Anglais alliés aux Ottomans en 1801, de nombreux objets anciens trouvés par Napoléon, dont la pierre de Rosette, sont devenus propriété anglaise, ce qui explique sa présence actuelle au British Museum.

La pierre de Rosette, British Museum, Londres.

Description de la stèle

La pierre de Rosette est un fragment de stèle. Aucun autre fragment de cette stèle n’a été découvert au cours des fouilles menées sur le site de Rosette. Aucun des trois textes n’est complet. Celui du haut est le plus endommagé : seules les quatorze dernières lignes en hiéroglyphique sont visibles, toutes interrompues sur la droite et douze d’entre elles sur la gauche. Le texte central en démotique est le mieux conservé : il est constitué de trente-deux lignes, dont les quatorze premières sont légèrement endommagées sur le côté droit. Le dernier texte en grec contient cinquante-quatre lignes, les vingt-sept premières étant complètes. Les autres sont de plus en plus fragmentaires à cause d’une cassure en diagonale dans le coin inférieur droit de la pierre.

L’écriture hiéroglyphique frappe par son caractère esthétique, peu adapté à l’écriture cursive. Il s’agit d’un système mixte, à la fois idéographique et phonographique, où un signe peut représenter une idée ou un son. Malgré l’utilisation par les scribes de systèmes simplifiés, l’écriture hiéroglyphique s’est maintenue pendant près de trois millénaires et demi sans grands changements.

L’écriture démotique devient, à partir du 7e siècle av. J.-C., l’écriture officielle. C’est la seule écriture égyptienne à connaître une large utilisation dans la vie quotidienne ( « démotique », du grec demotika, « écriture populaire » ). Très cursive, riche en ligatures et abréviations, elle a perdu tout aspect figuratif.

La stèle contient un décret pris en 196 av. J.-C., en faveur du pharaon Ptolémée V Épiphane, par l’assemblée des prêtres égyptiens réunie à Memphis (voir explication ci-après).

Détail de la pierre de Rosette montrant les trois types d’écritures. En haut le hiéroglyphique, au centre le démotique, en bas le grec.

Il est possible d’estimer la longueur totale du texte et les dimensions originelles de la stèle par comparaison avec des stèles analogues, y compris des copies, qui ont été conservées. Le décret de Canope, légèrement plus ancien, édicté en -238 sous le règne de Ptolémée III, est haut de 219 cm, large de 82 cm et contient trente-six lignes de texte en hiéroglyphe, soixante-treize en démotique et soixante-quatorze en grec. Les textes sont de longueurs similaires. Par comparaison, il est possible d’estimer que quatorze ou quinze lignes de hiéroglyphes, pour une hauteur de 30 cm, sont manquantes en haut de la pierre. En plus des inscriptions, le haut de la stèle montrait certainement le roi accompagné de dieux, surmontés d’un disque ailé, comme sur la stèle de Canope. La hauteur initiale de la stèle est estimée à environ 149 cm.

La stèle reconstituée en entier. Photo: Musée Médard

L’histoire de son déchiffrement

Jean-François Champollion (1790-1832) manifestait déjà un talent exceptionnel à l’âge de dix ans pour l’apprentissage du grec, du latin et de l’hébreu. A dix-sept ans, il s’était déjà promis de déchiffrer un jour les hiéroglyphes égyptiens. Il étudia l’arabe, le syriaque, le perse, le sanskrit et le copte, avant de se mettre à travailler sur la pierre de Rosette. Il lui faudra 14 ans pour y parvenir.

Dans l’inscription hiéroglyphique de la pierre de Rosette apparaissait à cinq reprises, ceint d’un cartouche, un groupe de signes dont on savait, grâce au texte grec, qu’ils représentaient la forme égyptienne du nom du roi «Ptolémée». Or ce nom étant étranger à la langue égyptienne – il s’agit d’un nom grec -, il fallait bien, pour le noter, que les hiéroglyphes aient pu marginalement être employés de manière phonétique.

Mieux encore, dans ce groupe de signes, on était assuré de la valeur alphabétique des deux premiers : p et t . En effet, à trois reprises, le cartouche de Ptolémée contenait, outre son nom, des hiéroglyphes dont on savait par le texte grec qu’ils notaient les épithètes « éternellement vivant, aimé de Ptah » . Et, malgré l’aspiration Ph, Th , il était raisonnable d’y reconnaître la notation des lettres p et t à l’initiale du nom du dieu Ptah.

Champollion étudiait l’inscription de Rosette depuis 1808. Familier des langues sémitiques et conscient, grâce au copte, des affinités sémitiques de l’égyptien ancien, il connaissait bien cette particularité qu’ont la plupart de leurs systèmes d’écriture de ne noter que les consonnes et les semi-­consonnes. Aussi, par hypothèse, avait-il assigné aux sept signes hiéroglyphiques notant le nom de Ptolémée les valeurs alphabétiques suivantes : P-T-Ô-L-M-Y-S pour PTÔL[e]M[a]Y[o]S. Une telle hypothèse devait se révéler exacte, mais il y manquait encore une confirmation décisive ; aussi Champollion s’abstenait-il d’en faire publiquement état.

