La révélation du nom divin à Moïse, selon le livre de l’exode 3,1-16

C’est à Moïse que Dieu révèle pour la première fois son Nom, lors du fameux épisode du buisson ardent dans le livre de l’Exode, chapitre 3, versets 1 à 16 :

01 Moïse était berger du troupeau de son beau-père Jéthro, prêtre de Madiane. Il mena le troupeau au-delà du désert et parvint à la montagne de Dieu, à l’Horeb. 02 L’ange du Seigneur lui apparut dans la flamme d’un buisson en feu. Moïse regarda : le buisson brûlait sans se consumer. 03 Moïse se dit alors : « Je vais faire un détour pour voir cette chose extraordinaire : pourquoi le buisson ne se consume-t-il pas ? » 04 Le Seigneur vit qu’il avait fait un détour pour voir, et Dieu l’appela du milieu du buisson : « Moïse ! Moïse ! » Il dit : « Me voici ! » 05 Dieu dit alors : « N’approche pas d’ici ! Retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » 06 Et il déclara : « Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob. » Moïse se voila le visage car il craignait de porter son regard sur Dieu. 07 Le Seigneur dit : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. 08 Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays, vers un pays, ruisselant de lait et de miel, vers le lieu où vivent le Cananéen, le Hittite, l’Amorite, le Perizzite, le Hivvite et le Jébuséen. 09 Maintenant, le cri des fils d’Israël est parvenu jusqu’à moi, et j’ai vu l’oppression que leur font subir les Égyptiens.

10 Maintenant donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Égypte mon peuple, les fils d’Israël. » 11 Moïse dit à Dieu : « Qui suis-je pour aller trouver Pharaon, et pour faire sortir d’Égypte les fils d’Israël ? » 12 Dieu lui répondit : « Je suis avec toi. Et tel est le signe que c’est moi qui t’ai envoyé : quand tu auras fait sortir d’Égypte mon peuple, vous rendrez un culte à Dieu sur cette montagne. » 13 Moïse répondit à Dieu : « J’irai donc trouver les fils d’Israël, et je leur dirai : “Le Dieu de vos pères m’a envoyé vers vous.” Ils vont me demander quel est son nom ; que leur répondrai-je ? » 14 Dieu dit à Moïse : « Je suis qui je suis. Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : “Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est : JE-SUIS”. » 15 Dieu dit encore à Moïse : « Tu parleras ainsi aux fils d’Israël : “Celui qui m’a envoyé vers vous, c’est YHWH, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob”. C’est là mon nom pour toujours, c’est par lui que vous ferez mémoire de moi, d’âge en âge. 16 Va, rassemble les anciens d’Israël. Tu leur diras : “Le Seigneur, le Dieu de vos pères, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, m’est apparu. Il m’a dit : Je vous ai visités et ainsi j’ai vu comment on vous traite en Égypte. (Ex 3,1-16)

Signification du nom divin

YHWH (ou Yahvé) est ce qu’on appelle le tétragramme ou Nom propre de Dieu révélé à Moïse, selon le livre de l’Exode 3,15. Ces quatre consonnes en langue hébraïque constituent une forme hybride du verbe être, c’est-à-dire que ces quatre consonnes appondues ne correspondent pas à une seule forme conjuguée du verbe être, mais à la réunion de trois formes conjuguées : ​

  • Dans l’inaccompli yihe, on a le Y,
  • Dans le participe présent hoveh, on a le W,
  • Dans l’accompli hayah, on la le H.

Les quatre consonnes hébraïques formant le Nom divin (de droite à gauche: iod, hé, vav. hé) correspondent aux quatre consonnes de notre alphabet (de gauche à droite: YHWH).

YHWH

Littéralement, le verset d’Exode 3,14 dit : « Je serai qui je serai », et dans la bouche de Moïse et du croyant, elle passe à la troisième personne au v. 15 : « Il sera » (C’est la signification de « Yahvé »). Être, en hébreu, qualifie une existence active : exister par un agir. Dans ce texte, le verbe « être » est employé deux fois au même temps verbal, à l’inaccompli. L’inaccompli renvoie à un inachevé. Mais attention, inachevé ne signifie pas simplement « futur ». Le présent « je mange » est inaccompli parce qu’en cours de réalisation. Le futur aussi. L’expression pourrait signifier une présence déjà effective et pourtant encore en voie de réalisation, et donc, pour une part inaccomplie.

Ci-contre, voici les nombreuses traductions possibles pour le nom de Dieu. L’expression pourrait signifier une présence déjà effective et pourtant encore en voie de réalisation, pour une part inaccomplie.

Ehyeh – asher – ehyeh ​

Je suis- celui qui – suisa
Je suis – celui qui – est
Je suis – qui – je suis
Je suis – qui – je serai
Je serai – qui – je serai
Je suis – celui qui – suis là
Je suis – celui qui – fait être

Aquila, traducteur d’une nouvelle version de la Bible hébraïque, quand les premiers chrétiens s’approprieront la Septante, au Ier siècle après Jésus, a traduit en grec littéralement la forme hébraïque : esomai ô esomai (« je serai ce que [ou qui] je serai »). Il fait de l’existence divine un futur absolu, comme le fera plus tard un théologien allemand, Jürgen Moltmann : « un Dieu qui “a le futur comme propriété ontologique” ». Mais ce double futur efface l’affirmation d’une présence, dès maintenant, du Dieu du Sinaï.

