Jésus interroge le rapport du croyant à l’argent. Notre relation à l’argent n’est pas indifférente à Dieu. Mais pourquoi donc? Essayons de comprendre l’enjeu qui se cache derrière cette question, avant de poursuivre en nous intéressant au système monétaire en Palestine au temps de Jésus.

09 Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles. 10 Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande. 11 Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ? 12 Et si, pour ce qui est à autrui, vous n’avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ? 13 Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. » 14 Quand ils entendaient tout cela, les pharisiens, eux qui aimaient l’argent, tournaient Jésus en dérision. 15 Il leur dit alors : « Vous, vous êtes de ceux qui se font passer pour justes aux yeux des gens, mais Dieu connaît vos cœurs ; en effet, ce qui est prestigieux pour les gens est une chose abominable aux yeux de Dieu. (Lc 16,9-15)

Ce discours de Jésus est prononcé juste après la parabole de l’intendant malhonnête qui a volé son maître, afin de se faire des amis. L’agir de cet homme d’affaire est clairement condamné par Jésus : l’argent peut nous faire croire qu’on achète des amis, mais cela est un leurre. Jésus rappelle qu’il y aura une justice : celui qui a aimé l’argent malhonnête passera l’éternité avec ce type d’amis dans les demeures éternelles. Déjà, on perçoit que l’enjeu de ce texte se situe moins au niveau de l’argent qu’au niveau RELATIONNEL. Il y a des relations qui sont trompeuses. Il y a des relations qui peuvent nous éloigner de Dieu pour l’éternité.

Pourquoi un châtiment si extrême ? L’argent serait-il une réalité mauvaise en soi? Évidemment, non. Tout dépend de ce qu’on en fait. Jésus met en garde contre un emploi désordonné de l’argent. Pourquoi donc ? Jésus raisonne à nouveau sur le registre de la RELATION : on ne peut servir deux maîtres : « ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. » Ce point est très sérieux. Qui est mon maître ? A qui vais-je me lier ? Vais-je risquer de m’éloigner, voire de me couper de Dieu à cause d’un rapport malsain avec un autre maître ? Vais-je devenir serviteur ou esclave d’un maître qui, lui-aussi, a des demeures éternelles, mais pas exactement au même endroit que Dieu? Ce dont on est en train de parler, au fond, peut se résumer en un mot : l’idolâtrie. Personne n’a deux maîtres. Mais à défaut de choisir le bon, on devient serviteur d’une idole, c’est-à-dire d’un faux dieu.

Celui qui a pensé pouvoir avoir deux maîtres est Judas. Cela a vite tourné court: le premier maître a été perdu précisément à cause du second. Judas a vendu Jésus pour trente pièces d’argent.

14 Alors, l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres 15 et leur dit : « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? » Ils lui remirent trente pièces d’argent. 16 Et depuis, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer. (Mt 26,14-16)

Si nous revenons au discours de Jésus, on s’aperçoit qu’il poursuit son raisonnement en l’axant sur la RELATION que nous sommes appelés à avoir avec notre vrai maître, c’est-à-dire avec Dieu. La question, c’est d’être (ou de ne pas être) reconnu « digne de confiance » par ce Dieu. Il est ce maître qui veut nous confier « le bien véritable ». Cela renvoie à la fin tragique de Judas! Si nous ne sommes pas dignes de confiance pour l’argent, comment le serions-nous pour le trésor véritable ? D’ailleurs, quel est ce bien véritable dont parle Jésus ? L’Évangile est certainement ce bien véritable : il s’agit de la « bonne nouvelle », du message de salut, de la foi qui sauve. Jésus nous a légué ce bien pour que nous en prenions soin, pour que nous en vivions et pour que nous en témoignions.

Tout cela nous conduit à nous intéresser de plus près aux différentes pièces de monnaie qui sont évoquées dans le Nouveau Testament.

Le système monétaire au temps de Jésus

En allant de la plus grosse monnaie à la plus petite.

Pour les grosses transactions ou pour l’épargne des riches existait une pièce d’or, l’aureus, qui valait 25 deniers.

