En 1828, Jean-François Champollion a résolu l’énigme des hiéroglyphes. Dès lors, il devient donc possible de déchiffrer le mur d’un Temple de Karnak, en Égypte. Or, ce mur évoque un épisode raconté dans la Bible. Néanmoins, les deux textes sont loin d’avoir la même vision de l’événement. Cela nous fait plonger dans le rapport stimulant entre Bible et archéologie.
Une liste de 142 villes conquises par le premier pharaon de la XXIIe dynastie, Sheshonq Ier, est gravée sur les murs d’un temple de Karnak. Parmi les villes mentionnées, on peut lire notamment: Taanach, Beth-Shéan, Rehov, Gibeon, Ayalon, Megiddo, Pénuel, Arad, etc. Ces villes se situent dans la plaine côtière, la Shephéla, la vallée de Jezréel, le nord de la Transjordanie et le Néguev. Mais aucune d’elles n’appartient au royaume naissant de Juda.
Même si cette liste de villes du Levant-Sud pose des problèmes de lecture et d’identification, elle peut être rapprochée d’un fragment de stèle du même pharaon trouvé à Megiddo et de la mention, dans 1 Rois 14, 25-26, d’une expédition du « roi d’Égypte Sheshaq » contre Jérusalem qui lui paya un lourd tribut « la cinquième année du règne de Roboam ».
La chronologie de l’Égypte et celle des livres des Rois situent cette expédition égyptienne en Palestine vers -925 et cette convergence montre clairement que l’historiographie biblique a pu conserver certains souvenirs historiques du 10ès.
« La cinquième année du règne de Roboam, Shishaq, roi d’Égypte, monta contre Jérusalem. Il prit les trésors de la Maison du Seigneur et les trésors de la maison du roi. Il prit absolument tout ; il prit même tous les boucliers d’or que Salomon avait faits. » (1 R 14, 25‑26)
Mais contrairement à ce qu’affirme 1 R 14,25-26, Jérusalem n’est pas mentionnée parmi les villes de Canaan de la liste de Sheshonq. La campagne de Sheshonq vise le nord (Israël) et ignore complètement Juda qui devait être bien insignifiant à l’époque.
Comment expliquer le décalage entre les deux versions du même épisode? Le rédacteur biblique de 1 Rois 14,25-26 – qui n’écrit pas avant le 7è siècle av. J.-C. – s’est probablement appuyé sur une ancienne chronique rapportant le fait, mais il a logiquement interprété que la campagne de Sheshonq visait Jérusalem, voulant présenter sa capitale comme une ville importante aux yeux de l’Égypte. Il faut bien admettre que la Bible ne rapporte pas toujours les faits avec précision, mais qu’elle répond à des objectifs idéologiques et politiques du temps où les textes ont été (ré)écrits.
Pourtant la campagne de Sheshonq pourrait avoir eu d’importantes conséquences sur l’histoire de l’Israël ancien. Certains historiens se demandent si Sheshonq n’aurait pas détruit un royaume centré sur Gabaon, puis autorisé, voire organisé la mise sur pied des deux royaumes d’Israël et de Juda. La création des deux états, nord et sud, pourrait être attribuée à l’intervention de Sheshonq.
Ce scénario est une fois de plus très éloigné de la manière dont la Bible raconte la fondation des deux royaumes aux chapitres 11 et 12 du premier livre des Rois. D’après la Bible, le péché d’idolâtrie de Salomon aurait entraîné la scission du royaume. Après la mort de Salomon, sous son fils Roboam, le royaume uni se serait scindé en deux. Roboam n’aurait conservé sa domination que sur le territoire de Juda, avec Jérusalem pour capitale, tandis que Jéroboam serait devenu le roi de la région du nord, dont la capitale allait bientôt devenir Samarie. Le royaume du nord, Israël, émergea comme une puissance d’envergure, d’un rang au moins égal à celui du royaume araméen de Damas, tandis que le royaume de Juda restera une entité très modeste, à peine plus qu’une chefferie, jusqu’à la fin du 8è s. A partir de -722, lorsque le royaume d’Israël disparaîtra sous la politique assyrienne, alors le petit royaume de Juda prendra son essor, accueillant les réfugiés du nord et tissant d’importants liens commerciaux avec l’Assyrie. Mais il s’agit-là d’une autre histoire… Pour en savoir plus, accédez à notre page d’histoire sur le 8ème siècle av. J.-C.
En conclusion, n’ayons pas peur d’affirmer que la Bible n’est pas un livre d’histoire. D’ailleurs, l’histoire suffirait-elle à rendre compte du message de foi de la Bible? Chaque fois que nous ouvrons le livre sacré, n’oublions pas de le considérer dans ses deux dimensions : il est à la fois parole d’hommes et à la fois Parole de Dieu.
Nul n’est plus humain que Dieu. Le plus divin de la Révélation est articulé sur le plus humain de notre expérience. (Anne-Marie Pelletier)
Aussi, la Bible contient-elle à la fois une parole humaine qu’il faut restituer dans son contexte de rédaction et à la fois la Parole de Dieu qui peut interpeler les lecteurs croyants de tous les temps.