Cette confirmation, il l’attendait du nom hiéroglyphique de Cléopâtre ; ce nom, grec également Kleopatra, compte en effet en commun avec celui de Ptolémée les lettres P, T, O, L ; s’il s’avérait que celles-ci y assument la même forme hiéroglyphique que dans le cartouche de Rosette, la lecture de celui-ci serait démontrée. Champollion savait que ce nom figurait parmi les inscriptions hiéroglyphiques d’un obélisque de Philae, dit « obélisque Bankes » : un texte grec, gravé sur le socle du monument, attestait qu’il devait s’y trouver. Au début de l’année 1822, Champollion reçoit une copie de ces inscriptions. Il y reconnaît les signes auxquels il avait assigné conjecturalement les valeurs P, Ô, L, et ce, dans une position telle qu’il n’y avait aucune possibilité de douter que ce cartouche fût celui de Cléopâtre.

Dès lors, connaissant la valeur alphabétique de douze signes hiéroglyphiques, Champollion n’a plus besoin que du temps nécessaire pour reconnaître, à partir d’eux, dans de nouveaux cartouches, d’autres noms de souverains gréco-romains de l’Égypte mentionnés par les sources classiques, et d’apprendre réciproquement par ceux-ci la valeur de signes encore inconnus… Il lui restait encore à formuler l’hypothèse qu’aucun avant lui n’avait avancée selon laquelle l’écriture hiéroglyphique combine les signes idéographiques et phonétiques, et à établir définitivement la parenté linguistique du copte et de l’égyptien.

