Cet article est dédié à celle dont le nom a inspiré notre site internet. Via Egeria signifie « en route avec Egérie ».

Égérie, une grande dame venue d’Occident, s’est rendue à Jérusalem en 381 ; pendant trois ans, elle a visité tous les lieux saints du Proche-Orient chrétien, non seulement en Palestine, mais aussi en Égypte, dans le Sinaï, en Transjordanie, en Syrie. De Constantinople, où elle faisait étape après son périple, elle écrit à des correspondantes d’Occident le récit de son voyage, décrivant tous les lieux saints qu’elle a visités et, de manière particulièrement détaillée, la liturgie qu’elle a vu célébrer dans les sanctuaires de Jérusalem.

C’est un des rarissimes écrits que l’Antiquité nous ait laissé d’une femme. Un récit savoureux, qui révèle une personnalité, une mine de renseignements sur les débuts du pèlerinage chrétien au Proche-Orient, un témoin important du latin parlé au IVe siècle : ces qualités lui ont valu, depuis sa découverte il y a un peu plus d’un siècle, de nombreux lecteurs.

Égérie a supplanté peu à peu Éthérie comme forme exacte du nom de la pélerine. En effet, la tradition (six manuscrits répartis en deux familles) le présente sous cinq formes différentes : « Egeria », « Eiheria », « Echeria », « Heteria » ou « Etheria », mais « Egeria » est la seule qui se rencontre dans les deux familles du texte.

Voici quelques extraits de son journal :

(Egérie, Journal de voyage, Sources Chrétiennes, 296, 2017):
Au Sinaï, en vue de la montagne

[Samedi 16 décembre 383] – Chapitre 3

5 1, 1. … (les sites nous) étaient montrés d’après les Écritures. Chemin faisant, nous sommes arrivés à un endroit où les montagnes entre lesquelles nous avancions s’écartaient et formaient une vallée sans fin, immense, parfaitement plane et très belle ; par-delà la vallée on voyait la sainte montagne de Dieu, le Sinaï. Cet endroit où les montagnes s’écartaient est proche de l’endroit où se trouvent les Tombeaux de la convoitise. En arrivant à cet endroit, nos guides, les saints qui nous accompagnaient, nous ont avertis en ces termes : « C’est l’usage que ceux qui arrivent ici fassent une prière, puisque, de cet endroit, on voit pour la première fois la montagne de Dieu », et c’est ainsi que nous avons fait, nous aussi.
Il y avait, de cet endroit à la montagne de Dieu, environ quatre milles en tout, en prenant par cette vallée que j’ai dite immense.

Le désert du Sinaï, Egypte, ainsi que le monastère sainte Catherine.
Photos: BiblePlaces

Cette vallée est tout à fait immense ; elle s’étend au bas des pentes de la montagne de Dieu et elle a environ, d’après ce que nous avons pu estimer à vue d’oeil et ce qu’ils disaient, seize mille pas environ en longueur ; en largeur, ils lui donnaient quatre mille pas. Or cette vallée, nous avions à la prendre d’un bout à l’autre pour pouvoir nous engager dans la montagne.

C’est la vallée immense et parfaitement plane où les fils d’Israël ont séjourné durant les jours où saint Moïse monta à la montagne du Seigneur et y demeura quarante jours et quarante nuits. C’est la vallée où fut fabriqué le veau, dont on montre l’endroit encore aujourd’hui – une grande pierre s’y trouve plantée à l’endroit même. C’est enfin la vallée à l’extrémité de laquelle se trouve l’endroit où, lorsque saint Moïse faisait paître les troupeaux de son beau-père, Dieu lui parla à plusieurs reprises du buisson en feu.

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La ronce multi centenaire du monastère Sainte Catherine, Sinaï, Égypte, est considérée comme étant le Buisson ardent biblique. Photo: Wikipédia

Notre itinéraire était le suivant : tout d’abord monter à la montagne de Dieu, parce que du côté d’où nous venions l’ascension en était plus aisée, ensuite redescendre de là à l’ex- trémité de la vallée, c’est-à-dire là où se trouve le buisson, parce que la descente de la montagne de Dieu était plus aisée de ce côté-là. Nous avons donc décidé qu’après avoir vu tout ce que nous désirions voir, nous irions, en descendant de la montagne de Dieu, là où se trouve le buisson ; qu’ensuite, en parcourant d’un bout à l’autre par son milieu la vallée qui s’étendait devant nous, nous reviendrions à notre route, en compagnie des hommes de Dieu qui nous montreraient, dans cette vallée, chacun des sites dont parlent les Écritures.

