Saviez-vous que de nombreux textes de la Bible sont inspirés de la littérature des peuples voisins d’Israël? Tout n’est pas une pure création des rédacteurs bibliques. Très souvent les rédacteurs de la Bible ont repris un thème, un mythe ou une conviction religieuse des peuples qu’ils côtoyaient, tout en les modifiant selon les exigences de leur propre foi. Un exemple de cela est clairement visible dans le récit biblique du déluge mettant en scène un certain Noé. Cette histoire est fortement inspirée d’un mythe mésopotamien, connu comme « l’épopée de Gilgamesh ». Mais, pourquoi avoir réécrit cette histoire tout en la modifiant? Il faut savoir que la grande période rédactionnelle de la Bible coïncide avec la période où une partie du peuple d’Israël était exilée en Babylonie (au 6è siècle av. J.-C.). Les Israélites étaient donc au contact de la culture mésopotamienne et fortement influencés par elle. Afin de ne pas perdre les valeurs de leur propre religion, les Israélites réécrivirent les mythes mésopotamiens en les imprégnant de leurs propres convictions. Ainsi, bien qu’inspirés de récits déjà existants, certains récits bibliques sont des œuvres très originales. Grâce à ce procédé de réécriture et d’adaptation, la foi au Dieu d’Israël a pu perdurer et continuer à se transmettre de génération en génération chez ce petit peuple en diaspora.
Le déluge selon la Genèse
Les chapitres 6 à 8 de la Genèse rapportent le fameux récit du Déluge, d’après lequel Dieu irrité par la perversité des hommes décide d’éradiquer l’humanité en provoquant une inondation totale. Un seul homme au comportement irréprochable, Noé, est toutefois prévenu divinement et sauvé par la construction d’un grand navire dans lequel il fait embarquer sa famille et de nombreux couples d’animaux. Des pluies torrentielles s’abattent alors sur le sol et submergent tout, les eaux recouvrant les continents pendant quarante jours avant de commencer à s’assécher. Noé réfugié dans son Arche cherche la terre ferme en libérant trois fois une colombe jusqu’à ce qu’elle trouve un lieu où se poser. Enfin le navire s’échoue dans les montagnes de l’Ararat et ses occupants en sortent indemnes.
Découvrez le récit du déluge à travers la peinture de Michel-Ange:
Le déluge selon les tablettes mésopotamiennes
En 1872, le jeune assyriologue George Smith participait au British Museum au déchiffrement des trente mille tablettes d’argile qui provenaient de la bibliothèque du palais du roi Assurbanipal à Ninive, capitale de l’ancienne Assyrie, au 7è s. av. J.-C. Il fut un jour surpris de traduire un texte qui ressemblait étrangement au récit biblique du Déluge. Ce texte faisait partie d’un autre récit plus vaste, « l’épopée de Gilgamesh », une sorte de conte dans lequel le personnage central était un roi d’Uruk nommé Gilgamesh. Alors que ce roi légendaire cherchait la recette de l’immortalité, il rencontra un personnage nommé Utanapishtim qui lui fit un compte-rendu de l’histoire du Déluge. Utanapishtim déclara avoir survécu à une inondation gigantesque provoquée par l’assemblée des dieux dans le dessein de faire disparaître toute l’humanité. Il fut sauvé grâce à la bienveillance d’un seul dieu, Ea, qui lui fit construire un navire et s’y embarquer.
Après cette découverte, on continua à trouver d’autres tablettes bien plus anciennes relatant le même récit, datant du 18è s. av. J.-C.
Découvrez la tablette de l’épopée de Gilgamesh:
COMPAREZ LES DEUX VERSIONS !
Texte de la tablette d’argile provenant de la bibliothèque du roi d’Assyrie Assurbanipal (668-626 av. J.-C.)
