Premières mentions d’Israël
La stèle de Merenptah (Mineptah) a été découverte en Égypte, à Thèbes en 1896 dans le temple mortuaire du Pharaon Merenptah, fils et successeur de Ramsès II.
Elle mesure 3,18 de haut sur 1,61 mètre de large et 31 centimètres d’épaisseur.La stèle aurait été rédigée aux alentours de 1207 av. J.-C., en l’an 5 du Pharaon Merenptah. Elle décrit une campagne militaire entreprise dans la région de Canaan et contient la plus ancienne mention écrite d’Israël.
Transcription du texte figurant sur la stèle
« Une grande joie est advenue en Égypte et la jubilation monte dans les villes du Pays bien-aimé. Elles parlent des victoires qu’a remportées Mérenptah sur le Tjehenou. Comme il est aimé, le prince victorieux ! Comme il est grand le roi, parmi les dieux ! Comme il est avisé, le maître du commandement !
Oh qu’il est doux de s’asseoir et de bavarder ! Oh ! Pouvoir marcher à grands pas sur le chemin sans qu’il n’y ait plus de crainte dans le cœur des hommes. Les forteresses sont abandonnées, les puits sont rouverts, accessibles désormais aux messagers ; les créneaux du rempart sont tranquilles et c’est seulement le soleil qui éveille les guetteurs. Les gendarmes sont couchés et dorment. Les éclaireurs sont aux champs (marchant) selon leur désir. Le bétail, dans la campagne, est laissé en libre pâture, sans berger, traversant (seul aussi) le flot de la rivière. Plus d’appel, plus de cri dans la nuit : « Halte ! Voyez, quelqu’un vient qui parle la langue d’autres hommes. » On marche en chantant, et l’on n’entend plus de cri de lamentation. Les villes sont habitées de nouveau et celui qui laboure en vue de la moisson, c’est celui qui la mangera.
Rê s’est tourné vers l’Égypte, tandis qu’a été mis au monde, grâce au destin, son protecteur, le roi de Haute et de Basse-Égypte, Baenrê, le fils de Rê, Mérenptah.
Les chefs tombent en disant : Paix ! Pas un seul ne relève la tête parmi les Neuf Arcs.
Défait est le pays des Tjehenou.
Le Ḫatti est paisible.
Kana`an est dépouillé de tout ce qu’il avait de mauvais.
Ašqalon est emmené.
Gezer est saisie.
Yenoam (en) devient comme si elle n’avait jamais existé.
Isra’el est détruit, sa semence même n’est plus.
Hourrou (la Syrie) est devenue une veuve pour l’Égypte.
Tous les pays sont unis ; ils sont en paix.
(Chacun de) ceux qui erraient sont maintenant liés par le roi de Haute et Basse Égypte, Baenrê, le fils de Rê, Mérenptah, doué de vie, comme Rê, chaque jour. »
Stèle de Mérenptah
Texte de la stèle de Mérenptah
Phrase concernant Israël
Texte de la stèle mentionnant le terme ysr3r signifian Israël
Comment interpréter le texte de la stèle?
Cette mention d’Israël, liée sans doute à une campagne égyptienne dans les territoires de Canaan et d’Israël, est unique dans les textes égyptiens anciens. Les conclusions historiques que l’on peut déduire du texte sont minimales : il existe en cette fin de 13ème siècle av. J.C. un groupe humain Israël probablement sédentarisé et repérable. Pour Mario Liverani, la séquence rapproche le terme Canaan du territoire d’Ashqelon, tandis que Gezer et Yanoam sont rapprochés d’Israël, ce qui situerait le territoire lié à ce peuple dans les hautes terres du centre.
Il faut savoir qu’aucun texte égyptien connu ne mentionne la présence d’Israël comme peuple en Égypte même. On remarquera encore que l’entité politique Israël n’est pas mentionnée dans les lettres d’El Amarna. Il s’agit d’un argument a silencio, mais l’abondance de cette documentation et son origine (Jérusalem, Gézer, Sichem) constituent un argument important pour envisager que le « silence » concernant Israël corresponde à une non-émergence de ce peuple à l’époque de ces lettres (1330 BCE). L’émergence d’Israël serait donc à situer entre 1330 (El Amarna) et 1210 (Merenptah).
Localisation des principales cités du Levant au début de l’époque des archives d’Amarna (avant les conquêtes hittites), avec les limites des trois provinces égyptiennes. Carte: Wikiwand
Piédestal de berlin
Il existe une autre pièce qui pourrait dater de deux siècles plus tôt que la stèle de Merenptah, mais elle est fragmentaire et est toujours classée techniquement comme « contestée ».
Le piédestal de Berlin est une inscription en pierre acquise par l’égyptologue Ludwig Borchardt auprès d’un marchand égyptien en 1913. La pièce, d’environ 40 x 45 centimètres faisait probablement partie d’un socle. Bien que la face inscrite soit brisée sur les bords, une grande partie de l’imagerie est préservée. Trois captifs sont présentés, attachés l’un à l’autre par le cou, et représentés sous la forme classique égyptienne de l’Asie occidentale (une représentation générale des habitants du Moyen-Orient). Chaque prisonnier a un « cartouche nominatif » correspondant, qui indique le pays d’origine du prisonnier, en caractères hiéroglyphiques.
Piédestal de Berlin. Photo: Wikipédia.
Reconstitution: Armstrong Institute
Le premier cartouche à gauche indique clairement « Ashkelon« , en référence à la ville côtière généralement occupée par les Philistins dans le cadre de leur Pentapole. Le cartouche du milieu indique clairement « Canaan« . Le cartouche brisé à droite est celui qui est en question. Il y a eu un débat sur la lettre hiéroglyphique manquante dans la partie supérieure droite de l’anneau. L’un des principaux traducteurs de la dalle, le professeur Manfred Görg – qui a proposé le nom d’Israël -, pensait qu’il s’agissait d’un symbole de vautour, en raison de l’incision préservée en forme de bec (Görg a terminé ses recherches en 2001). Depuis lors, d’autres recherches ont été menées, notamment des photographies spécialement éclairées et des scanners 3D. Ces recherches ont permis de prouver de façon quasi certaine que ce hiéroglyphe est bien celui du vautour : outre le bec, la patte et la griffe gauches sont également visibles, ainsi que le contour du ventre. Ceci complète donc le cartouche du nom complet. Mais ce n’est que le début du débat.
Sur la base de l’écriture seule, le piédestal de Berlin ressemble en fait à l’orthographe de la 18e dynastie – ce qui place le piédestal dans un cadre temporel de 1550-1290 avant J.-C. Plus précisément, l’écriture est très proche de celle du début ou du milieu de la 18e dynastie, autour de l’époque d’Amenhoteps II à III (c. 1427-1351). Si cela est exact, cela permet de dater l' »Israël » du piédestal de Berlin jusqu’à deux siècles avant l’Israël de Merneptah.