L’inscription gravée sur la stèle: traduction

Dans le règne du jeune qui a succédé à son père dans la royauté, Seigneur des diadèmes, très glorieux, lui qui a rendu stable l’Egypte, qui est pieux, envers les dieux, qui triomphe de ses ennemis, qui a rétabli la vie civilisée aux hommes, Seigneur des jubilés, semblable à Hephaistos le Grand, un roi comme Ra, grand roi des contrées supérieures et inférieures, progéniture des Dieux Philopatores, approuvé par Ptah, à qui Ra a donné la victoire, l’image vivante d’Amon, fils de Ra, PTOLÉMÉE, VIVRA A JAMAIS, BIEN-AIMÉ DE PTAH, en l’an IX, quand Aétès fils d’Aétès était prêtre d’Alexandrie, et des Dieux Soters, et des Dieux Adelphes, et des Dieux Evergètes, et des Dieux Philopators et du Dieu Epiphane Euchariste, fille Pyrrha de Philions étant Athlophore de Berenice Evergète, fille Aria de Diogenes étant Kanephoros d’Arsinoe Philadelphos, fille Irene de Ptolémée étant Prêtresse d’Arsinoe Philopator, le quatre du mois des Xandikos, correspondant pour les Égyptiens au 18ème jour de Mekhir.
LE DECRET : Etant ci présent assemblés les Grands Prêtres et Prophètes là et ceux qui pénètrent dans le saint des saints pour vêtir les dieux, et les Porteurs d’Eventail et les Scribes Sacrés et tous les autres prêtres des temples de la terre qui sont venus rencontrer le roi à Memphis, pour la fête de l’ assomption de PTOLÉMÉE, CELUI QUI EST ETERNELLEMENT, L’AIMÉ DE PTAH, LE DIEU EPIPHANES EUCHARISTE, du pouvoir royal, Tous se sont assemblés dans le temple de Memphis ce jour où il a été déclaré :
Vu que le Roi PTOLEMEE, LE VIVANT ETERNELLEMENT , LE BIEN-AIMÉ DE PTAH, LE DIEU EPIPHANES EUCHARISTE, le fils du Roi Ptolemée et Reine Arsinoé, Dieux Philopators, a prodigué des bienfaits et aux temples et à ceux qui y vivent, ainsi bien qu’à tous ceux qui sont ses sujets, en étant un dieu issu d’un dieu et la déesse aime Horus le fils d’Isis et Osiris qui ont vengé son père Osiris en étant disposé favorablement envers les dieux, a dédié aux revenus des temples de l’argent et du maïs et a entrepris beaucoup de dépenses pour la prospérité de l’Egypte, et le maintien des temples, et a été généreux envers tous sur ses propres ressources, et des revenus et taxes levés en Egypte certains il les a exemptés et en a allégé d’autres afin que ses gens et tous les autres puissent être dans prospérité pendant son règne; et qu’il a effacé les dettes envers la couronne pour de nombreux égyptiens et pour le reste du royaume; et pour ceux qui étaient en prison et ceux qui étaient accusés de longue date, il a décidé de lever les charges pesant contre eux; et aussi qu’il a confirmé que les dieux continueront à jouir des revenus des temples et des allocations annuelles perçues, les deux de maïs et d’argent, également les revenus alloués aux vignes et jardins et autres propriétés qui appartenaient aux dieux sous le règne de son père; et qu’il a aussi décidé que les prêtres ne devraient plus payer aucun impôt pour l’admission à la prêtrise, tant pour ceux nommés sous le règne de son père, que pour ceux nommés depuis la première année de son propre règne, et il a exempté les membres de la prêtrise du voyage annuel à Alexandrie; et qu’il a également ordonné qu’il n’y aurait plus aucune réquisition pour la marine, et il a différé les 2/3 de l’impôt sur tissu du lin fin payé par les temples de la couronne, et quel qu’aient été les négligences des temps passés, il les a corrigées comme il se devait, en soulignant tout particulièrement les taxes traditionnelles à payer aux dieux; et également a tout réparti équitablement, comme Thot le grand est grand; et a décrété que ceux qui reviennent de la guerre, et ceux qui ont été spoliés de leurs biens dans les jours de troubles, devaient, à leur retour être autorisés à occuper leurs vieilles possessions, et aussi qu’il prévoit de débourser de grandes sommes d’argent et de maïs pour envoyer la cavalerie, l’infanterie et la marine à la rencontre de ceux qui tentent d’envahir l’Egypte par mer et par terre, afin que les temples et tous ceux qui exploitent la terre puissent être en sécurité; et s’étant rendu sur place à Lycopolis dans le nome de Bousirite, qui avait été occupée et fortifiée contre un siège avec une réserve imposante d’armements et autres fournitures, pour constater et dissiper le mécontentement provoqué par des hommes impies ayant perpétré de nombreux dégâts aux temples et à tous les habitants d’Egypte, il l’a entouré de monticules, tranchées et fortifications compliquées, quand le Nil, qui habituellement inonde les plaines, a connu une grande crue dans la huitième année de son règne, il l’a prévenue en endiguant en de nombreux endroits les débouchés des canaux, pour un coût dérisoire, et en confiant la garde de ces lieux à la cavalerie et à l’infanterie, en peu de temps, il prit d’assaut la ville et tua tous les hommes impies, tout comme le firent Thot et Horus, les fils d’Isis et Osiris, autrefois pour subjuguer les rebelles dans le même district; et comme son père l’avait fait avec les rebelles qui avaient dérangé la terre et lésé les temples, il s’est rendu à Memphis pour venger son père et sa propre parenté, et les a punis comme ils le méritaient; profitant de sa venue, il fit exécuter les cérémonies adéquates pour son couronnement, et aussi qu’il a exempté ce qui était dû à la couronne dans les temples jusqu’à sa huitième année, en ne prélévant même pas une petite quantité de maïs et argent; et aussi l’impôt pour le tissu de lin fin ne fut pas levé par la couronne, et de ceux délivrés, les plusieurs prix pour leur vérification, pour la même période, et il a aussi exempté les temples de l’impôt de la mesure de grain pour chaque mesure de terre sacrée et également le pot de vin pour chaque mesure de terre de vigne; et aussi qu’il a donné beaucoup de cadeaux à Apis et Mnevis et aux autres animaux sacrés d’ Egypte, parce qu’il était beaucoup plus prévenant que ses royaux prédécesseurs, et pour leurs enterrements il a donné ce qui était convenable avec prodigalité et faste, et ce qui a été payé à leurs temples spéciaux l’était régulièrement, avec sacrifices et festivals et autres observations coutumières, et il a maintenu l’honneur des temples d’Egypte d’après les lois, et il a orné le temple d’Apis par un travail riche, en dépensant pour lui sans compter or et argent et pierres précieuses; et aussi qu’il a consolidé les temples et leurs autels, et a réparé ceux qui le nécessitaient, en ayant à l’esprit d’être un dieu bienfaisant en ce qui touche la religion, et aussi qu’après enquête il a fait construire le plus honorable des temples pendant son règne, comme il se doit; en récompense de quoi les dieux lui ont donné santé, victoire et pouvoir, et toutes les autres bonnes choses, et lui et ses enfants resteront dans la postérité pour tous les temps.
AVEC FORTUNE FAVORABLE : Il a été résolu par les prêtres de tous les temples du pays d’augmenter les dévotions rendues au Roi PTOLEMEE grandement, LE VIVANT ETERNELLEMENT, LE BIEN-AIMÉ DE PTAH, LE DIEU EPIPHANES EUCHARISTE, également ceux de ses parents les Dieux Philopators, et de ses ancêtres, les Grands Euergatai et les Dieux Adelphoi et les Dieux Soteres et mettre dans la place la plus proéminente de chaque temple une image du VIVANT ETERNELLEMENT ROI PTOLEMEE, LE BIEN-AIMÉ DE PTAH, LE DIEU EPIPHANES EUCHARISTE qui sera appelé simplement « PTOLÉMÉE, le défenseur de l’Egypte », à côté de qui se trouvera le dieu principal du temple, en lui donnant le cimeterre de victoire, le tout sera fabriqué selon les us et coutumes égyptiennes, et que les prêtres paieront l’hommage aux images trois fois par jour, et a mis sur eux les vêtements sacrés, et exécute l’autre dévotion habituelle donnée aux autres dieux dans les festivals égyptiens, et établir pour roi PTOLEMEE, LE DIEU EPIPHANES EUCHARISTE, issu du Roi Ptolémée et de la Reine Arsinoe, les Dieux Philopatores, une statue et un temple d’or dans chacun des temples, et le mettre dans la chambre intérieure avec les autres temples, et dans les grands festivals que les temples soient portés en procession, le temple du DIEU EPIPHANES EUCHARISTE sera porté en procession avec eux. Et afin que celui-ci puisse être aisément reconnaissable et pour tout le temps, il sera mis sur le temple dix couronnes royales en or auxquelles sera ajouté un cobra à l’identique de toutes les couronnes ornées d’un cobra des autres temples, dans le centre de la couronne double qu’il portait dans le temple à Memphis lors des cérémonies de son couronnement; et là sera placé sur le rond de la surface carrée au sujet des couronnes, à côté de la couronne susmentionnée, emblèmes huit emblèmes d’or, nombre qui signifie que c’est le temple du roi qui fait manifeste le Pays Supérieur et le Pays Inférieur. Et depuis que c’est le 30e de Mesore que l’anniversaire du roi est célébré, et également les 17e de Paophi jour où il succéda à son père, ils ont retenu ces jours comme des jours de dévotion dans les temples, depuis qu’ils sont sources de grandes bénédictions pour tout; il a été décrété en outre qu’une cérémonie sera donnée dans les temples partout en Egypte ces jours dans chaque mois, accompagnée de sacrifices et libations et toutes les cérémonies coutumières aux autres festivals et offrandes seront donné aux prêtres qui servent dans les temples. Et une cérémonie aura lieu en l’honneur du Roi PTOLEMEE, LE VIVANT ETERNELLEMENT, LE BIEN-AIMÉ DE PTAH, LE DIEU EPIPHANES EUCHARISTE, annuellement dans les temples partout dans la terre les 1er de Thot durant cinq jours, durant lesquels ils porteront des guirlandes et exécuteront des sacrifices et libations et autres sacrements habituels, et les prêtres dans chaque temple seront appelés les prêtres du DIEU EPIPHANES EUCHARISTE en plus des noms des autres dieux qu’ils servent; et sa prêtrise sera inscrite sur tous les documents officiels et sera gravée sur les bagues qu’ils portent; et les individus privés seront aussi autorisés à garder la cérémonie et installer le temple susmentionné dans leurs maisons, exécuter les célébrations susmentionnées annuellement, afin que tout un chacun puisse savoir que les hommes d’Egypte magnifient et honorent le DIEU EPIPHANES EUCHARISTE le roi, d’après la loi. Ce décret sera inscrit sur une stèle de pierre dure dans les caractères sacrés et natifs et grecs et sera mis dans chacun des premier, deuxième et troisième temples du rang à côté de l’image du Roi Vivant éternellement.

