Le Temple, un espace sacré
Qu’est-ce qu’un temple? Le temple est la clé de voûte de l’ordre cosmique, car c’est la maison où réside la divinité. C’est à la fois le lieu où le ciel et la terre se touchent (sur le plan vertical) et le centre de l’espace géographique (sur le plan horizontal). Le temple est surtout le lieu où la divinité vient à la rencontre des humains, où la communication avec la divinité est possible. La communion s’établit par le biais des offrandes ou sacrifices que l’homme offre à la divinité au temple. Pour construire le temple, il fallait donc une connaissance parfaite de l’ordre cosmique, c’est-à-dire une sagesse d’origine divine.
D’après le récit biblique, avant que ne soit construit le premier temple de pierre d’Israël, celui de Salomon, le livre de l’Exode évoque un sanctuaire fait de toile de tente. On l’appelle « la tente de la Rencontre ». Ce sanctuaire, équivalent à un temple, permet à Dieu d’accompagner son peuple pendant sa traversée au désert qui dura quarante ans.
Le premier Temple de Jérusalem aurait donc été bâti par Salomon avec une magnificence extrême.
Détruit par Nabuchodonosor en -586, le Temple de Salomon, fut rebâti sous Cyrus vers -520, après le retour de l’exil en Babylonie, par Zorobabel. On l’appelle « second Temple ».
Enfin, Hérode le Grand agrandit et reconstruisit tout à neuf 46 ans av. J.-C. le second Temple.
Finalement, le Temple d’Hérode, fut détruit par Titus en l’an 70 de notre ère et n’a jamais été reconstruit jusqu’à aujourd’hui.
Le temple de Salomon
Selon le texte biblique (1 R 6-7), seule source à ce sujet, les données archéologiques étant très minces sinon nulles, Salomon consacra à l’édification du temple les immenses richesses que son père, David, lui avait laissées, et l’or pur que ses flottes lui rapportaient d’Ophir. Le roi de Tyr lui fournit un grand nombre d’ouvriers pour couper les cèdres et les sapins du mont Liban. Il lui envoya aussi un habile artiste de ses États, nommé également Hiram, homme habile pour toutes sortes d’ouvrages de gravure et de ciselure, et Salomon lui confia la conduite de tout l’ouvrage. Les travaux furent poussés avec tant d’ardeur, que l’édifice fut achevé en sept ans et demi.
Autour du bâtiment se trouvait une galerie d’environ 2,5 m de haut. L’accès au bâtiment se faisait par des portes en bois de sapin entourées d’un cadre en bois d’olivier. L’intérieur de l’édifice comportait, comme le tabernacle dans le désert, deux espaces : la première partie de la nef, longue de 20 m, avait des murs revêtus d’or pur et abritait la table des pains de proposition, les chandeliers et les lampes, ainsi que les bols et les louches (1 Rois 7,48-49) ; la seconde, à laquelle on accédait par des portes en bois d’olivier, avait une forme cubique et contenait l’arche d’alliance et des chérubins en bois d’olivier de 5 m de haut. Le sol du temple était recouvert d’or et toute la nef était couverte de bas-reliefs représentant des chérubins, des palmes et des guirlandes de fleurs.
L’autel des holocaustes
Au dedans du parvis des prêtres, et vis-à-vis la même porte orientale, se trouvait l’autel des holocaustes, de douze coudées en carré, ou de dix coudées de haut et vingt de large ; on y montait par un escalier du côté de l’orient. Au-delà, et au couchant de l’autel des holocaustes, était le temple proprement dit, édifice couvert, haut de trente coudées, long de 60, d’orient en occident, et large de vingt, du septentrion au midi ; c’est-à-dire qu’il avait 33 mètres en longueur, 16 mètres et demi de hauteur et onze mètres de largeur.
Les bassins
Entre l’autel et les degrés qui conduisaient au vestibule étaient dix bassins, cinq à la droite et cinq à la gauche du temple. Ils étaient montés sur des piédestaux et portés sur des roues d’airain, afin qu’on pût les mener d’un lieu à l’autre, suivant le besoin. Ces vases étaient doubles et composés d’une espèce de vase carré, formant un bassin destiné à recevoir l’eau qui tombait d’une autre coupe ou vase placé au-dessus, et d’où l’on tirait l’eau par des robinets. Tout l’ouvrage était de bronze ; le bassin carré était orné de lions, de bœufs et de chérubins.
La mer d’airain
Plus près de l’autel des holocaustes à l’orient, en tirant un peu vers le midi, fut placée la mer d’airain. C’était un immense vase de bronze, destiné à conserver l’eau dans le temple pour l’usage des prêtres. Ce vaisseau avait dix coudées de diamètre, et trente de circonférence, car il était rond et de la profondeur de cinq coudées. Le bord en était orné d’un cordon, et embelli de pommes ou boules en demi-relief. Le pied était un parallélipède creux de dix coudées en carré, et de deux coudées de haut.