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Aureus à l’effigie d’Octave Auguste AVERS : CAESAR AVGVSTVS DIVI F PATER PATRIAE. Buste lauré à droite. REVERS : C L CAESARES AVGVSTI F COS DESIG PRINC IVVENT. Caïus et Lucius debout tenant chacun une haste et un bouclier. Dans le champ, un simpule et le bâton d’augure.

La pièce la plus connue du Nouveau Testament est certainement le didrachme qui servait à payer l’impôt annuel au Temple de Jérusalem. Cette somme devait être payée avec une monnaie spéciale, la monnaie de Tyr. Il existait le shekel de Tyr (aussi appelés tétradrachme ou statère en grec) et le demi-shekel (aussi appelé didrachme en grec et correspondant à l’impôt du Temple de Jérusalem).

Ces shekels ont été émis à partir de 126 ou 125 avant notre ère, quand la ville est devenue une cité autonome. Libérée de la domination séleucide, Tyr a été autorisée à frapper ses propres monnaies en argent.

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Demi-shekel de Tyr. L’avers est orné de la représentation de Melkart (Baal), la divinité principale des Phéniciens. Le revers montre un aigle de style égyptien avec sa serre droite posée sur le gouvernail d’un navire (en référence au port de Tyr), au centre Melkart (associé à Hercule) et l’inscription grecque « Tyr la sainte et inviolable » avec une date. La date est calculée à partir du nombre d’années écoulées depuis la reconnaissance de l’indépendance de Tyr.

Pourquoi payer l’impôt avec le demi-shekel de Tyr? Les juifs n’avaient pas de pièces d’argent qui leur étaient propres. Les prêtres du Temple durent trouver une solution pratique. Ils décidèrent que les pièces de Tyr avaient un bon poids et étaient en argent de bonne qualité ; ainsi ils prescrivirent que les diverses taxes de Judée ne pourraient être acceptées qu’en pièces de Tyr, même si elles allaient à l’encontre des interdictions du premier commandement avec la représentation du dieu païen Melkart :

« Tu n’auras pas d’autres dieux face à moi. Tu ne te feras pas d’idole, ni rien qui ait la forme de ce qui se trouve au ciel là-haut, sur terre ici-bas ou dans les eaux sous la terre. » (Exode 20,3-4)

L’unité monétaire de base était le denier d’argent romain qui équivalait à la drachme grecque et représentait une bonne journée de salaire.

24 « Montrez-moi une pièce d’argent. De qui porte-t-elle l’effigie et l’inscription ? – De César », répondirent-ils. 25 Il leur dit : « Alors rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Lc 20,24-25)
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Denier d’Auguste. Avers : AVGVSTVS (Auguste) Tête nue d’Auguste à droite. Revers : LENTVLVS FLAMEN MARTIALIS Statue d’Agrippa (?) à gauche, tenant la Victoire dans la main droite et la lance à gauche, couronnée d’étoile par Auguste debout face à droite, tenant dans la main gauche un bouclier rond inscrit C • V (Clipaeus Virtutis), posé sur le sol.

Il s’agit aussi de la pièce perdue par la femme dans l’évangile:

08 Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? 09 Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !” (lc 15-8-9)

Pour les besoins quotidiens, on se servait de pièces de cuivre. Rome avait frappé le sesterce qui valait un quart du denier: c’était l’unité monétaire de base

des Romains, même pour les sommes importantes. Auguste se vantait, par exemple, d’avoir acheté pour ses soldats des terres en Italie d’une valeur de 600′ 000’000 sesterces.

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Sesterce de Tibère. Avers : TI CAESAR AVGVSTI F IMPERATOR V (“Tiberius Cæsar Augusti Filius Imperator quintus”, Tibère césar fils d’Auguste revêtu de la cinquième salutation impériale). Tête laurée de Tibère à gauche. Revers : ROM ET AVG. (“Romæ et Augusti”, À Rome et Auguste). Autel de Lyon.