Montée sur la montagne du Sinaï. Photos: BiblePlaces

Chapitre 4

Lors donc qu’eut été totalement comblé le désir qui nous avait pressés de faire cette ascension, nous nous sommes mis à descendre, de ce sommet de la montagne de Dieu où nous étions montés, vers une autre montagne qui lui est attenante ; on appelle l’endroit « en Choreb » et il y a une église. Cet endroit de Choreb est celui où se tint saint Élie le prophète après avoir fui la face du roi Achab et où Dieu lui parla en ces termes : « Que fais-tu là, Élie ? », comme il est écrit dans les livres des Règnes. De fait, la grotte où se cacha saint Élie, on la montre là encore aujourd’hui, devant la porte de l’église qui est là ; on y montre aussi l’autel de pierre que dressa saint Élie pour offrir un sacrifice à Dieu, comme ces saints daignaient nous le montrer point par point.

Nous avons, là aussi, fait l’oblation et une prière très fervente, puis on a lu ce passage du livre des Règnes. C’est en effet ce que je désirais toujours le plus pour nous : que, partout où nous arrivions, on fasse toujours lecture du passage correspondant de la Bible.

Lorsque, là aussi, on eut fait l’oblation, nous nous sommes dirigés encore vers un autre endroit, non loin de là, que nous montraient prêtres et moines : c’est l’endroit où s’était tenu saint Aaron, avec les soixante-dix vieillards, pendant que saint Moïse recevait du Seigneur la Loi destinée aux fils d’Israël. A cet endroit, bien qu’il n’y ait pas de construction, il y a un énorme rocher circulaire, plat sur le dessus, où l’on dit que se sont tenus ces saints ; là, en son milieu, il y a comme un autel fait de pierres. On a lu là aussi ce passage du livre de Moïse et dit un psaume approprié à l’endroit ; puis, après avoir fait une prière, nous sommes descendus de là.

Or voici qu’il commença d’être déjà environ la huitième heure, et il nous restait encore trois milles à faire pour sortir complètement de ces montagnes où nous nous étions engagés la veille au soir. Mais nous ne devions pas sortir du côté où nous étions entrés, comme je l’ai dit plus haut, car il nous fallait faire le tour de tous les lieux saints et visiter tous les ermitages qui étaient là, et donc sortir à l’extrémité de la vallée dont j’ai parlé plus haut, c’est-à-dire de cette vallée qui s’étend au pied de la montagne de Dieu. 6. C’est pour cela qu’il nous fallait sortir à l’extrémité de la vallée : parce qu’il s’y trouvait de nombreux ermitages de saints hommes et une église à l’endroit où est le buisson ; buisson qui, aujourd’hui encore, est vivace et porte des pousses.

Après avoir achevé la descente de la montagne de Dieu, nous sommes arrivés au buisson vers la dixième heure. C’est de ce buisson, dont j’ai parlé plus haut, que le Seigneur parla à Moïse dans le feu ; il est à l’endroit où il y a de nombreux ermitages et une église, à l’extrémité de la vallée. Devant cette église, il y a un jardin très agréable, ayant en abondance une eau excellente, et c’est dans le jardin qu’il y a ce buisson.

On montre également tout à côté l’endroit où se tint saint Moïse lorsque Dieu lui dit : « Délie la bride de ta chaussure », et ce qui suit. Quand nous sommes arrivés à cet endroit, c’était déjà la dixième heure, et c’est pourquoi, comme il était trop tard, nous n’avons pas pu faire l’oblation. Mais on a fait une prière dans l’église ainsi que dans le jardin, près du buisson, et on a lu aussi ce passage du livre de Moïse, selon l’habitude. Comme c’était le soir, nous avons pris aussitôt une collation dans le jardin, devant le buisson, avec ces saints, puis nous avons fait là étape pour la nuit.