Le vase fut nommé la mer à cause de sa vaste capacité. Il était appuyé sur douze boeufs de bronze, disposés en quatre groupes de trois boeufs, dirigés vers les quatre parties du monde, et laissant entre eux quatre passages, qui rendaient le bassin accessible par-dessous la mer, où les prêtres allaient se purifier. On tirait l’eau du vase par quatre robinets qui la versaient dans le bassin.
L’entrée du sanctuaire
A l’entrée du vestibule se trouvaient deux colonnes de bronze, hautes de dix-huit coudées, creuses et épaisses de quatre doigts. D’après le deuxième livre des Chroniques, ces colonnes portaient le nom de Yakîn à droite et de Boaz à gauche (2 Ch 3,17).
Leurs chapiteaux, qui avaient chacun cinq coudées de haut, étaient ronds et ornés en manière de réseaux ou de branches entrelacées. Au-dessus et au-dessous de ces réseaux régnait un rang de pommes de grenades composé de cent grenades. Le tout était surmonté d’une forme de lis ou de rose, haute d’une coudée, qui terminait le chapiteau; car il semble que ces colonnes ne supportaient rien, et n’étaient là que pour l’ornement.
L’intérieur du sanctuaire
Cet édifice tout entier n’était ouvert que du côté de l’orient ; ou y montait par un escalier de huit marches. Autour du saint et du sanctuaire régnaient trois étages de chambres au nombre de trente-trois.
Au-dessus du toit ou de la plate-forme qui couvrait ces chambres, on voyait les fenêtres qui donnaient du jour au-dedans du temple. Elles n’étaient pas fermées de vitres, mais seulement de treillis ou jalousies à la manière du pays, et leur hauteur était de cinq coudées. La toiture du sanctuaire était composée de bonnes poutres ou de bons madriers de cèdre; il était en plate-forme, ainsi que tous les autres toits de la contrée. Le dedans du sanctuaire était aussi lambrissé de même bois depuis le pavé jusqu’au haut le pavé était de marbre précieux, sur lequel on mit du sapin, que l’on couvrit ensuite de lames d’or. Tout le dedans du sanctuaire et du saint était couvert de lames d’or attachées avec des clous d’or, dont chacun pesait 50 sicles.
La longueur du sanctuaire était partagée en trois parties, à savoir : le Saint des Saints, le Saint et le vestibule.
Le vestibule était de 20 coudées de large sur dix de long (11 mètres sur 5 mètres et demi).
Le Saint avait 40 coudées de long sur vingt de large (22 mètres de longueur sur 11 de largeur) Dans le Saint se trouvaient dix chandeliers d’or, cinq de chaque côté ; il y avait aussi dix autels placés entre les chandeliers, et dont cinq étaient pour les parfums, et cinq pour les pains de proposition..
Le Saint des Saints était séparé du Saint par une muraille qui s’élevait depuis le plein pied jusqu’au haut, et qui était ornée d’ais de cèdre couverts de lames d’or. On entrait du Saint dans le Saint des Saints par une porte de bois d’olivier, ouvragée, comme le reste, avec des chérubins et des palmiers, et couverte de lames d’or. Elle se fermait avec une chaîne d’or, et par-devant était tendu un voile précieux, tissu de différentes couleurs, et de tout ce qu’il y avait de plus riche. Ce grand voile était de différentes couleurs et orné de diverses représentations de fleurs et autres dessins de même genre, mais non de figures d’hommes ou d’animaux, dans leurs formes naturelles.
Le Saint des Saints était le lieu le plus sacré du temple. On y plaçait la statue du dieu adoré. D’après l’Ancien Testament, dans le Saint des Saints du Temple de Jérusalem se trouvait, non une représentation de YHWH (toute représentation de YHWH étant interdite), mais l’arche de l’alliance contenant les tables de la Loi, le bâton d’Aaron et de la manne.
Intérieur du Saint des saints dans le Temple de Ramsès II à Abou Simbel, Egypte d’Arad (13è siècle av. J.-C.). La statue du pharaon divinisé y est installée. Montage: E. Pastore
Décorations du sanctuaire
A l’intérieur du sanctuaire et du Saint, Salomon fit faire, le long du mur ou du lambris, des chérubins d’or et des palmiers de même métal, qui étaient rangés alternativement d’espace en espace, en sorte que tout le pourtour était orné de ces palmiers, qui servaient comme de pilastres, et de ces chérubins qui avaient deux ailes étendues d’un palmier à l’autre, et deux faces, l’une de lion et l’autre d’homme, qui regardaient l’une à droite et l’autre à gauche. Outre ces chérubins qui étaient adhérents aux murs du temple, il y en avait deux autres dans le sanctuaire, qui étaient dressés au milieu, et qui, étendant leurs ailes du nord au midi, occupaient toute la largeur. L’aile d’un chérubin touchait à la muraille d’un côté, et celle du second chérubin touchait à la muraille opposée ; leurs autres ailes venaient se joindre au milieu du sanctuaire, comme pour mettre à couvert d’une façon respectueuse l’Arche d’alliance.
