La Bible recèle parfois des trésors ou des bizarreries. L’histoire de la nécromancienne d’Eïn-Dor est est une. Ce passage dans le chapitre 28 du Premier livre de Samuel nous conduit en effet dans une scène que Le Seigneur des anneaux ou d’autres œuvres fantastiques ne renieraient pas.
I L’HISTOIRE
En résumé, le roi Saül a fermement interdit toute activité occulte au verset 3 du chapitre, ce qui est conforme à la Torah (Dt 18,10-11 ; 15). La nécromancie, la consultation des défunts, est punie de mort.
Pourtant, Saül est en très mauvaise posture : il a été maudit par le prophète Samuel au chapitre 15 et ne l’a plus jamais revu jusqu’à la mort de ce dernier. Il est en guerre contre les Philistins et la bataille prévue le lendemain se présente très mal. Rejeté par le Seigneur qui a déjà fait désigner David comme le prochain roi, Saül n’obtient plus de prophéties. Il décide alors de violer sa propre loi en allant consulter une nécromancienne.
Tout dans l’épisode est marqué par l’étrange : c’est la nuit, Saül se déguise, il contourne les lignes ennemies, cache son identité à la nécromancienne. Eïn-Dor signifie « source des générations », nom évocateur s’il en est. L’ambiance fantastique s’accentue quand, à la demande du souverain, la nécromancienne fait revenir Samuel du Royaume des ombres. Elle le décrit comme portant un manteau. Et ce que Saül entend de la bouche du fantôme de Samuel a de quoi le terrifier ! « Aujourd’hui, vous serez avec moi » (verset 19).
Un détail très suggestif est que le souverain, ne voyant pas le fantôme, demande à la nécromancienne de le décrire. Elle répond qu’il a « un manteau » (v. 14) et c’est pour Saül la confirmation que c’est bien le prophète qui est présent. Car il est beaucoup question de manteau à propos de Samuel. Déjà petit enfant confié au temple de Silo, sa mère lui confectionnait un petit manteau (1 S 2, 19) ; Saül cherche à le retenir par un pan de son manteau (1 S 15, 27) lors de leur rupture.
Nous pouvons en déduire plusieurs enseignements : après la mort, quelque chose de la personne reste. Ce « quelque chose » est conscient, conscient de soi, avec une permanence de son identité. Le défunt garde ses facultés intellectuelles et sa mémoire, il peut même avoir une certaine autorité. Enfin, il peut être reconnu à un détail physique : le manteau pour Samuel. C’est la preuve qu’il n’est pas totalement immatériel.
Ces éléments plaident pour une vie après la mort, et une vie où l’identité de la personne se maintient, ce qui va à l’encontre des théories sur la métempsychose ou la réincarnation. Une forme de vie éternelle demeure bel et bien.
Peut-on aller plus loin ? Le prophète dit à Saül : « Aujourd’hui, vous serez avec moi ». C’est mot-à-mot ce que le Christ en croix dit au Bon Larron (Lc 23, 43). Jésus parle du Paradis et il n’est pour l’instant pas question de Paradis dans la nuit d’Eïn-Dor. Mais le parallélisme est frappant.
Or, dans les deux cas, les personnes ne sont pas ressuscitées : ni Samuel, ni le Christ puisqu’il ne ressuscite que le dimanche suivant. Mais le dogme catholique de l’immortalité de l’âme, en tout cas de « quelque chose » de la personne, se trouve ainsi illustré.
D. Martynov, L’ombre de Samuel invoquée par Saul, 1857. Photo: Wikipédia
Certes, il n’est pas encore question de résurrection. Mais le spectre est reconnu par un détail physique, son manteau. Comme Jésus est reconnu par les disciples d’Emmaüs par un détail physique, la fraction du pain (Lc 24, 18-35). Le physique joue donc un rôle après la mort. Cet épisode de la nécromancienne nous prépare, finalement à l’annonce de la résurrection corporelle. Nous allons voir, pour le comprendre, le rôle du corps et le rapport au corps que le passage suggère. Mais avant, nous allons dire quelques mots de ce que nous apprenons de la nécromancienne… (dans la seconde partie à venir)
Christel Koehler
La Bible recèle parfois des trésors ou des bizarreries. L’histoire de la nécromancienne d’Eïn-Dor est est une. Ce passage dans le chapitre 28 du Premier livre de Samuel nous conduit en effet dans une scène que Le Seigneur des anneaux ou d’autres œuvres fantastiques ne renieraient pas.