Cet article est dédié à celle dont le nom a inspiré notre site internet. Via Egeria signifie « en route avec Egérie ».

Égérie, une grande dame venue d’Occident, s’est rendue à Jérusalem en 381 ; pendant trois ans, elle a visité tous les lieux saints du Proche-Orient chrétien, non seulement en Palestine, mais aussi en Égypte, dans le Sinaï, en Transjordanie, en Syrie. De Constantinople, où elle faisait étape après son périple, elle écrit à des correspondantes d’Occident le récit de son voyage, décrivant tous les lieux saints qu’elle a visités et, de manière particulièrement détaillée, la liturgie qu’elle a vu célébrer dans les sanctuaires de Jérusalem.

C’est un des rarissimes écrits que l’Antiquité nous ait laissé d’une femme. Un récit savoureux, qui révèle une personnalité, une mine de renseignements sur les débuts du pèlerinage chrétien au Proche-Orient, un témoin important du latin parlé au IVe siècle : ces qualités lui ont valu, depuis sa découverte il y a un peu plus d’un siècle, de nombreux lecteurs.

Égérie a supplanté peu à peu Éthérie comme forme exacte du nom de la pélerine. En effet, la tradition (six manuscrits répartis en deux familles) le présente sous cinq formes différentes : « Egeria », « Eiheria », « Echeria », « Heteria » ou « Etheria », mais « Egeria » est la seule qui se rencontre dans les deux familles du texte.

Voici quelques extraits de son journal :

(Egérie, Journal de voyage, Sources Chrétiennes, 296, 2017):
Au Sinaï, en vue de la montagne

[Samedi 16 décembre 383] – Chapitre 3

5 1, 1. … (les sites nous) étaient montrés d’après les Écritures. Chemin faisant, nous sommes arrivés à un endroit où les montagnes entre lesquelles nous avancions s’écartaient et formaient une vallée sans fin, immense, parfaitement plane et très belle ; par-delà la vallée on voyait la sainte montagne de Dieu, le Sinaï. Cet endroit où les montagnes s’écartaient est proche de l’endroit où se trouvent les Tombeaux de la convoitise. En arrivant à cet endroit, nos guides, les saints qui nous accompagnaient, nous ont avertis en ces termes : « C’est l’usage que ceux qui arrivent ici fassent une prière, puisque, de cet endroit, on voit pour la première fois la montagne de Dieu », et c’est ainsi que nous avons fait, nous aussi.
Il y avait, de cet endroit à la montagne de Dieu, environ quatre milles en tout, en prenant par cette vallée que j’ai dite immense.

Le désert du Sinaï, Egypte, ainsi que le monastère sainte Catherine.
Photos: BiblePlaces

Cette vallée est tout à fait immense ; elle s’étend au bas des pentes de la montagne de Dieu et elle a environ, d’après ce que nous avons pu estimer à vue d’oeil et ce qu’ils disaient, seize mille pas environ en longueur ; en largeur, ils lui donnaient quatre mille pas. Or cette vallée, nous avions à la prendre d’un bout à l’autre pour pouvoir nous engager dans la montagne.

C’est la vallée immense et parfaitement plane où les fils d’Israël ont séjourné durant les jours où saint Moïse monta à la montagne du Seigneur et y demeura quarante jours et quarante nuits. C’est la vallée où fut fabriqué le veau, dont on montre l’endroit encore aujourd’hui – une grande pierre s’y trouve plantée à l’endroit même. C’est enfin la vallée à l’extrémité de laquelle se trouve l’endroit où, lorsque saint Moïse faisait paître les troupeaux de son beau-père, Dieu lui parla à plusieurs reprises du buisson en feu.

16f9a8_b36e7df7af424732bbafd036350d1a86mv2

La ronce multi centenaire du monastère Sainte Catherine, Sinaï, Égypte, est considérée comme étant le Buisson ardent biblique. Photo: Wikipédia

Notre itinéraire était le suivant : tout d’abord monter à la montagne de Dieu, parce que du côté d’où nous venions l’ascension en était plus aisée, ensuite redescendre de là à l’ex- trémité de la vallée, c’est-à-dire là où se trouve le buisson, parce que la descente de la montagne de Dieu était plus aisée de ce côté-là. Nous avons donc décidé qu’après avoir vu tout ce que nous désirions voir, nous irions, en descendant de la montagne de Dieu, là où se trouve le buisson ; qu’ensuite, en parcourant d’un bout à l’autre par son milieu la vallée qui s’étendait devant nous, nous reviendrions à notre route, en compagnie des hommes de Dieu qui nous montreraient, dans cette vallée, chacun des sites dont parlent les Écritures.