Le dipondius valait un demi-sesterce, mais la pièce de cuivre la plus courante était l’as, appelée à l’origine assarion. Il fallait quatre as pour un sesterce et seize as pour un denier. Les soldats étaient payés en as et le prix moyen d’un pain était d’un as. On vendait deux moineaux pour un as et cinq pour deux as (Matthieu 10,29; Luc 12,6).

Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. (Mt 10,29)
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Assarion à l’effigie d’Auguste. 42 av. J.-C. Titulature avers : AVG. Description avers: Tête nue d’Auguste à droite (O°). Traduction avers : “Augustus”, (Auguste). Titulature revers : ANÉPIGRAPHE. Description revers : Deux augures derrière un bige de bœufs (rite de fondation).

La plus petite des pièces romaines était le quadrant: un quart d’as. En Judée, les plus grandes pièces de cuivre furent frappées par Hérode Antipas. Hérode et ses fils, puis les gouverneurs romains, frappèrent surtout des pièces de la taille du quadrant, c’est-à-dire d’une valeur d’1/64ème de denier. C’était «le dernier centime à payer» de Matthieu 5,26:

25 Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison. 26 Amen, je te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou. (Mt 5,25-26)
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Quadrant d'Hérode Antipas. 34 ap. J.-C.

Les prêtres-rois juifs, Hérode et Hérode Archélaüs, frappèrent de petites pièces de bronze d’environ un centimètre de diamètre et qui pesaient de 1 à 2 grammes: elles valaient probablement un demi-quadrant: il s’agit du lepte en grec ou du proutah en hébreu. Il s’agit des deux piécettes déposées dans le trésor du Temple par la veuve de l’évangile:

41 Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. 42 Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. 43 Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. (Mc 12,41-43)
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Proutah de Ponce Pilate.

Pour finir, évoquons le contraste scandaleux entre les revenus d’Hérode, sans commune mesure avec ceux de la veuve, qui se calculaient en talents, une unité monétaire trop importante pour pouvoir être frappée. Le talent valait 10 000 drachmes, ou 40’000 sesterces. A sa mort, le revenu annuel d’Hérode s’élevait à 1’050 talents environ, soit 42’000’000 sesterces.

Cicéron estimait que pour mener une vie aisée à Rome en 50 av. J.-C., il fallait 600’000 sesterces de revenu annuel (soit 60 talents ou 150 000 deniers), c’est-à-dire environ mille fois le revenu annuel d’un fermier de Palestine à la même époque! Dans la parabole du serviteur impitoyable (Matthieu 18,23-24), la dette de 10’000 talents que le roi remit à son serviteur équivaut à dix ans de revenu d’Hérode!

En résumé

1 talent = 10’000 drachmes

1 pièce d’or (aureus) = 25 deniers = 25 drachmes

1 tétradrachme (argent) = 1 statère (grecque) = 1 shekel ou sicle (juif)

1 drachme (grecque) = 1 denier (argent) = 4 sesterces = 1 journée de salaire

1 sesterce = 4 as ou assarion

1 as ou assarion = 4 quadrants

1 quadrant = 2 leptes

1 lepte (grec) = 1 proutah (juif)

Source: A. Millard, Des pierres qui parlent, Excelsis, 1998.

Jésus interroge le rapport du croyant à l’argent. Notre relation à l’argent n’est pas indifférente à Dieu. Mais pourquoi donc? Essayons de comprendre l’enjeu qui se cache derrière cette question, avant de poursuivre en nous intéressant au système monétaire en Palestine au temps de Jésus.