Explication de l’inscription

La stèle est érigée après le couronnement du roi Ptolémée V et est gravée d’un décret qui établit le culte divin du nouveau monarque. Le décret est édicté par un congrès de prêtres rassemblé à Memphis. La date donnée est le 4 Xandicus dans le calendrier macédonien et 18 Méchir du calendrier égyptien, ce qui correspond au 27 mars de l’an -196. Cette année est indiquée comme étant la neuvième du règne de Ptolémée V, ce qui est confirmé par la mention de quatre prêtres qui ont officié cette année-là.

La pierre de Rosette est un exemple tardif d’une classe de stèles de donation qui présente les exonérations fiscales accordées par le monarque régnant à des prêtres. Les pharaons ont érigé ces stèles depuis deux mille ans, les exemples les plus anciens datant de l’Ancien Empire. Au début, ces décrets étaient publiés par le roi lui-même, mais le décret de Memphis est délivré par des prêtres, garants de la culture traditionnelle égyptienne. Ce décret annonce que Ptolémée V a fait don d’argent et de grain aux temples égyptiens, que, lors de la huitième année de son règne, il a endigué une crue du Nil (en) particulièrement importante afin d’aider les agriculteurs. En remerciement, les prêtres s’engagent à ce que l’anniversaire du roi et celui de son couronnement soient célébrés chaque année et à ce que Ptolémée soit vénéré comme un dieu. La partie grecque de la pierre de Rosette commence ainsi : Βασιλεύοντος τοῦ νέου καὶ παραλαβόντος τὴν βασιλείαν παρὰ τοῦ πατρός… (Basileuontos tou neou kai paralabontos tèn basileian para tou patros… ; « Le nouveau roi, ayant reçu le royaume de son père… »). Le décret se termine par l’instruction selon laquelle une copie, écrite dans trois langages : la « langue des dieux » (hiéroglyphes), la « langue des documents » (démotique) et la « langue des Grecs » devra être placée dans chaque temple.

Sources:

  • Maria Gabriella Esposito, Rosetta Stone, Gizah, Farid Atiya Press, 2011.

  • Pierre Grandet, Champollion et la pierre de Rosette, L’Histoire, collection 29, 2005

La pierre de Rosette est un des objets les plus fameux gardés au British Museum à Londres. Et pour cause, cette stèle gravée en trois écritures différentes est l’ultime élément qui a permis le déchiffrement des hiérog hiéroglyphes égyptiens par Jean-François Champollion. Mais l’importance de la stèle conduit bien au-delà du déchiffrement d’une écriture restée jusque-là mystérieuse, puisque sa découverte marque aussi la naissance de l’Égyptologie en ouvrant désormais l’accès à la connaissance de l’histoire et de la littérature égyptiennes.

Le contexte

La stèle a été découverte lors de la campagne napoléonienne en Egypte (1798- 1801). L’expédition est accompagnée par 167 savants. On compte parmi eux des mathématiciens, des astronomes, des géographes, des architectes, des ingénieurs, des dessinateurs, des naturalistes, des orientalistes, des poètes, des musiciens et des peintres. Ils ont pour tache de faire « un grand inventaire de la vallée du Nil ». L’expédition a débarqué à Alexandrie le 1er juillet 1798 à Alexandrie.

