Me voici devant le tombeau. La pierre a été roulée. Je m’apprête à me pencher pour y entrer, pour découvrir l’extraordinaire nouvelle, l’événement sur lequel repose toute la foi chrétienne. Peut-être suis-je tellement habitué à cette nouvelle que plus rien ne me surprend…
Tombe du 1er siècle, Israël.
Les femmes, en revanche, ont des raisons d’être enthousiastes et joyeuses. Il est impossible de rester indifférent. En effet, elles viennent de rencontrer un ange qui leur annonce que Jésus, le crucifié, est… ressuscité d’entre les morts ! L’ange leur a même donné une mission bien précise : aller annoncer cette merveilleuse nouvelle aux disciples et leur faire savoir que le Ressuscité se montrerait à eux en Galilée. Dès lors, ils ont été désignés comme messagers et apôtres de …. apôtres !
Ils se lancent donc dans une course effrénée pour rattraper les disciples, lorsqu’il se produit sur la route quelque chose d’encore plus extraordinaire : Jésus lui-même apparaît ! Ils devaient être à bout de souffle à force de courir, quand Jésus les a arrêtés dans leur course. Il leur dit : « Réjouissez-vous ». Réjouissez-vous est le verbe qui exprime la joie devant la chose extraordinaire que Dieu fait. Jésus n’a pas le temps d’ajouter qu’ils sont déjà en train de se prosterner devant lui et de lui serrer les pieds. Jésus se montre à eux, comme si l’annonce de l’ange n’avait pas suffi. Il veut que ses messagers et les apôtres des apôtres soient les témoins directs de la nouvelle dont ils sont porteurs. Ils ne se contentent pas de répéter ce que l’ange leur a dit, comme s’il s’agissait d’une simple répétition d’un message qui leur aurait été dicté. Ils sont avant tout les destinataires de l’acte même de la résurrection de Jésus et, en tant que tels, ils sont envoyés à ceux que Jésus appelle « ses frères ».
Pourquoi Jésus honore-t-il les femmes d’un tel privilège alors que les autres disciples ne verront Jésus que quelques jours plus tard en Galilée ? Nous pouvons répondre à cette question en considérant le récit de la passion qui précède. Dans ces chapitres, les Douze sont absents. Ils l’ont abandonné et se sont enfuis, dit l’évangéliste (Mt 26,56). Jésus affronte donc seul, d’abord le grand prêtre, puis Pilate et enfin la crucifixion. La seule mention d’un des Douze est celle de Pierre, mais pour nous parler de son triple reniement. La seule mention des disciples dans ces chapitres est celle des femmes : « Il y avait beaucoup de femmes qui regardaient de loin, celles-là mêmes qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée et qui le servaient » (Mt 27,55). Et ces mêmes femmes seront encore présentes au tombeau trois jours après l’ensevelissement. Leur présence courageuse à ces moments clés est naturellement comprise par Jésus comme une preuve de profonde fidélité à son égard. Elles ont passé l’épreuve de la mort avec Jésus, elles sont donc en mesure de vivre avec lui son passage à la vie. En effet, n’est-il pas nécessaire de passer par la mort pour revenir à la vie ?
La deuxième partie du texte parle de l’attitude des grands prêtres, une attitude contraire à celle des femmes. Les femmes vont annoncer la bonne nouvelle aux disciples, tandis que les grands prêtres tentent de détourner la nouvelle. Ils soudoient les soldats pour que l’action de l’ange qui roule la pierre du tombeau, puis la disparition du corps de Jésus, ne soient pas associées à un phénomène surnaturel. Ils ont fait courir le bruit que les disciples de Jésus étaient venus voler le corps. C’est l’autre version de l’histoire qui est devenue populaire parmi les Juifs. L’événement de la résurrection de Jésus est la pierre d’achoppement qui divisera les Juifs entre ceux qui croient et ceux qui refusent de croire. Paul n’a-t-il pas dit : « Si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine » (1 Co 15,17) ? De quel côté sommes-nous ? Suis-je du côté des croyants qui ont reçu le témoignage des femmes ? Ou suis-je du côté des grands prêtres qui appellent à la tromperie ?
Sachons discerner dans l’événement du tombeau ouvert la profondeur du mystère qui s’y révèle :
Emanuelle Pastore