Jean le Baptiste occupe une place singulière dans les évangiles : prophète austère du désert, il annonce la venue du Messie avec force, mais se retrouve aussi confronté au doute et à l’effacement. Dans Mt 11, Jésus rend hommage à sa grandeur tout en révélant une tension surprenante entre l’importance de Jean et l’avènement du Royaume. Ce passage soulève des paradoxes sur la foi, la mission et l’humilité. En quoi Jean est-il le plus grand des prophètes, et pourquoi Jésus affirme-t-il que « le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui » ?

11 Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui. 12 Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu’à présent, le royaume des Cieux subit la violence, et des violents cherchent à s’en emparer. 13 Tous les Prophètes, ainsi que la Loi, ont prophétisé jusqu’à Jean. 14 Et, si vous voulez bien comprendre, c’est lui, le prophète Élie qui doit venir. 15 Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! (Mt 11,11-15)

Jésus parle avec la foule qui connaît Jean le Baptiste et qui sait qu’il se trouve injustement emprisonné dans un cachot hérodien. Alors, comme pour rendre hommage à ce futur martyre, Jésus se met à expliquer pourquoi Jean le Baptiste est au fond bien plus qu’un prophète. Mais en expliquant quelle est la vocation de Jean, Jésus présente aussi la sienne. Le rôle de Jean est central pour parvenir à la compréhension de l’identité de Jésus comme messie. Essayons d’y voir plus clair.

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Saint Jean Baptiste, Léonard de Vinci

Leonardo da Vinci, Public domain, via Wikimedia Commons

Jean le Baptiste est paradoxalement qualifié par un double vocable : il est à la fois le plus grand parmi les enfants des hommes et à la fois le plus petit dans le royaume des cieux. Comment tenir ensemble ces deux affirmations ?

La grandeur de Jean le Baptiste parmi les enfants des femmes, sous-entendant parmi les enfants de ce monde terrestre, est due au fait qu’il est le précurseur d’un monde nouveau, précurseur du Royaume des cieux. Il est tout au bout de la chaîne des hommes avant que ne s’ouvre le Royaume aux suivants.

La petitesse de Jean le Baptiste tient au fait qu’il n’est que le précurseur du Royaume. Il n’y entre pas. Il ne sera pas témoin de la résurrection du Christ. Tout comme Moïse, le premier des prophètes, est mort à la frontière de la terre promise, au Mont Nébo, ainsi Jean le Baptiste meurt-il à la frontière du Royaume. Il n’est que son messager, celui qui prépare la route que d’autres  comme nous par exemple  suivront.

Jean assure ainsi la jonction entre l’Ancien et le Nouveau Testament, entre les promesses anciennes et leur accomplissement. En lui convergent toutes les prophéties anciennes : « Tous les Prophètes, ainsi que la Loi, ont prophétisé jusqu’à Jean. »

Mais pourquoi Jésus dit-il que des violents cherchent à s’emparer du Royaume ? Faut-il rappeler que le Royaume n’est autre que Jésus, selon les mots d’Origène (185-253) ? Ainsi, connaître et suivre Jésus, c’est être disciple du Royaume. Jean le Baptiste, serviteur de ce Royaume est déjà en prison. Quant à Jésus, l’opposition contre lui ne va cesser de grandir au fil des pages de l’évangile jusqu’à le conduire à la mort. Telle est la violence qui s’élève contre le Royaume.

Enfin, Jésus affirme que Jean le Baptiste est comparable au prophète Elie qui doit venir. La seconde venue d’Elie est clairement envisagée dans le dernier livre prophétique, le livre de Malachie, en ses derniers versets : « Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que vienne le jour du Seigneur, jour grand et redoutable. » (Mal 3,23) L’idée du retour d’Elie, dans la tradition juive, est ancré dans l’espérance messianique. Ce jour du Seigneur n’est autre que le jour où paraîtra le messie. Ainsi, lorsque le messie viendra, il sera précédé par le grand prophète Elie. Lorsqu’on tourne la dernière page du livre de Malachie dans la Bible chrétienne, on tombe sur l’évangile selon Matthieu où précisément il est question de Jean le Baptiste comparé à Elie et de Jésus qualifié comme le messie (Mt 16,16). En disant que Jean le Baptiste est Elie, Jésus affirme que les temps messianiques sont inaugurés et que le messie… c’est lui-même ! Jean le Baptiste contribue donc à la révélation de l’identité de Jésus comme messie. Les destinées de Jean le Baptiste et de Jésus se croisent et s’éclairent mutuellement, d’abord parce qu’ils subiront tous les deux la mort à cause du Royaume, mais aussi et surtout parce qu’ils font advenir le Royaume, l’un comme prophète, l’autre comme messie.

