L’émission La Foi Prise au Mot évoque une figure tout à fait fascinante : la reine de Saba. Débarquant à Jérusalem au beau milieu du Livre des Rois, elle impressionne le roi Salomon par sa richesse et lui offre des bois précieux dont il va se servir pour construire le Temple de Jérusalem. Qui est-elle ? Le livre ne le dit pas. Il n’en fallait pas plus pour en faire l’une des figures les plus mystérieuses de toute l’histoire biblique, dont se sont emparés tous les siècles : alors qu’elle est une femme, elle est riche, puissante comme le plus grand des rois d’Israël, et se présente comme son égal d’un point de vue intellectuel. « La reine de Saba est un personnage important aussi bien dans le judaïsme, que dans le christianisme et l’islam. Ce qui est curieux puisqu’elle n’est que brièvement évoquée, que ses origines sont mystérieuses et son rôle relativement secondaire dans les textes sacrés. Malgré tout, elle a exercé une profonde fascination au cours des siècles », remarque Emanuelle Pastore, enseignante en Bible à l’Institut Catholique de Paris. « La popularité de la reine de Saba, ou reine du Midi dans le nouveau Testament, ne s’est jamais démentie et on trouve un nombre impressionnant d’oeuvres qui la représente à commencer par la fameuse fresque de Piero della Francesca que l’on peut contempler dans la basilique de saint François en Italie », souligne Laura de Fuccia de Lederer, enseignante en Histoire de l’art à l’Institut Catholique de Paris.
L’épisode narré en 1 R 10,1-13 peut paraître « anecdotique » de prime abord : une reine très riche et très puissante parcourt environ 3,000 kilomètres à travers le désert pour relier Saba et Jérusalem, dans le seul but de mettre le roi Salomon à l’épreuve par des devinettes. Extasiée devant la sagesse et la richesse du roi d’Israël, elle lui offre des aromates, des pierres précieuses et cent vingt kikkar d’or – équivalant à environ quatre tonnes d’or – qu’elle a transporté à dos de chameaux. Salomon n’a pas à en rougir puisqu’il lui offre à son tour plus que la reine de Saba n’en avait apporté. La rencontre s’achève après cet échange de cadeaux somptueux et est immédiatement suivie du départ de la reine s’en retournant chez elle. Cette femme mystérieuse repart d’où elle est venue sans être sortie de son anonymat.
L’épisode semble relever du conte de fée où le merveilleux se prête à toute sorte de poussées dans l’imaginaire ; ce dont témoignent les relectures post-bibliques. Que ce soit à travers la littérature juive ou coranique, le récit dynastique de l’Éthiopie du Xe siècle ap. J.-C. ou encore les légendes pieuses au Moyen‑Âge chrétien, on peut dire que la reine de Saba est devenue « un mythe littéraire ». Ce mythe a inspiré nombre d’artistes en particulier depuis le Moyen-Âge jusqu’à la Renaissance, avant de réveiller la flamme d’explorateurs comme Thomas-Joseph Arnaud en 1843 et André Malraux en 1934 voyageant au Yémen, la terre de l’ancien royaume de Saba. Comment ne pas citer les péplums sur Salomon et la reine de Saba – en 1913, en 1921, en 1952, puis en 1958 – présentant l’histoire sous un angle nettement romantique ? Ou encore, sous la plume de Flaubert, la tentation de saint Antoine, incarnée par la reine de Saba, tentant de réveiller le désir au cœur et au corps de l’ermite ?
La postérité littéraire et artistique de l’épisode peut sembler disproportionnée par rapport à la sobriété de la première version du récit dans le premier livre des Rois. Pourtant, le récit primitif ne s’oppose pas au foisonnement de traditions et d’interprétations qui ont suivi, puisque c’est précisément sa brièveté – seulement treize versets – qui en est la cause. En effet, le récit est suffisamment élaboré pour faire émerger une intrigue et il est suffisamment concis pour engendrer « des blancs » qui peuvent être comblés de bien des manières. Il s’ensuit que le récit mystérieux n’a cessé de vivre, en se colportant sous diverses formes et en grandissant au fil des siècles, creusant – du moins en apparence – un écart toujours plus grand avec sa première version.
C’est précisément ce supposé écart entre le récit initial et l’une de ses réinterprétations que cette émission a mis en lumière. Dans un premier temps (I), on a cherché à rendre compte des enjeux littéraires et théologiques que sous-tend le récit initial (1 R 10,1-13) dans le premier livre des Rois (1 R 3 – 11). Dans un deuxième temps (II), on considèrera le même épisode à travers l’œuvre d’un des artistes majeurs de la Renaissance, celle de Piero della Francesca, dont les fresques à Arezzo offrent une synthèse stimulante entre le substrat biblique et La légende Dorée de Jacques de Voragine. Les deux parties de cette émission permettront ainsi de faire émerger quelques-unes des raisons qui ont permis à un épisode biblique de ne rien perdre de son essence, tout en étant actualisé dans un nouveau contexte.