09 Eh bien moi, je vous le dis : Faites-vous des amis avec l’argent malhonnête, afin que, le jour où il ne sera plus là, ces amis vous accueillent dans les demeures éternelles. 10 Celui qui est digne de confiance dans la moindre chose est digne de confiance aussi dans une grande. Celui qui est malhonnête dans la moindre chose est malhonnête aussi dans une grande. 11 Si donc vous n’avez pas été dignes de confiance pour l’argent malhonnête, qui vous confiera le bien véritable ? 12 Et si, pour ce qui est à autrui, vous n’avez pas été dignes de confiance, ce qui vous revient, qui vous le donnera ? 13 Aucun domestique ne peut servir deux maîtres : ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. » 14 Quand ils entendaient tout cela, les pharisiens, eux qui aimaient l’argent, tournaient Jésus en dérision. 15 Il leur dit alors : « Vous, vous êtes de ceux qui se font passer pour justes aux yeux des gens, mais Dieu connaît vos cœurs ; en effet, ce qui est prestigieux pour les gens est une chose abominable aux yeux de Dieu. (Lc 16,9-15)

Ce discours de Jésus est prononcé juste après la parabole de l’intendant malhonnête qui a volé son maître, afin de se faire des amis. L’agir de cet homme d’affaire est clairement condamné par Jésus : l’argent peut nous faire croire qu’on achète des amis, mais cela est un leurre. Jésus rappelle qu’il y aura une justice : celui qui a aimé l’argent malhonnête passera l’éternité avec ce type d’amis dans les demeures éternelles. Déjà, on perçoit que l’enjeu de ce texte se situe moins au niveau de l’argent qu’au niveau RELATIONNEL. Il y a des relations qui sont trompeuses. Il y a des relations qui peuvent nous éloigner de Dieu pour l’éternité.

Pourquoi un châtiment si extrême ? L’argent serait-il une réalité mauvaise en soi? Évidemment, non. Tout dépend de ce qu’on en fait. Jésus met en garde contre un emploi désordonné de l’argent. Pourquoi donc ? Jésus raisonne à nouveau sur le registre de la RELATION : on ne peut servir deux maîtres : « ou bien il haïra l’un et aimera l’autre, ou bien il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’argent. » Ce point est très sérieux. Qui est mon maître ? A qui vais-je me lier ? Vais-je risquer de m’éloigner, voire de me couper de Dieu à cause d’un rapport malsain avec un autre maître ? Vais-je devenir serviteur ou esclave d’un maître qui, lui-aussi, a des demeures éternelles, mais pas exactement au même endroit que Dieu? Ce dont on est en train de parler, au fond, peut se résumer en un mot : l’idolâtrie. Personne n’a deux maîtres. Mais à défaut de choisir le bon, on devient serviteur d’une idole, c’est-à-dire d’un faux dieu.

Celui qui a pensé pouvoir avoir deux maîtres est Judas. Cela a vite tourné court: le premier maître a été perdu précisément à cause du second. Judas a vendu Jésus pour trente pièces d’argent.

14 Alors, l’un des Douze, nommé Judas Iscariote, se rendit chez les grands prêtres 15 et leur dit : « Que voulez-vous me donner, si je vous le livre ? » Ils lui remirent trente pièces d’argent. 16 Et depuis, Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer. (Mt 26,14-16)

Si nous revenons au discours de Jésus, on s’aperçoit qu’il poursuit son raisonnement en l’axant sur la RELATION que nous sommes appelés à avoir avec notre vrai maître, c’est-à-dire avec Dieu. La question, c’est d’être (ou de ne pas être) reconnu « digne de confiance » par ce Dieu. Il est ce maître qui veut nous confier « le bien véritable ». Cela renvoie à la fin tragique de Judas! Si nous ne sommes pas dignes de confiance pour l’argent, comment le serions-nous pour le trésor véritable ? D’ailleurs, quel est ce bien véritable dont parle Jésus ? L’Évangile est certainement ce bien véritable : il s’agit de la « bonne nouvelle », du message de salut, de la foi qui sauve. Jésus nous a légué ce bien pour que nous en prenions soin, pour que nous en vivions et pour que nous en témoignions.

Tout cela nous conduit à nous intéresser de plus près aux différentes pièces de monnaie qui sont évoquées dans le Nouveau Testament.

Le système monétaire au temps de Jésus

En allant de la plus grosse monnaie à la plus petite.

Pour les grosses transactions ou pour l’épargne des riches existait une pièce d’or, l’aureus, qui valait 25 deniers.