Intérieur du Saint des saints dans le Temple d’Arad (10è siècle av. J.-C.). On voit deux autels à encens au premier plan et deux stèles élevées au second plan, représentant deux divinités, probablement YHWH et Ashéra.
Photo : BiblePlaces
Le second temple
Le temple bâti par Salomon fut brûlé par Nabuchodonosor, roi de Babylone, en 586 av. J.-C., soit 420 ans après sa dédicace. Une partie de la population fut déportée à Babylone. C’est la période de l’exil qui commence. Elle durera une cinquantaine d’années jusqu’à ce que Cyrus, roi de Perse renversa l’empire néo-babylonien.
Ainsi, vers 520 avant J.-C., le retour en Israël fut possible et on entreprit la reconstruction du Temple, appelé dès lors « second Temple » ou « Temple de Zorobabel ». On jeta les fondements du nouveau Temple sur ceux de l’ancien, mais il fut loin d’avoir la splendeur du premier.
Le livre d’Esdras rapporte comment se fit cette reconstruction:
« 1 Quand arriva le septième mois – les Israélites étant ainsi dans leurs villes – tout le peuple se rassembla comme un seul homme à Jérusalem. […] 3 On rétablit l’autel en son site – malgré la crainte où l’on était des peuples des pays – et l’on y offrit des holocaustes à Yahvé, holocaustes du matin et du soir ; […] 6 Dès le premier jour du septième mois, on commença à offrir des holocaustes à Yahvé, bien que les fondations du sanctuaire de Yahvé ne fussent pas encore posées. 7 Puis on donna de l’argent aux tailleurs de pierre et aux charpentiers ; aux Sidoniens et aux Tyriens on remit vivres, boissons et huile, pour qu’ils acheminent par mer jusqu’à Jaffa du bois de cèdre en provenance du Liban, selon l’autorisation accordée par Cyrus, roi de Perse. 8 C’est la seconde année de leur arrivée au Temple de Dieu à Jérusalem, le deuxième mois, que Zorobabel, fils de Shéaltiel, et Josué, fils de Yoçadaq, avec le reste de leurs frères, les prêtres, les lévites et tous les gens rentrés de captivité à Jérusalem, commencèrent l’ouvrage, et ils confièrent aux lévites de vingt ans et au-dessus la direction des travaux du Temple de Yahvé. 9 Josué, ses fils et ses frères, Qadmiel et ses fils, les fils de Hodavya, se mirent donc d’un seul cœur à diriger les travailleurs du chantier, au Temple de Dieu. 10 Quand les bâtisseurs eurent posé les fondations du sanctuaire de Yahvé, les prêtres en costume, avec des trompettes, ainsi que les lévites, fils d’Asaph, avec des cymbales, se présentèrent pour louer Yahvé, selon les prescriptions de David, roi d’Israël ; 11 ils chantèrent à Yahvé louange et action de grâces : “Car il est bon, car éternel est son amour” pour Israël. Et le peuple tout entier poussait de grandes clameurs en louant Yahvé, parce que le Temple de Yahvé avait ses fondations. » (Esd 3, 1.3.6‑11)
Le temple d’Hérode
Le roi Hérode fit agrandir et embellir le second Temple avec la plus grande magnificence, quelque temps avant la naissance de Jésus, et la construction en était à peine achevée lorsqu’il fut détruit pour toujours en 70, par Titus, fils de l’empereur Vespasien.
L’historien Flavius Josèphe est prodigue en exagérations pour exprimer la splendeur du Temple de Jérusalem. A le lire, le nombre des vases et des instruments d’or et d’argent, qui se trouvaient dans le temple était de 10.000 chandeliers d’or, dont il y en avait un dans le saint qui brûlait nuit et jour; il y avait 80.000 tasses d’or, pour faire les libations de vin ; 100.000 bassins d’or et 200.000 d’argent ; 80.000 plats d’or, dans lesquels on offrait sur l’autel de la farine pétrie ; 160.000 plats d’argent pour le même usage ; 60.000 plats d’or, dans lesquels on pétrissait la fleur de farine avec de l’huile, et 120.000 plats d’argent pour le même usage ; 20.000 hins ou assarons d’or, pour contenir les liqueurs qu’on offrait sur l’autel, et 40.000 d’argent ; 20.000 encensoirs d’or, dans lesquels on portait l’encens dans le temple, et 50.000 autres dans lesquels on portait du feu. Le même auteur prétend que Salomon fit faire mille ornements pour l’usage du grand prêtre, consistant en robes, éphod, pectoral et le reste ; dix mille robes de fin lin, et autant de ceintures de pourpre ; pour les prêtres, 200.000 trompettes et autant de robes de fin lin; pour les lévites et les musiciens, 400.000 instruments de musique de ce métal précieux, que les Anciens nommaient electrum.