Il faudrait reconnaître que la moins mauvaise traduction est celle proposée par la TOB (traduction œcuménique de la Bible) : « je suis qui je serai ». Ainsi se dit une présence déjà donnée et en même temps encore à venir. C’est un trait constitutif du Dieu d’Israël et du Dieu des chrétiens. Selon la formule de Paul Ricœur :

« Ainsi la révélation historique – signifiée par les noms d’Abraham, Isaac et de Jacob, s’adosse au secret du nom, dans la mesure même où le Dieu caché s’annonce comme le sens des événements futurs. Entre le secret et la monstration se tient la révélation.

Cette triple dimension passé-présent-futur est rendue en grec, dans l’Apocalypse :

« Je suis l’Alpha et l’Oméga, dit le Seigneur Dieu, “Il est, Il était et Il vient”, le Maître-de-tout. » (Ap 1, 8)

Nous avons analysé la forme verbale du tétragramme YHWH, mais… sommes-nous vraiment plus avancés ? Que signifie ce Nom mystérieux ? Pour répondre, il faut que nous consultions un autre texte, toujours dans le livre de l’Exode. Dans ce texte, Dieu complète lui-même la mention de son Nom en l’accompagnant d’une double formule bien particulière:

« Et Dieu dit à Moïse : “Je ferai passer devant toi toute ma beauté et je prononcerai devant toi le nom de YHWH : Je fais grâce à qui je fais grâce et j’ai pitié de qui j’ai pitié.” (Ex 33,19)

Le Nom de Dieu semble décliné à travers deux verbes: « faire grâce » et « avoir pitié ». L’être du Dieu qui est, qui était et qui sera est ici caractérisé par deux attributs de miséricorde. Voilà peut-être son secret. Toute sa plénitude d’être s’exprime dans la grâce qu’il fait aux hommes.

Bibliographie:

A. Marchadour, Dieu de miséricorde, Bayard, 2016.

Le plus ancien extrait biblique évoquant le nom divin YHWH, 7ème siècle av. J.-C.

A Ketef Hinnom, près de Jérusalem

Entre 1975 et 1995, plusieurs campagnes de fouilles furent menées à Ketef Hinnom, une colline dominant la vallée de Hinnom, au sud-ouest de la Vieille Ville de Jérusalem. Dans la zone proche de l’église Saint-André, des éléments allant de l’Age du fer à la période ottomane devaient être mis au jour.

La principale découverte des fouilles de Ketef Hinnom est constituée par un ensemble de grottes funéraires creusées dans le roc et datant de la fin de la période du Premier Temple (7ème siècle avant J.-C.). Bien que ces grottes aient été pillées et endommagées dans le passé, elles recélaient quantité de petits objets façonnés. Les chambres mortuaires comprenaient de larges banquettes taillées dans la pierre, certaines avec un repose-tête surélevé. Les corps y étaient déposés, et l’espace creusé sous les banquettes servait de caveau pour les ossements lors d’un enterrement ultérieur, dégageant ainsi la place pour les corps d’autres membres de la famille.

L’une des tombes les plus importantes, appartenant sans doute à une famille aisée, fut découverte presque intacte, avec plus d’un millier d’objets : petits récipients en poterie, objets de fer et de bronze, entre autres des pointes de flèches, des aiguilles et des épingles, des objets en os et en ivoire, des bouteilles en verre, et des joyaux, y compris des boucles d’oreilles en or et argent. Cette tombe fut utilisée durant plusieurs générations vers la fin de la période du Premier Temple et durant quelques temps après la destruction du Temple en 587-586 avant J.-C.

Les deux objets les plus importants trouvés dans cette grotte funéraire sont deux petits rouleaux d’argent. Quelque peu endommagés, ce qui n’a rien d’étonnant étant donné qu’ils avaient été placés dans la tombe au 7ème siècle avant J.-C., ils furent précautionneusement déroulés par les spécialistes des laboratoires du Musée Israël. Ils portaient au revers une inscription en écriture paléo-hébraïque, qui fut déchiffrée – non sans mal.

Rouleau d'argent avant d'être déroulé Photo: InterBible

Rouleau d'argent avant d'être déroulé Photo: InterBible

Le petit rouleau avec son texte Illustration: Wikipédia

La plus large de ces deux plaques mesure 97 sur 27 mm, et la plus petite 39 sur 11 mm. La grande plaque contient une inscription de dix-huit lignes, lisible pour l’essentiel. L’une et l’autre contiennent des formules de bénédictions en écriture paléo-hébraïque, presque identiques à la bénédiction biblique des prêtres figurant dans le livre des Nombres 6,24-26 :

22 Le Seigneur parla à Moïse. Il dit :

23 « Parle à Aaron et à ses fils. Tu leur diras : Voici en quels termes vous bénirez les fils d’Israël :

24 “Que YHWH te bénisse et te garde !

25 Que YHWH fasse briller sur toi son visage, qu’il te prenne en grâce !

26 Que YHWH tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix !”

27 Ils invoqueront ainsi mon nom sur les fils d’Israël, et moi, je les bénirai. »

(Nb 6, 22‑27)

Retranscription des deux rouleaux Illustration et montage : Archeobiblion

Cette inscription biblique, qui remonte au 7ème siècle avant J.-C., constitue le plus ancien extrait biblique connu à ce jour et précède de quelque cinq siècles les manuscrits de la mer Morte. Le mot YHWH (le nom du Seigneur en hébreu) y apparaît écrit pour la toute première fois. La bénédiction citée dans le livre des Nombres était récitée par les prêtres du Temple lorsqu’ils bénissaient la communauté, et voilà qu’on la découvre ici par écrit et pour un usage individuel. Ces minuscules rouleaux d’argent étaient sans doute portés en amulettes autour du cou.

Bibliographie : Israel Ministry of Foreign Affairs