Napoléon en Egypte, par Ulpiano Checa. Wikipedia

La découverte de la stèle

La stèle a été découverte en juillet 1799 dans le delta du Nil, dans un village appelé Rachid et connu sous le nom de Rosetta qui lui donnera son nom. On a immédiatement supposé qu’un même texte y est inscrit en trois écritures différentes. Napoléon s’empressa de faire arriver la pierre au Caire et de faire déchiffrer sa partie inférieure qui, elle, est rédigée en grec. Il fit également de nombreuses copies des inscriptions, afin qu’elles soient accessibles au plus grand nombre de savants. Mais en attendant, les Anglais des Ottomans ont vaincu les Français. Après la victoire des Anglais alliés aux Ottomans en 1801, de nombreux objets anciens trouvés par Napoléon, dont la pierre de Rosette, sont devenus propriété anglaise, ce qui explique sa présence actuelle au British Museum.

La pierre de Rosette, British Museum, Londres.

Description de la stèle

La pierre de Rosette est un fragment de stèle. Aucun autre fragment de cette stèle n’a été découvert au cours des fouilles menées sur le site de Rosette. Aucun des trois textes n’est complet. Celui du haut est le plus endommagé : seules les quatorze dernières lignes en hiéroglyphique sont visibles, toutes interrompues sur la droite et douze d’entre elles sur la gauche. Le texte central en démotique est le mieux conservé : il est constitué de trente-deux lignes, dont les quatorze premières sont légèrement endommagées sur le côté droit. Le dernier texte en grec contient cinquante-quatre lignes, les vingt-sept premières étant complètes. Les autres sont de plus en plus fragmentaires à cause d’une cassure en diagonale dans le coin inférieur droit de la pierre.

L’écriture hiéroglyphique frappe par son caractère esthétique, peu adapté à l’écriture cursive. Il s’agit d’un système mixte, à la fois idéographique et phonographique, où un signe peut représenter une idée ou un son. Malgré l’utilisation par les scribes de systèmes simplifiés, l’écriture hiéroglyphique s’est maintenue pendant près de trois millénaires et demi sans grands changements.

L’écriture démotique devient, à partir du 7e siècle av. J.-C., l’écriture officielle. C’est la seule écriture égyptienne à connaître une large utilisation dans la vie quotidienne ( « démotique », du grec demotika, « écriture populaire » ). Très cursive, riche en ligatures et abréviations, elle a perdu tout aspect figuratif.

La stèle contient un décret pris en 196 av. J.-C., en faveur du pharaon Ptolémée V Épiphane, par l’assemblée des prêtres égyptiens réunie à Memphis (voir explication ci-après).

Détail de la pierre de Rosette montrant les trois types d’écritures. En haut le hiéroglyphique, au centre le démotique, en bas le grec.

Il est possible d’estimer la longueur totale du texte et les dimensions originelles de la stèle par comparaison avec des stèles analogues, y compris des copies, qui ont été conservées. Le décret de Canope, légèrement plus ancien, édicté en -238 sous le règne de Ptolémée III, est haut de 219 cm, large de 82 cm et contient trente-six lignes de texte en hiéroglyphe, soixante-treize en démotique et soixante-quatorze en grec. Les textes sont de longueurs similaires. Par comparaison, il est possible d’estimer que quatorze ou quinze lignes de hiéroglyphes, pour une hauteur de 30 cm, sont manquantes en haut de la pierre. En plus des inscriptions, le haut de la stèle montrait certainement le roi accompagné de dieux, surmontés d’un disque ailé, comme sur la stèle de Canope. La hauteur initiale de la stèle est estimée à environ 149 cm.

La stèle reconstituée en entier. Photo: Musée Médard

L’histoire de son déchiffrement

Jean-François Champollion (1790-1832) manifestait déjà un talent exceptionnel à l’âge de dix ans pour l’apprentissage du grec, du latin et de l’hébreu. A dix-sept ans, il s’était déjà promis de déchiffrer un jour les hiéroglyphes égyptiens. Il étudia l’arabe, le syriaque, le perse, le sanskrit et le copte, avant de se mettre à travailler sur la pierre de Rosette. Il lui faudra 14 ans pour y parvenir.

Dans l’inscription hiéroglyphique de la pierre de Rosette apparaissait à cinq reprises, ceint d’un cartouche, un groupe de signes dont on savait, grâce au texte grec, qu’ils représentaient la forme égyptienne du nom du roi «Ptolémée». Or ce nom étant étranger à la langue égyptienne – il s’agit d’un nom grec -, il fallait bien, pour le noter, que les hiéroglyphes aient pu marginalement être employés de manière phonétique.

Mieux encore, dans ce groupe de signes, on était assuré de la valeur alphabétique des deux premiers : p et t . En effet, à trois reprises, le cartouche de Ptolémée contenait, outre son nom, des hiéroglyphes dont on savait par le texte grec qu’ils notaient les épithètes « éternellement vivant, aimé de Ptah » . Et, malgré l’aspiration Ph, Th , il était raisonnable d’y reconnaître la notation des lettres p et t à l’initiale du nom du dieu Ptah.