« (Le dieu dit:) Homme de cette ville, démolis ta maison et construis un bateau (…). Renonce à tes biens et sauve ta vie. Embarque avec toi un spécimen de chaque être vivant. Le bateau que tu vas construire, sa largeur et sa longueur doivent être semblables. Couvre-le d’un toit (…). Lorsque le bateau fut construit on procéda à son chargement en attendant le Déluge. (Utanapishtim parle:) Le soir du septième jour, le bateau était achevé (…). Je chargeai à son bord tout ce que j’avais de spécimens d’espèces vivantes. Toute ma famille et ma parenté je fis monter sur le bateau (…).
A la première lueur de l’aube, monta de l’horizon une sombre nuée (…). Le silence de mort de l’orage traversa le ciel et ce qui était lumineux se changea en ténèbres. Comme une bataille, le cataclysme passa sur les hommes (…). Même les dieux furent épouvantés par le Déluge, six jours et sept nuits (…).
Le septième jour l’ouragan ralentit. Le déluge cessa. Tous les peuples étaient redevenus d’argile. Par la lucarne, la lumière du soleil tomba sur mon visage. Je me jetai à genoux et en pleurant, je cherchai les côtes, les rivages de la mer. Le bateau accosta sur le mont Nisir (…).
Le septième jour je fis sortir la colombe : elle s’envola mais revint car aucun perchoir ne lui était offert. Je fis sortir l’hirondelle, elle revint. Je fis sortir un corbeau, il partit et voyant les eaux se retirer, il picora, voltigea et ne revint pas vers moi. Alors je fis une offrande et un sacrifice aux quatre vents ».
Texte de Genèse, chapitres 7 et 8
« 14 Fais-toi une arche de bois résineux. Tu feras l’arche avec des cases. Tu l’enduiras de bitume à l’intérieur et à l’extérieur. 15 Cette arche, tu la feras longue de trois cents coudées, large de cinquante et haute de trente. 16 Tu feras à l’arche un toit à pignon que tu fixeras à une coudée au-dessus d’elle. Tu mettras l’entrée de l’arche sur le côté, puis tu lui feras un étage inférieur, un second et un troisième. » (Gn 6, 14‑16) « 7 À cause des eaux du Déluge, Noé entra dans l’arche et avec lui ses fils, sa femme et les femmes de ses fils. 8 Des animaux purs et des animaux impurs, des oiseaux et de tout ce qui remue sur le sol, 9 couple par couple, mâle et femelle vinrent à Noé dans l’arche comme Dieu l’avait prescrit à Noé. » (Gn 7, 7‑9)
« 10 Sept jours passèrent et les eaux du Déluge submergèrent la terre. 11 En l’an six cent de la vie de Noé, au deuxième mois, au dix-septième jour du mois, ce jour-là tous les réservoirs du grand Abîme furent rompus et les ouvertures du ciel furent béantes. 12 La pluie se déversa sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits. » (Gn 7, 10‑12)
« 1 Dieu se souvint de Noé, de toutes les bêtes et de tous les bestiaux qui étaient avec lui dans l’arche ; il fit alors passer un souffle sur la terre et les eaux se calmèrent. 2 Les réservoirs de l’Abîme se fermèrent ainsi que les ouvertures du ciel. La pluie fut retenue au ciel 3 et les eaux se retirèrent de la terre par un flux et un reflux. Au bout de cent cinquante jours les eaux diminuèrent 4 et, au septième mois, le dix-septième jour du mois, l’arche reposa sur le mont Ararat. » (Gn 8, 1‑4)
« 6 Or au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre de l’arche qu’il avait faite. 7 Il lâcha le corbeau qui s’envola, allant et revenant, jusqu’à ce que les eaux découvrent la terre ferme. 8 Puis il lâcha la colombe pour voir si les eaux avaient baissé sur la surface du sol. […] 11 Sur le soir elle revint à lui, et voilà qu’elle avait au bec un frais rameau d’olivier ! Noé sut ainsi que les eaux avaient baissé sur la terre. 12 Il attendit encore sept autres jours et lâcha la colombe qui ne revint plus vers lui. » (Gn 8, 6‑8.11‑12)