Montée sur la montagne du Sinaï. Photos: BiblePlaces

Chapitre 4

Lors donc qu’eut été totalement comblé le désir qui nous avait pressés de faire cette ascension, nous nous sommes mis à descendre, de ce sommet de la montagne de Dieu où nous étions montés, vers une autre montagne qui lui est attenante ; on appelle l’endroit « en Choreb » et il y a une église. Cet endroit de Choreb est celui où se tint saint Élie le prophète après avoir fui la face du roi Achab et où Dieu lui parla en ces termes : « Que fais-tu là, Élie ? », comme il est écrit dans les livres des Règnes. De fait, la grotte où se cacha saint Élie, on la montre là encore aujourd’hui, devant la porte de l’église qui est là ; on y montre aussi l’autel de pierre que dressa saint Élie pour offrir un sacrifice à Dieu, comme ces saints daignaient nous le montrer point par point.

Nous avons, là aussi, fait l’oblation et une prière très fervente, puis on a lu ce passage du livre des Règnes. C’est en effet ce que je désirais toujours le plus pour nous : que, partout où nous arrivions, on fasse toujours lecture du passage correspondant de la Bible.

Lorsque, là aussi, on eut fait l’oblation, nous nous sommes dirigés encore vers un autre endroit, non loin de là, que nous montraient prêtres et moines : c’est l’endroit où s’était tenu saint Aaron, avec les soixante-dix vieillards, pendant que saint Moïse recevait du Seigneur la Loi destinée aux fils d’Israël. A cet endroit, bien qu’il n’y ait pas de construction, il y a un énorme rocher circulaire, plat sur le dessus, où l’on dit que se sont tenus ces saints ; là, en son milieu, il y a comme un autel fait de pierres. On a lu là aussi ce passage du livre de Moïse et dit un psaume approprié à l’endroit ; puis, après avoir fait une prière, nous sommes descendus de là.

Or voici qu’il commença d’être déjà environ la huitième heure, et il nous restait encore trois milles à faire pour sortir complètement de ces montagnes où nous nous étions engagés la veille au soir. Mais nous ne devions pas sortir du côté où nous étions entrés, comme je l’ai dit plus haut, car il nous fallait faire le tour de tous les lieux saints et visiter tous les ermitages qui étaient là, et donc sortir à l’extrémité de la vallée dont j’ai parlé plus haut, c’est-à-dire de cette vallée qui s’étend au pied de la montagne de Dieu. 6. C’est pour cela qu’il nous fallait sortir à l’extrémité de la vallée : parce qu’il s’y trouvait de nombreux ermitages de saints hommes et une église à l’endroit où est le buisson ; buisson qui, aujourd’hui encore, est vivace et porte des pousses.

Après avoir achevé la descente de la montagne de Dieu, nous sommes arrivés au buisson vers la dixième heure. C’est de ce buisson, dont j’ai parlé plus haut, que le Seigneur parla à Moïse dans le feu ; il est à l’endroit où il y a de nombreux ermitages et une église, à l’extrémité de la vallée. Devant cette église, il y a un jardin très agréable, ayant en abondance une eau excellente, et c’est dans le jardin qu’il y a ce buisson.

On montre également tout à côté l’endroit où se tint saint Moïse lorsque Dieu lui dit : « Délie la bride de ta chaussure », et ce qui suit. Quand nous sommes arrivés à cet endroit, c’était déjà la dixième heure, et c’est pourquoi, comme il était trop tard, nous n’avons pas pu faire l’oblation. Mais on a fait une prière dans l’église ainsi que dans le jardin, près du buisson, et on a lu aussi ce passage du livre de Moïse, selon l’habitude. Comme c’était le soir, nous avons pris aussitôt une collation dans le jardin, devant le buisson, avec ces saints, puis nous avons fait là étape pour la nuit.