Champollion étudiait l’inscription de Rosette depuis 1808. Familier des langues sémitiques et conscient, grâce au copte, des affinités sémitiques de l’égyptien ancien, il connaissait bien cette particularité qu’ont la plupart de leurs systèmes d’écriture de ne noter que les consonnes et les semi-­consonnes. Aussi, par hypothèse, avait-il assigné aux sept signes hiéroglyphiques notant le nom de Ptolémée les valeurs alphabétiques suivantes : P-T-Ô-L-M-Y-S pour PTÔL[e]M[a]Y[o]S. Une telle hypothèse devait se révéler exacte, mais il y manquait encore une confirmation décisive ; aussi Champollion s’abstenait-il d’en faire publiquement état.

Cette confirmation, il l’attendait du nom hiéroglyphique de Cléopâtre ; ce nom, grec également Kleopatra, compte en effet en commun avec celui de Ptolémée les lettres P, T, O, L ; s’il s’avérait que celles-ci y assument la même forme hiéroglyphique que dans le cartouche de Rosette, la lecture de celui-ci serait démontrée. Champollion savait que ce nom figurait parmi les inscriptions hiéroglyphiques d’un obélisque de Philae, dit « obélisque Bankes » : un texte grec, gravé sur le socle du monument, attestait qu’il devait s’y trouver. Au début de l’année 1822, Champollion reçoit une copie de ces inscriptions. Il y reconnaît les signes auxquels il avait assigné conjecturalement les valeurs P, Ô, L, et ce, dans une position telle qu’il n’y avait aucune possibilité de douter que ce cartouche fût celui de Cléopâtre.

Dès lors, connaissant la valeur alphabétique de douze signes hiéroglyphiques, Champollion n’a plus besoin que du temps nécessaire pour reconnaître, à partir d’eux, dans de nouveaux cartouches, d’autres noms de souverains gréco-romains de l’Égypte mentionnés par les sources classiques, et d’apprendre réciproquement par ceux-ci la valeur de signes encore inconnus… Il lui restait encore à formuler l’hypothèse qu’aucun avant lui n’avait avancée selon laquelle l’écriture hiéroglyphique combine les signes idéographiques et phonétiques, et à établir définitivement la parenté linguistique du copte et de l’égyptien.