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Aureus à l’effigie d’Octave Auguste AVERS : CAESAR AVGVSTVS DIVI F PATER PATRIAE. Buste lauré à droite. REVERS : C L CAESARES AVGVSTI F COS DESIG PRINC IVVENT. Caïus et Lucius debout tenant chacun une haste et un bouclier. Dans le champ, un simpule et le bâton d’augure.

La pièce la plus connue du Nouveau Testament est certainement le didrachme qui servait à payer l’impôt annuel au Temple de Jérusalem. Cette somme devait être payée avec une monnaie spéciale, la monnaie de Tyr. Il existait le shekel de Tyr (aussi appelés tétradrachme ou statère en grec) et le demi-shekel (aussi appelé didrachme en grec et correspondant à l’impôt du Temple de Jérusalem).

Ces shekels ont été émis à partir de 126 ou 125 avant notre ère, quand la ville est devenue une cité autonome. Libérée de la domination séleucide, Tyr a été autorisée à frapper ses propres monnaies en argent.

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Demi-shekel de Tyr. L’avers est orné de la représentation de Melkart (Baal), la divinité principale des Phéniciens. Le revers montre un aigle de style égyptien avec sa serre droite posée sur le gouvernail d’un navire (en référence au port de Tyr), au centre Melkart (associé à Hercule) et l’inscription grecque « Tyr la sainte et inviolable » avec une date. La date est calculée à partir du nombre d’années écoulées depuis la reconnaissance de l’indépendance de Tyr.

Pourquoi payer l’impôt avec le demi-shekel de Tyr? Les juifs n’avaient pas de pièces d’argent qui leur étaient propres. Les prêtres du Temple durent trouver une solution pratique. Ils décidèrent que les pièces de Tyr avaient un bon poids et étaient en argent de bonne qualité ; ainsi ils prescrivirent que les diverses taxes de Judée ne pourraient être acceptées qu’en pièces de Tyr, même si elles allaient à l’encontre des interdictions du premier commandement avec la représentation du dieu païen Melkart :

« Tu n’auras pas d’autres dieux face à moi. Tu ne te feras pas d’idole, ni rien qui ait la forme de ce qui se trouve au ciel là-haut, sur terre ici-bas ou dans les eaux sous la terre. » (Exode 20,3-4)

L’unité monétaire de base était le denier d’argent romain qui équivalait à la drachme grecque et représentait une bonne journée de salaire.

24 « Montrez-moi une pièce d’argent. De qui porte-t-elle l’effigie et l’inscription ? – De César », répondirent-ils. 25 Il leur dit : « Alors rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Lc 20,24-25)
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Denier d’Auguste. Avers : AVGVSTVS (Auguste) Tête nue d’Auguste à droite. Revers : LENTVLVS FLAMEN MARTIALIS Statue d’Agrippa (?) à gauche, tenant la Victoire dans la main droite et la lance à gauche, couronnée d’étoile par Auguste debout face à droite, tenant dans la main gauche un bouclier rond inscrit C • V (Clipaeus Virtutis), posé sur le sol.

Il s’agit aussi de la pièce perdue par la femme dans l’évangile:

08 Ou encore, si une femme a dix pièces d’argent et qu’elle en perd une, ne va-t-elle pas allumer une lampe, balayer la maison, et chercher avec soin jusqu’à ce qu’elle la retrouve ? 09 Quand elle l’a retrouvée, elle rassemble ses amies et ses voisines pour leur dire : “Réjouissez-vous avec moi, car j’ai retrouvé la pièce d’argent que j’avais perdue !” (lc 15-8-9)

Pour les besoins quotidiens, on se servait de pièces de cuivre. Rome avait frappé le sesterce qui valait un quart du denier: c’était l’unité monétaire de base

des Romains, même pour les sommes importantes. Auguste se vantait, par exemple, d’avoir acheté pour ses soldats des terres en Italie d’une valeur de 600′ 000’000 sesterces.