Josèphe ajoute que s’il arrivait que les habits des prêtres fussent déchirés, ou s’il s’y trouvait la moindre tache, il n’était permis ni de les raccommoder ni de les laver pour s’en servir ; on en prenait d’autres qui étaient neufs, et, avec les vieux, on faisait des mèches pour les lampes. Ce détail, s’il est exact, aurait suffi pour donner une haute idée de la magnificence qui brillait dans cet auguste temple.
L’accès au sanctuaire intérieur était réservé aux juifs. Les non-juifs ne devaient pas franchir le mur intermédiaire (appelé soreg) entre le parvis des gentils et le parvis d’Israël. On a retrouvé le panneau de séparation entre les parvis. Il indique que les non-juifs ne sont pas autorisés à aller au-delà de cette limite, sous peine de mort. Le panneau se trouvait dans le parvis des gentils, juste à l’entrée du parvis réservé aux juifs. Selon la Mishna (Middot II, 3), cette clôture de 1,3 m portait le nom de soreg.
Sur le haut de ce mur était inscrit l’avertissement en grec et en latin :
« Aucun gentil ne doit pénétrer dans le parvis et au-delà de la barrière entourant le Temple. Quiconque serait pris sur le fait est entièrement responsable de sa propre mort. »
Un épisode rapporté dans les Actes des Apôtres témoigne de la gravité liée à l’acte de franchir la limite permise aux non-juifs.
« Les sept jours touchaient à leur fin, quand les Juifs d’Asie, ayant aperçu Paul dans le Temple, ameutèrent la foule et mirent la main sur lui, en criant : « Hommes d’Israël, au secours ! Le voici, l’individu qui prêche à tous et partout contre notre peuple, contre la Loi et contre ce Lieu ! Et voilà encore qu’il a introduit des Grecs dans le Temple et profané ce saint Lieu. » Précédemment en effet ils avaient vu l’Éphésien Trophime avec Paul dans la ville, et ils pensaient que Paul l’avait introduit dans le Temple. La ville entière fut en effervescence, et le peuple accourut de toutes parts. On s’empara de Paul, on se mit à le traîner hors du Temple, dont les portes furent aussitôt fermées. On cherchait à le mettre à mort, quand cet avis parvint au tribun de la cohorte : « Tout Jérusalem est sens dessus dessous ! » (Actes des Apôtres 21,27-31)
Sur le pinacle du Temple se trouvait l’emplacement, indiqué par une inscription, où se tenait le joueur de shofar (trompette). L’inscription a été retrouvée:
Des miniatures de temple
On a retrouvé, à Magdala, en Galilée, une pierre synagogale représentant le temple de Jérusalem en miniature. Elle date du 1er siècle de notre ère. Cela signifie qu’en se réunissant à la synagogue à chaque shabbat, on avait conscience d’être en communion avec la liturgie qui se déroulait dans l’unique Temple se trouvant dans la ville sainte, Jérusalem.
La destruction du Temple de Jérusalem par les Romains
La résistance à l’occupant romain devient de plus en plus forte en Palestine au 1er siècle ap. J.-C. De violents affrontements opposent, à Césarée, les populations des communautés juive et non juive. Puis, le prélèvement effectué, en 66, sur le trésor du Temple, d’une somme correspondant au montant des impôts que les Juifs tardent à payer, va provoquer une émeute à Jérusalem ; le soulèvement s’étendant à tout le pays, commence alors ce que l’on appelle la « Première Révolte juive » (66-70).
Proclamé empereur en 69, Vespasien confie à son fils Titus la mission de mener à leur terme les opérations en Palestine : après plusieurs mois de siège, en 70, Jérusalem est prise, son Temple incendié ; les Juifs sont, en masse, vendus comme esclaves ; les forteresses tombent les unes après les autres, la dernière, Masada, en 73. Le pays devient une province, indépendante de celle de Syrie, gouvernée par un légat.
Aujourd’hui
Le Mur occidental de la vieille ville de Jérusalem, plus connu sous le nom de « Mur des lamentations », est un vestige de ce Temple. Son emplacement correspond à ce que les Juifs appellent l’Esplanade du Temple et les Musulmans l’esplanade des Mosquées : on y trouve la mosquée al-Aqsa et le dôme du Rocher, ainsi que des jardins.