Emanuelle Pastore

Jean le Baptiste occupe une place singulière dans les évangiles : prophète austère du désert, il annonce la venue du Messie avec force, mais se retrouve aussi confronté au doute et à l’effacement. Dans Mt 11, Jésus rend hommage à sa grandeur tout en révélant une tension surprenante entre l’importance de Jean et l’avènement du Royaume. Ce passage soulève des paradoxes sur la foi, la mission et l’humilité. En quoi Jean est-il le plus grand des prophètes, et pourquoi Jésus affirme-t-il que « le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui » ?

11 Amen, je vous le dis : Parmi ceux qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le royaume des Cieux est plus grand que lui. 12 Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu’à présent, le royaume des Cieux subit la violence, et des violents cherchent à s’en emparer. 13 Tous les Prophètes, ainsi que la Loi, ont prophétisé jusqu’à Jean. 14 Et, si vous voulez bien comprendre, c’est lui, le prophète Élie qui doit venir. 15 Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! (Mt 11,11-15)

Jésus parle avec la foule qui connaît Jean le Baptiste et qui sait qu’il se trouve injustement emprisonné dans un cachot hérodien. Alors, comme pour rendre hommage à ce futur martyre, Jésus se met à expliquer pourquoi Jean le Baptiste est au fond bien plus qu’un prophète. Mais en expliquant quelle est la vocation de Jean, Jésus présente aussi la sienne. Le rôle de Jean est central pour parvenir à la compréhension de l’identité de Jésus comme messie. Essayons d’y voir plus clair.

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Saint Jean Baptiste, Léonard de Vinci

Leonardo da Vinci, Public domain, via Wikimedia Commons

Jean le Baptiste est paradoxalement qualifié par un double vocable : il est à la fois le plus grand parmi les enfants des hommes et à la fois le plus petit dans le royaume des cieux. Comment tenir ensemble ces deux affirmations ?

La grandeur de Jean le Baptiste parmi les enfants des femmes, sous-entendant parmi les enfants de ce monde terrestre, est due au fait qu’il est le précurseur d’un monde nouveau, précurseur du Royaume des cieux. Il est tout au bout de la chaîne des hommes avant que ne s’ouvre le Royaume aux suivants.

La petitesse de Jean le Baptiste tient au fait qu’il n’est que le précurseur du Royaume. Il n’y entre pas. Il ne sera pas témoin de la résurrection du Christ. Tout comme Moïse, le premier des prophètes, est mort à la frontière de la terre promise, au Mont Nébo, ainsi Jean le Baptiste meurt-il à la frontière du Royaume. Il n’est que son messager, celui qui prépare la route que d’autres  comme nous par exemple  suivront.

Jean assure ainsi la jonction entre l’Ancien et le Nouveau Testament, entre les promesses anciennes et leur accomplissement. En lui convergent toutes les prophéties anciennes : « Tous les Prophètes, ainsi que la Loi, ont prophétisé jusqu’à Jean. »

Mais pourquoi Jésus dit-il que des violents cherchent à s’emparer du Royaume ? Faut-il rappeler que le Royaume n’est autre que Jésus, selon les mots d’Origène (185-253) ? Ainsi, connaître et suivre Jésus, c’est être disciple du Royaume. Jean le Baptiste, serviteur de ce Royaume est déjà en prison. Quant à Jésus, l’opposition contre lui ne va cesser de grandir au fil des pages de l’évangile jusqu’à le conduire à la mort. Telle est la violence qui s’élève contre le Royaume.

Enfin, Jésus affirme que Jean le Baptiste est comparable au prophète Elie qui doit venir. La seconde venue d’Elie est clairement envisagée dans le dernier livre prophétique, le livre de Malachie, en ses derniers versets : « Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que vienne le jour du Seigneur, jour grand et redoutable. » (Mal 3,23) L’idée du retour d’Elie, dans la tradition juive, est ancré dans l’espérance messianique. Ce jour du Seigneur n’est autre que le jour où paraîtra le messie. Ainsi, lorsque le messie viendra, il sera précédé par le grand prophète Elie. Lorsqu’on tourne la dernière page du livre de Malachie dans la Bible chrétienne, on tombe sur l’évangile selon Matthieu où précisément il est question de Jean le Baptiste comparé à Elie et de Jésus qualifié comme le messie (Mt 16,16). En disant que Jean le Baptiste est Elie, Jésus affirme que les temps messianiques sont inaugurés et que le messie… c’est lui-même ! Jean le Baptiste contribue donc à la révélation de l’identité de Jésus comme messie. Les destinées de Jean le Baptiste et de Jésus se croisent et s’éclairent mutuellement, d’abord parce qu’ils subiront tous les deux la mort à cause du Royaume, mais aussi et surtout parce qu’ils font advenir le Royaume, l’un comme prophète, l’autre comme messie.

Emanuelle Pastore