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Sesterce de Tibère. Avers : TI CAESAR AVGVSTI F IMPERATOR V (“Tiberius Cæsar Augusti Filius Imperator quintus”, Tibère césar fils d’Auguste revêtu de la cinquième salutation impériale). Tête laurée de Tibère à gauche. Revers : ROM ET AVG. (“Romæ et Augusti”, À Rome et Auguste). Autel de Lyon.

Le dipondius valait un demi-sesterce, mais la pièce de cuivre la plus courante était l’as, appelée à l’origine assarion. Il fallait quatre as pour un sesterce et seize as pour un denier. Les soldats étaient payés en as et le prix moyen d’un pain était d’un as. On vendait deux moineaux pour un as et cinq pour deux as (Matthieu 10,29; Luc 12,6).

Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. (Mt 10,29)
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Assarion à l’effigie d’Auguste. 42 av. J.-C. Titulature avers : AVG. Description avers: Tête nue d’Auguste à droite (O°). Traduction avers : “Augustus”, (Auguste). Titulature revers : ANÉPIGRAPHE. Description revers : Deux augures derrière un bige de bœufs (rite de fondation).

La plus petite des pièces romaines était le quadrant: un quart d’as. En Judée, les plus grandes pièces de cuivre furent frappées par Hérode Antipas. Hérode et ses fils, puis les gouverneurs romains, frappèrent surtout des pièces de la taille du quadrant, c’est-à-dire d’une valeur d’1/64ème de denier. C’était «le dernier centime à payer» de Matthieu 5,26:

25 Mets-toi vite d’accord avec ton adversaire pendant que tu es en chemin avec lui, pour éviter que ton adversaire ne te livre au juge, le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison. 26 Amen, je te le dis : tu n’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou. (Mt 5,25-26)
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Quadrant d'Hérode Antipas. 34 ap. J.-C.

Les prêtres-rois juifs, Hérode et Hérode Archélaüs, frappèrent de petites pièces de bronze d’environ un centimètre de diamètre et qui pesaient de 1 à 2 grammes: elles valaient probablement un demi-quadrant: il s’agit du lepte en grec ou du proutah en hébreu. Il s’agit des deux piécettes déposées dans le trésor du Temple par la veuve de l’évangile:

41 Jésus s’était assis dans le Temple en face de la salle du trésor, et regardait comment la foule y mettait de l’argent. Beaucoup de riches y mettaient de grosses sommes. 42 Une pauvre veuve s’avança et mit deux petites pièces de monnaie. 43 Jésus appela ses disciples et leur déclara : « Amen, je vous le dis : cette pauvre veuve a mis dans le Trésor plus que tous les autres. (Mc 12,41-43)
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Proutah de Ponce Pilate.

Pour finir, évoquons le contraste scandaleux entre les revenus d’Hérode, sans commune mesure avec ceux de la veuve, qui se calculaient en talents, une unité monétaire trop importante pour pouvoir être frappée. Le talent valait 10 000 drachmes, ou 40’000 sesterces. A sa mort, le revenu annuel d’Hérode s’élevait à 1’050 talents environ, soit 42’000’000 sesterces.

Cicéron estimait que pour mener une vie aisée à Rome en 50 av. J.-C., il fallait 600’000 sesterces de revenu annuel (soit 60 talents ou 150 000 deniers), c’est-à-dire environ mille fois le revenu annuel d’un fermier de Palestine à la même époque! Dans la parabole du serviteur impitoyable (Matthieu 18,23-24), la dette de 10’000 talents que le roi remit à son serviteur équivaut à dix ans de revenu d’Hérode!

En résumé

1 talent = 10’000 drachmes

1 pièce d’or (aureus) = 25 deniers = 25 drachmes

1 tétradrachme (argent) = 1 statère (grecque) = 1 shekel ou sicle (juif)

1 drachme (grecque) = 1 denier (argent) = 4 sesterces = 1 journée de salaire

1 sesterce = 4 as ou assarion

1 as ou assarion = 4 quadrants

1 quadrant = 2 leptes

1 lepte (grec) = 1 proutah (juif)

Source: A. Millard, Des pierres qui parlent, Excelsis, 1998.