L’inscription gravée sur la stèle: traduction

Dans le règne du jeune qui a succédé à son père dans la royauté, Seigneur des diadèmes, très glorieux, lui qui a rendu stable l’Egypte, qui est pieux, envers les dieux, qui triomphe de ses ennemis, qui a rétabli la vie civilisée aux hommes, Seigneur des jubilés, semblable à Hephaistos le Grand, un roi comme Ra, grand roi des contrées supérieures et inférieures, progéniture des Dieux Philopatores, approuvé par Ptah, à qui Ra a donné la victoire, l’image vivante d’Amon, fils de Ra, PTOLÉMÉE, VIVRA A JAMAIS, BIEN-AIMÉ DE PTAH, en l’an IX, quand Aétès fils d’Aétès était prêtre d’Alexandrie, et des Dieux Soters, et des Dieux Adelphes, et des Dieux Evergètes, et des Dieux Philopators et du Dieu Epiphane Euchariste, fille Pyrrha de Philions étant Athlophore de Berenice Evergète, fille Aria de Diogenes étant Kanephoros d’Arsinoe Philadelphos, fille Irene de Ptolémée étant Prêtresse d’Arsinoe Philopator, le quatre du mois des Xandikos, correspondant pour les Égyptiens au 18ème jour de Mekhir.
LE DECRET : Etant ci présent assemblés les Grands Prêtres et Prophètes là et ceux qui pénètrent dans le saint des saints pour vêtir les dieux, et les Porteurs d’Eventail et les Scribes Sacrés et tous les autres prêtres des temples de la terre qui sont venus rencontrer le roi à Memphis, pour la fête de l’ assomption de PTOLÉMÉE, CELUI QUI EST ETERNELLEMENT, L’AIMÉ DE PTAH, LE DIEU EPIPHANES EUCHARISTE, du pouvoir royal, Tous se sont assemblés dans le temple de Memphis ce jour où il a été déclaré :
Vu que le Roi PTOLEMEE, LE VIVANT ETERNELLEMENT , LE BIEN-AIMÉ DE PTAH, LE DIEU EPIPHANES EUCHARISTE, le fils du Roi Ptolemée et Reine Arsinoé, Dieux Philopators, a prodigué des bienfaits et aux temples et à ceux qui y vivent, ainsi bien qu’à tous ceux qui sont ses sujets, en étant un dieu issu d’un dieu et la déesse aime Horus le fils d’Isis et Osiris qui ont vengé son père Osiris en étant disposé favorablement envers les dieux, a dédié aux revenus des temples de l’argent et du maïs et a entrepris beaucoup de dépenses pour la prospérité de l’Egypte, et le maintien des temples, et a été généreux envers tous sur ses propres ressources, et des revenus et taxes levés en Egypte certains il les a exemptés et en a allégé d’autres afin que ses gens et tous les autres puissent être dans prospérité pendant son règne; et qu’il a effacé les dettes envers la couronne pour de nombreux égyptiens et pour le reste du royaume; et pour ceux qui étaient en prison et ceux qui étaient accusés de longue date, il a décidé de lever les charges pesant contre eux; et aussi qu’il a confirmé que les dieux continueront à jouir des revenus des temples et des allocations annuelles perçues, les deux de maïs et d’argent, également les revenus alloués aux vignes et jardins et autres propriétés qui appartenaient aux dieux sous le règne de son père; et qu’il a aussi décidé que les prêtres ne devraient plus payer aucun impôt pour l’admission à la prêtrise, tant pour ceux nommés sous le règne de son père, que pour ceux nommés depuis la première année de son propre règne, et il a exempté les membres de la prêtrise du voyage annuel à Alexandrie; et qu’il a également ordonné qu’il n’y aurait plus aucune réquisition pour la marine, et il a différé les 2/3 de l’impôt sur tissu du lin fin payé par les temples de la couronne, et quel qu’aient été les négligences des temps passés, il les a corrigées comme il se devait, en soulignant tout particulièrement les taxes traditionnelles à payer aux dieux; et également a tout réparti équitablement, comme Thot le grand est grand; et a décrété que ceux qui reviennent de la guerre, et ceux qui ont été spoliés de leurs biens dans les jours de troubles, devaient, à leur retour être autorisés à occuper leurs vieilles possessions, et aussi qu’il prévoit de débourser de grandes sommes d’argent et de maïs pour envoyer la cavalerie, l’infanterie et la marine à la rencontre de ceux qui tentent d’envahir l’Egypte par mer et par terre, afin que les temples et tous ceux qui exploitent la terre puissent être en sécurité; et s’étant rendu sur place à Lycopolis dans le nome de Bousirite, qui avait été occupée et fortifiée contre un siège avec une réserve imposante d’armements et autres fournitures, pour constater et dissiper le mécontentement provoqué par des hommes impies ayant perpétré de nombreux dégâts aux temples et à tous les habitants d’Egypte, il l’a entouré de monticules, tranchées et fortifications compliquées, quand le Nil, qui habituellement inonde les plaines, a connu une grande crue dans la huitième année de son règne, il l’a prévenue en endiguant en de nombreux endroits les débouchés des canaux, pour un coût dérisoire, et en confiant la garde de ces lieux à la cavalerie et à l’infanterie, en peu de temps, il prit d’assaut la ville et tua tous les hommes impies, tout comme le firent Thot et Horus, les fils d’Isis et Osiris, autrefois pour subjuguer les rebelles dans le même district; et comme son père l’avait fait avec les rebelles qui avaient dérangé la terre et lésé les temples, il s’est rendu à Memphis pour venger son père et sa propre parenté, et les a punis comme ils le méritaient; profitant de sa venue, il fit exécuter les cérémonies adéquates pour son couronnement, et aussi qu’il a exempté ce qui était dû à la couronne dans les temples jusqu’à sa huitième année, en ne prélévant même pas une petite quantité de maïs et argent; et aussi l’impôt pour le tissu de lin fin ne fut pas levé par la couronne, et de ceux délivrés, les plusieurs prix pour leur vérification, pour la même période, et il a aussi exempté les temples de l’impôt de la mesure de grain pour chaque mesure de terre sacrée et également le pot de vin pour chaque mesure de terre de vigne; et aussi qu’il a donné beaucoup de cadeaux à Apis et Mnevis et aux autres animaux sacrés d’ Egypte, parce qu’il était beaucoup plus prévenant que ses royaux prédécesseurs, et pour leurs enterrements il a donné ce qui était convenable avec prodigalité et faste, et ce qui a été payé à leurs temples spéciaux l’était régulièrement, avec sacrifices et festivals et autres observations coutumières, et il a maintenu l’honneur des temples d’Egypte d’après les lois, et il a orné le temple d’Apis par un travail riche, en dépensant pour lui sans compter or et argent et pierres précieuses; et aussi qu’il a consolidé les temples et leurs autels, et a réparé ceux qui le nécessitaient, en ayant à l’esprit d’être un dieu bienfaisant en ce qui touche la religion, et aussi qu’après enquête il a fait construire le plus honorable des temples pendant son règne, comme il se doit; en récompense de quoi les dieux lui ont donné santé, victoire et pouvoir, et toutes les autres bonnes choses, et lui et ses enfants resteront dans la postérité pour tous les temps.
AVEC FORTUNE FAVORABLE : Il a été résolu par les prêtres de tous les temples du pays d’augmenter les dévotions rendues au Roi PTOLEMEE grandement, LE VIVANT ETERNELLEMENT, LE BIEN-AIMÉ DE PTAH, LE DIEU EPIPHANES EUCHARISTE, également ceux de ses parents les Dieux Philopators, et de ses ancêtres, les Grands Euergatai et les Dieux Adelphoi et les Dieux Soteres et mettre dans la place la plus proéminente de chaque temple une image du VIVANT ETERNELLEMENT ROI PTOLEMEE, LE BIEN-AIMÉ DE PTAH, LE DIEU EPIPHANES EUCHARISTE qui sera appelé simplement « PTOLÉMÉE, le défenseur de l’Egypte », à côté de qui se trouvera le dieu principal du temple, en lui donnant le cimeterre de victoire, le tout sera fabriqué selon les us et coutumes égyptiennes, et que les prêtres paieront l’hommage aux images trois fois par jour, et a mis sur eux les vêtements sacrés, et exécute l’autre dévotion habituelle donnée aux autres dieux dans les festivals égyptiens, et établir pour roi PTOLEMEE, LE DIEU EPIPHANES EUCHARISTE, issu du Roi Ptolémée et de la Reine Arsinoe, les Dieux Philopatores, une statue et un temple d’or dans chacun des temples, et le mettre dans la chambre intérieure avec les autres temples, et dans les grands festivals que les temples soient portés en procession, le temple du DIEU EPIPHANES EUCHARISTE sera porté en procession avec eux. Et afin que celui-ci puisse être aisément reconnaissable et pour tout le temps, il sera mis sur le temple dix couronnes royales en or auxquelles sera ajouté un cobra à l’identique de toutes les couronnes ornées d’un cobra des autres temples, dans le centre de la couronne double qu’il portait dans le temple à Memphis lors des cérémonies de son couronnement; et là sera placé sur le rond de la surface carrée au sujet des couronnes, à côté de la couronne susmentionnée, emblèmes huit emblèmes d’or, nombre qui signifie que c’est le temple du roi qui fait manifeste le Pays Supérieur et le Pays Inférieur. Et depuis que c’est le 30e de Mesore que l’anniversaire du roi est célébré, et également les 17e de Paophi jour où il succéda à son père, ils ont retenu ces jours comme des jours de dévotion dans les temples, depuis qu’ils sont sources de grandes bénédictions pour tout; il a été décrété en outre qu’une cérémonie sera donnée dans les temples partout en Egypte ces jours dans chaque mois, accompagnée de sacrifices et libations et toutes les cérémonies coutumières aux autres festivals et offrandes seront donné aux prêtres qui servent dans les temples. Et une cérémonie aura lieu en l’honneur du Roi PTOLEMEE, LE VIVANT ETERNELLEMENT, LE BIEN-AIMÉ DE PTAH, LE DIEU EPIPHANES EUCHARISTE, annuellement dans les temples partout dans la terre les 1er de Thot durant cinq jours, durant lesquels ils porteront des guirlandes et exécuteront des sacrifices et libations et autres sacrements habituels, et les prêtres dans chaque temple seront appelés les prêtres du DIEU EPIPHANES EUCHARISTE en plus des noms des autres dieux qu’ils servent; et sa prêtrise sera inscrite sur tous les documents officiels et sera gravée sur les bagues qu’ils portent; et les individus privés seront aussi autorisés à garder la cérémonie et installer le temple susmentionné dans leurs maisons, exécuter les célébrations susmentionnées annuellement, afin que tout un chacun puisse savoir que les hommes d’Egypte magnifient et honorent le DIEU EPIPHANES EUCHARISTE le roi, d’après la loi. Ce décret sera inscrit sur une stèle de pierre dure dans les caractères sacrés et natifs et grecs et sera mis dans chacun des premier, deuxième et troisième temples du rang à côté de l’image du Roi Vivant éternellement.