L’émission La Foi Prise au Mot évoque une figure tout à fait fascinante : la reine de Saba. Débarquant à Jérusalem au beau milieu du Livre des Rois, elle impressionne le roi Salomon par sa richesse et lui offre des bois précieux dont il va se servir pour construire le Temple de Jérusalem. Qui est-elle ? Le livre ne le dit pas. Il n’en fallait pas plus pour en faire l’une des figures les plus mystérieuses de toute l’histoire biblique, dont se sont emparés tous les siècles : alors qu’elle est une femme, elle est riche, puissante comme le plus grand des rois d’Israël, et se présente comme son égal d’un point de vue intellectuel. « La reine de Saba est un personnage important aussi bien dans le judaïsme, que dans le christianisme et l’islam. Ce qui est curieux puisqu’elle n’est que brièvement évoquée, que ses origines sont mystérieuses et son rôle relativement secondaire dans les textes sacrés. Malgré tout, elle a exercé une profonde fascination au cours des siècles », remarque Emanuelle Pastore, enseignante en Bible à l’Institut Catholique de Paris. « La popularité de la reine de Saba, ou reine du Midi dans le nouveau Testament, ne s’est jamais démentie et on trouve un nombre impressionnant d’oeuvres qui la représente à commencer par la fameuse fresque de Piero della Francesca que l’on peut contempler dans la basilique de saint François en Italie », souligne Laura de Fuccia de Lederer, enseignante en Histoire de l’art à l’Institut Catholique de Paris.
L’épisode narré en 1 R 10,1-13 peut paraître « anecdotique » de prime abord : une reine très riche et très puissante parcourt environ 3,000 kilomètres à travers le désert pour relier Saba et Jérusalem, dans le seul but de mettre le roi Salomon à l’épreuve par des devinettes. Extasiée devant la sagesse et la richesse du roi d’Israël, elle lui offre des aromates, des pierres précieuses et cent vingt kikkar d’or – équivalant à environ quatre tonnes d’or – qu’elle a transporté à dos de chameaux. Salomon n’a pas à en rougir puisqu’il lui offre à son tour plus que la reine de Saba n’en avait apporté. La rencontre s’achève après cet échange de cadeaux somptueux et est immédiatement suivie du départ de la reine s’en retournant chez elle. Cette femme mystérieuse repart d’où elle est venue sans être sortie de son anonymat.
L’épisode semble relever du conte de fée où le merveilleux se prête à toute sorte de poussées dans l’imaginaire ; ce dont témoignent les relectures post-bibliques. Que ce soit à travers la littérature juive ou coranique, le récit dynastique de l’Éthiopie du Xe siècle ap. J.-C. ou encore les légendes pieuses au Moyen‑Âge chrétien, on peut dire que la reine de Saba est devenue « un mythe littéraire ». Ce mythe a inspiré nombre d’artistes en particulier depuis le Moyen-Âge jusqu’à la Renaissance, avant de réveiller la flamme d’explorateurs comme Thomas-Joseph Arnaud en 1843 et André Malraux en 1934 voyageant au Yémen, la terre de l’ancien royaume de Saba. Comment ne pas citer les péplums sur Salomon et la reine de Saba – en 1913, en 1921, en 1952, puis en 1958 – présentant l’histoire sous un angle nettement romantique ? Ou encore, sous la plume de Flaubert, la tentation de saint Antoine, incarnée par la reine de Saba, tentant de réveiller le désir au cœur et au corps de l’ermite ?
La postérité littéraire et artistique de l’épisode peut sembler disproportionnée par rapport à la sobriété de la première version du récit dans le premier livre des Rois. Pourtant, le récit primitif ne s’oppose pas au foisonnement de traditions et d’interprétations qui ont suivi, puisque c’est précisément sa brièveté – seulement treize versets – qui en est la cause. En effet, le récit est suffisamment élaboré pour faire émerger une intrigue et il est suffisamment concis pour engendrer « des blancs » qui peuvent être comblés de bien des manières. Il s’ensuit que le récit mystérieux n’a cessé de vivre, en se colportant sous diverses formes et en grandissant au fil des siècles, creusant – du moins en apparence – un écart toujours plus grand avec sa première version.
C’est précisément ce supposé écart entre le récit initial et l’une de ses réinterprétations que cette émission a mis en lumière. Dans un premier temps (I), on a cherché à rendre compte des enjeux littéraires et théologiques que sous-tend le récit initial (1 R 10,1-13) dans le premier livre des Rois (1 R 3 – 11). Dans un deuxième temps (II), on considèrera le même épisode à travers l’œuvre d’un des artistes majeurs de la Renaissance, celle de Piero della Francesca, dont les fresques à Arezzo offrent une synthèse stimulante entre le substrat biblique et La légende Dorée de Jacques de Voragine. Les deux parties de cette émission permettront ainsi de faire émerger quelques-unes des raisons qui ont permis à un épisode biblique de ne rien perdre de son essence, tout en étant actualisé dans un nouveau contexte.