I L’HISTOIRE
En résumé, le roi Saül a fermement interdit toute activité occulte au verset 3 du chapitre, ce qui est conforme à la Torah (Dt 18,10-11 ; 15). La nécromancie, la consultation des défunts, est punie de mort.
Pourtant, Saül est en très mauvaise posture : il a été maudit par le prophète Samuel au chapitre 15 et ne l’a plus jamais revu jusqu’à la mort de ce dernier. Il est en guerre contre les Philistins et la bataille prévue le lendemain se présente très mal. Rejeté par le Seigneur qui a déjà fait désigner David comme le prochain roi, Saül n’obtient plus de prophéties. Il décide alors de violer sa propre loi en allant consulter une nécromancienne.
Tout dans l’épisode est marqué par l’étrange : c’est la nuit, Saül se déguise, il contourne les lignes ennemies, cache son identité à la nécromancienne. Eïn-Dor signifie « source des générations », nom évocateur s’il en est. L’ambiance fantastique s’accentue quand, à la demande du souverain, la nécromancienne fait revenir Samuel du Royaume des ombres. Elle le décrit comme portant un manteau. Et ce que Saül entend de la bouche du fantôme de Samuel a de quoi le terrifier ! « Aujourd’hui, vous serez avec moi » (verset 19).
Un détail très suggestif est que le souverain, ne voyant pas le fantôme, demande à la nécromancienne de le décrire. Elle répond qu’il a « un manteau » (v. 14) et c’est pour Saül la confirmation que c’est bien le prophète qui est présent. Car il est beaucoup question de manteau à propos de Samuel. Déjà petit enfant confié au temple de Silo, sa mère lui confectionnait un petit manteau (1 S 2, 19) ; Saül cherche à le retenir par un pan de son manteau (1 S 15, 27) lors de leur rupture.
Nous pouvons en déduire plusieurs enseignements : après la mort, quelque chose de la personne reste. Ce « quelque chose » est conscient, conscient de soi, avec une permanence de son identité. Le défunt garde ses facultés intellectuelles et sa mémoire, il peut même avoir une certaine autorité. Enfin, il peut être reconnu à un détail physique : le manteau pour Samuel. C’est la preuve qu’il n’est pas totalement immatériel.
Ces éléments plaident pour une vie après la mort, et une vie où l’identité de la personne se maintient, ce qui va à l’encontre des théories sur la métempsychose ou la réincarnation. Une forme de vie éternelle demeure bel et bien.
Peut-on aller plus loin ? Le prophète dit à Saül : « Aujourd’hui, vous serez avec moi ». C’est mot-à-mot ce que le Christ en croix dit au Bon Larron (Lc 23, 43). Jésus parle du Paradis et il n’est pour l’instant pas question de Paradis dans la nuit d’Eïn-Dor. Mais le parallélisme est frappant.
Or, dans les deux cas, les personnes ne sont pas ressuscitées : ni Samuel, ni le Christ puisqu’il ne ressuscite que le dimanche suivant. Mais le dogme catholique de l’immortalité de l’âme, en tout cas de « quelque chose » de la personne, se trouve ainsi illustré.
D. Martynov, L’ombre de Samuel invoquée par Saul, 1857. Photo: Wikipédia
Certes, il n’est pas encore question de résurrection. Mais le spectre est reconnu par un détail physique, son manteau. Comme Jésus est reconnu par les disciples d’Emmaüs par un détail physique, la fraction du pain (Lc 24, 18-35). Le physique joue donc un rôle après la mort. Cet épisode de la nécromancienne nous prépare, finalement à l’annonce de la résurrection corporelle. Nous allons voir, pour le comprendre, le rôle du corps et le rapport au corps que le passage suggère. Mais avant, nous allons dire quelques mots de ce que nous apprenons de la nécromancienne… (dans la seconde partie à venir)
Christel Koehler