Explication de l’inscription

La stèle est érigée après le couronnement du roi Ptolémée V et est gravée d’un décret qui établit le culte divin du nouveau monarque. Le décret est édicté par un congrès de prêtres rassemblé à Memphis. La date donnée est le 4 Xandicus dans le calendrier macédonien et 18 Méchir du calendrier égyptien, ce qui correspond au 27 mars de l’an -196. Cette année est indiquée comme étant la neuvième du règne de Ptolémée V, ce qui est confirmé par la mention de quatre prêtres qui ont officié cette année-là.

La pierre de Rosette est un exemple tardif d’une classe de stèles de donation qui présente les exonérations fiscales accordées par le monarque régnant à des prêtres. Les pharaons ont érigé ces stèles depuis deux mille ans, les exemples les plus anciens datant de l’Ancien Empire. Au début, ces décrets étaient publiés par le roi lui-même, mais le décret de Memphis est délivré par des prêtres, garants de la culture traditionnelle égyptienne. Ce décret annonce que Ptolémée V a fait don d’argent et de grain aux temples égyptiens, que, lors de la huitième année de son règne, il a endigué une crue du Nil (en) particulièrement importante afin d’aider les agriculteurs. En remerciement, les prêtres s’engagent à ce que l’anniversaire du roi et celui de son couronnement soient célébrés chaque année et à ce que Ptolémée soit vénéré comme un dieu. La partie grecque de la pierre de Rosette commence ainsi : Βασιλεύοντος τοῦ νέου καὶ παραλαβόντος τὴν βασιλείαν παρὰ τοῦ πατρός… (Basileuontos tou neou kai paralabontos tèn basileian para tou patros… ; « Le nouveau roi, ayant reçu le royaume de son père… »). Le décret se termine par l’instruction selon laquelle une copie, écrite dans trois langages : la « langue des dieux » (hiéroglyphes), la « langue des documents » (démotique) et la « langue des Grecs » devra être placée dans chaque temple.

Sources:

  • Maria Gabriella Esposito, Rosetta Stone, Gizah, Farid Atiya Press, 2011.

  • Pierre Grandet, Champollion et la pierre de Rosette, L’Histoire, collection 29, 2005