Emanuelle Pastore
Saviez-vous que de nombreux textes de la Bible sont inspirés de la littérature des peuples voisins d’Israël? Tout n’est pas une pure création des rédacteurs bibliques. Très souvent les rédacteurs de la Bible ont repris un thème, un mythe ou une conviction religieuse des peuples qu’ils côtoyaient, tout en les modifiant selon les exigences de leur propre foi. Un exemple de cela est clairement visible dans le récit biblique du déluge mettant en scène un certain Noé. Cette histoire est fortement inspirée d’un mythe mésopotamien, connu comme « l’épopée de Gilgamesh ». Mais, pourquoi avoir réécrit cette histoire tout en la modifiant? Il faut savoir que la grande période rédactionnelle de la Bible coïncide avec la période où une partie du peuple d’Israël était exilée en Babylonie (au 6è siècle av. J.-C.). Les Israélites étaient donc au contact de la culture mésopotamienne et fortement influencés par elle. Afin de ne pas perdre les valeurs de leur propre religion, les Israélites réécrivirent les mythes mésopotamiens en les imprégnant de leurs propres convictions. Ainsi, bien qu’inspirés de récits déjà existants, certains récits bibliques sont des œuvres très originales. Grâce à ce procédé de réécriture et d’adaptation, la foi au Dieu d’Israël a pu perdurer et continuer à se transmettre de génération en génération chez ce petit peuple en diaspora.
Le déluge selon la Genèse
Les chapitres 6 à 8 de la Genèse rapportent le fameux récit du Déluge, d’après lequel Dieu irrité par la perversité des hommes décide d’éradiquer l’humanité en provoquant une inondation totale. Un seul homme au comportement irréprochable, Noé, est toutefois prévenu divinement et sauvé par la construction d’un grand navire dans lequel il fait embarquer sa famille et de nombreux couples d’animaux. Des pluies torrentielles s’abattent alors sur le sol et submergent tout, les eaux recouvrant les continents pendant quarante jours avant de commencer à s’assécher. Noé réfugié dans son Arche cherche la terre ferme en libérant trois fois une colombe jusqu’à ce qu’elle trouve un lieu où se poser. Enfin le navire s’échoue dans les montagnes de l’Ararat et ses occupants en sortent indemnes.
Découvrez le récit du déluge à travers la peinture de Michel-Ange:
Le déluge selon les tablettes mésopotamiennes
En 1872, le jeune assyriologue George Smith participait au British Museum au déchiffrement des trente mille tablettes d’argile qui provenaient de la bibliothèque du palais du roi Assurbanipal à Ninive, capitale de l’ancienne Assyrie, au 7è s. av. J.-C. Il fut un jour surpris de traduire un texte qui ressemblait étrangement au récit biblique du Déluge. Ce texte faisait partie d’un autre récit plus vaste, « l’épopée de Gilgamesh », une sorte de conte dans lequel le personnage central était un roi d’Uruk nommé Gilgamesh. Alors que ce roi légendaire cherchait la recette de l’immortalité, il rencontra un personnage nommé Utanapishtim qui lui fit un compte-rendu de l’histoire du Déluge. Utanapishtim déclara avoir survécu à une inondation gigantesque provoquée par l’assemblée des dieux dans le dessein de faire disparaître toute l’humanité. Il fut sauvé grâce à la bienveillance d’un seul dieu, Ea, qui lui fit construire un navire et s’y embarquer.
Après cette découverte, on continua à trouver d’autres tablettes bien plus anciennes relatant le même récit, datant du 18è s. av. J.-C.
Découvrez la tablette de l’épopée de Gilgamesh:
COMPAREZ LES DEUX VERSIONS !
Texte de la tablette d’argile provenant de la bibliothèque du roi d’Assyrie Assurbanipal (668-626 av. J.-C.)