En 1828, Jean-François Champollion a résolu l’énigme des hiéroglyphes. Dès lors, il devient donc possible de déchiffrer le mur d’un Temple de Karnak, en Égypte. Or, ce mur évoque un épisode raconté dans la Bible. Néanmoins, les deux textes sont loin d’avoir la même vision de l’événement. Cela nous fait plonger dans le rapport stimulant entre Bible et archéologie.
Une liste de 142 villes conquises par le premier pharaon de la XXIIe dynastie, Sheshonq Ier, est gravée sur les murs d’un temple de Karnak. Parmi les villes mentionnées, on peut lire notamment: Taanach, Beth-Shéan, Rehov, Gibeon, Ayalon, Megiddo, Pénuel, Arad, etc. Ces villes se situent dans la plaine côtière, la Shephéla, la vallée de Jezréel, le nord de la Transjordanie et le Néguev. Mais aucune d’elles n’appartient au royaume naissant de Juda.
Même si cette liste de villes du Levant-Sud pose des problèmes de lecture et d’identification, elle peut être rapprochée d’un fragment de stèle du même pharaon trouvé à Megiddo et de la mention, dans 1 Rois 14, 25-26, d’une expédition du « roi d’Égypte Sheshaq » contre Jérusalem qui lui paya un lourd tribut « la cinquième année du règne de Roboam ».
La chronologie de l’Égypte et celle des livres des Rois situent cette expédition égyptienne en Palestine vers -925 et cette convergence montre clairement que l’historiographie biblique a pu conserver certains souvenirs historiques du 10ès.
« La cinquième année du règne de Roboam, Shishaq, roi d’Égypte, monta contre Jérusalem. Il prit les trésors de la Maison du Seigneur et les trésors de la maison du roi. Il prit absolument tout ; il prit même tous les boucliers d’or que Salomon avait faits. » (1 R 14, 25‑26)
Mais contrairement à ce qu’affirme 1 R 14,25-26, Jérusalem n’est pas mentionnée parmi les villes de Canaan de la liste de Sheshonq. La campagne de Sheshonq vise le nord (Israël) et ignore complètement Juda qui devait être bien insignifiant à l’époque.
Comment expliquer le décalage entre les deux versions du même épisode? Le rédacteur biblique de 1 Rois 14,25-26 – qui n’écrit pas avant le 7è siècle av. J.-C. – s’est probablement appuyé sur une ancienne chronique rapportant le fait, mais il a logiquement interprété que la campagne de Sheshonq visait Jérusalem, voulant présenter sa capitale comme une ville importante aux yeux de l’Égypte. Il faut bien admettre que la Bible ne rapporte pas toujours les faits avec précision, mais qu’elle répond à des objectifs idéologiques et politiques du temps où les textes ont été (ré)écrits.
Pourtant la campagne de Sheshonq pourrait avoir eu d’importantes conséquences sur l’histoire de l’Israël ancien. Certains historiens se demandent si Sheshonq n’aurait pas détruit un royaume centré sur Gabaon, puis autorisé, voire organisé la mise sur pied des deux royaumes d’Israël et de Juda. La création des deux états, nord et sud, pourrait être attribuée à l’intervention de Sheshonq.
Ce scénario est une fois de plus très éloigné de la manière dont la Bible raconte la fondation des deux royaumes aux chapitres 11 et 12 du premier livre des Rois. D’après la Bible, le péché d’idolâtrie de Salomon aurait entraîné la scission du royaume. Après la mort de Salomon, sous son fils Roboam, le royaume uni se serait scindé en deux. Roboam n’aurait conservé sa domination que sur le territoire de Juda, avec Jérusalem pour capitale, tandis que Jéroboam serait devenu le roi de la région du nord, dont la capitale allait bientôt devenir Samarie. Le royaume du nord, Israël, émergea comme une puissance d’envergure, d’un rang au moins égal à celui du royaume araméen de Damas, tandis que le royaume de Juda restera une entité très modeste, à peine plus qu’une chefferie, jusqu’à la fin du 8è s. A partir de -722, lorsque le royaume d’Israël disparaîtra sous la politique assyrienne, alors le petit royaume de Juda prendra son essor, accueillant les réfugiés du nord et tissant d’importants liens commerciaux avec l’Assyrie. Mais il s’agit-là d’une autre histoire… Pour en savoir plus, accédez à notre page d’histoire sur le 8ème siècle av. J.-C.
En conclusion, n’ayons pas peur d’affirmer que la Bible n’est pas un livre d’histoire. D’ailleurs, l’histoire suffirait-elle à rendre compte du message de foi de la Bible? Chaque fois que nous ouvrons le livre sacré, n’oublions pas de le considérer dans ses deux dimensions : il est à la fois parole d’hommes et à la fois Parole de Dieu.
Nul n’est plus humain que Dieu. Le plus divin de la Révélation est articulé sur le plus humain de notre expérience. (Anne-Marie Pelletier)
Aussi, la Bible contient-elle à la fois une parole humaine qu’il faut restituer dans son contexte de rédaction et à la fois la Parole de Dieu qui peut interpeler les lecteurs croyants de tous les temps.