« (Le dieu dit:) Homme de cette ville, démolis ta maison et construis un bateau (…). Renonce à tes biens et sauve ta vie. Embarque avec toi un spécimen de chaque être vivant. Le bateau que tu vas construire, sa largeur et sa longueur doivent être semblables. Couvre-le d’un toit (…). Lorsque le bateau fut construit on procéda à son chargement en attendant le Déluge. (Utanapishtim parle:) Le soir du septième jour, le bateau était achevé (…). Je chargeai à son bord tout ce que j’avais de spécimens d’espèces vivantes. Toute ma famille et ma parenté je fis monter sur le bateau (…).
A la première lueur de l’aube, monta de l’horizon une sombre nuée (…). Le silence de mort de l’orage traversa le ciel et ce qui était lumineux se changea en ténèbres. Comme une bataille, le cataclysme passa sur les hommes (…). Même les dieux furent épouvantés par le Déluge, six jours et sept nuits (…).
Le septième jour l’ouragan ralentit. Le déluge cessa. Tous les peuples étaient redevenus d’argile. Par la lucarne, la lumière du soleil tomba sur mon visage. Je me jetai à genoux et en pleurant, je cherchai les côtes, les rivages de la mer. Le bateau accosta sur le mont Nisir (…).
Le septième jour je fis sortir la colombe : elle s’envola mais revint car aucun perchoir ne lui était offert. Je fis sortir l’hirondelle, elle revint. Je fis sortir un corbeau, il partit et voyant les eaux se retirer, il picora, voltigea et ne revint pas vers moi. Alors je fis une offrande et un sacrifice aux quatre vents ».
Texte de Genèse, chapitres 7 et 8
« 14 Fais-toi une arche de bois résineux. Tu feras l’arche avec des cases. Tu l’enduiras de bitume à l’intérieur et à l’extérieur. 15 Cette arche, tu la feras longue de trois cents coudées, large de cinquante et haute de trente. 16 Tu feras à l’arche un toit à pignon que tu fixeras à une coudée au-dessus d’elle. Tu mettras l’entrée de l’arche sur le côté, puis tu lui feras un étage inférieur, un second et un troisième. » (Gn 6, 14‑16) « 7 À cause des eaux du Déluge, Noé entra dans l’arche et avec lui ses fils, sa femme et les femmes de ses fils. 8 Des animaux purs et des animaux impurs, des oiseaux et de tout ce qui remue sur le sol, 9 couple par couple, mâle et femelle vinrent à Noé dans l’arche comme Dieu l’avait prescrit à Noé. » (Gn 7, 7‑9)
« 10 Sept jours passèrent et les eaux du Déluge submergèrent la terre. 11 En l’an six cent de la vie de Noé, au deuxième mois, au dix-septième jour du mois, ce jour-là tous les réservoirs du grand Abîme furent rompus et les ouvertures du ciel furent béantes. 12 La pluie se déversa sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits. » (Gn 7, 10‑12)
« 1 Dieu se souvint de Noé, de toutes les bêtes et de tous les bestiaux qui étaient avec lui dans l’arche ; il fit alors passer un souffle sur la terre et les eaux se calmèrent. 2 Les réservoirs de l’Abîme se fermèrent ainsi que les ouvertures du ciel. La pluie fut retenue au ciel 3 et les eaux se retirèrent de la terre par un flux et un reflux. Au bout de cent cinquante jours les eaux diminuèrent 4 et, au septième mois, le dix-septième jour du mois, l’arche reposa sur le mont Ararat. » (Gn 8, 1‑4)
« 6 Or au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre de l’arche qu’il avait faite. 7 Il lâcha le corbeau qui s’envola, allant et revenant, jusqu’à ce que les eaux découvrent la terre ferme. 8 Puis il lâcha la colombe pour voir si les eaux avaient baissé sur la surface du sol. […] 11 Sur le soir elle revint à lui, et voilà qu’elle avait au bec un frais rameau d’olivier ! Noé sut ainsi que les eaux avaient baissé sur la terre. 12 Il attendit encore sept autres jours et lâcha la colombe qui ne revint plus vers lui. » (Gn 8, 6‑8.11‑12)
Emanuelle Pastore