Saint Etienne du Mont, juste derrière le Panthéon. On dit qu’il s’agit de la plus belle église de Paris. A vous d’en juger! Elle est extrêmement lumineuse. La pierre finement taillée. La pierre d’angle est somptueuse et le jubé – séparant le choeur de la nef – est intact. Derrière le choeur, après la sacristie, se trouve un petit cloître. Il conserve 12 vitraux du 17ème siècle. Ceux-ci mettent en image l’interprétation chrétienne de la Bible, qu’on appelle « typologique ». Comment cela fonctionne-t-il?

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La lecture typologique de la Bible consiste à identifier des « types » ou des « figures » de l’Ancien Testament qui sont pleinement accomplies dans le Nouveau. C’est la mise en rapport entre deux figures, l’une, plus ancienne, anticipant en quelque sorte ce qui se réalise par la seconde. Selon ce principe, Jésus est la clef de voûte qui unit les deux nefs que sont l’Ancien et le Nouveau Testament, selon le bel adage:

Le Nouveau Testament est caché dans l’Ancien et dans le Nouveau, l’Ancien est dévoilé. (Saint Augustin, cité dans Dei Verbum §16)

Un exemple? La première création est annonce d’une nouvelle création, la première manne d’une nouvelle manne, le premier exode d’un nouvel exode, le prophète Moïse du prophète eschatologique, etc.

Les Pères de l’Eglise ont été les champions de la lecture typologique:

C’est lui (le Christ) qui nous a fait passer de l’esclavage à la liberté, des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie, de la tyrannie à la royauté éternelle, lui qui a fait de nous un sacerdoce nouveau, un peuple choisi, pour toujours. C’est lui qui est la Pâque de notre salut. C’est lui qui endura bien des épreuves en un grand nombre de personnages qui le préfiguraient en Abel il a été tué ; en Isaac il a été lié sur le bois ; en Jacob il a été exilé ; en Joseph il a été vendu ; en Moïse il a été exposé à la mort ; dans l’agneau il a été égorgé ; en David il a été en butte aux persécutions ; dans les prophètes il a été méprisé. C’est lui qui s’est incarné dans une vierge, a été suspendu au bois, enseveli dans la terre, ressuscité d’entre les morts, élevé dans les hauteurs des cieux. (Méliton de Sardes, Homélie du IIè siècle)

Découvrons comment ce principe d’interprétation chrétienne de la Bible a été mis en images dans des vitraux datant du 17ème siècle, à Paris.

Emanuelle Pastore

Le texte ci-après est reproduit à partir de l’explication disponible dans l’église.

Toutes les photos ont été prises par E. Pastore.

L’arche de Noé et le vaisseau de l’Eglise

L’intitulé de la gravure indique «L’Eglise des fidèles assistée du Saint-Esprit contre les violentes agitations des vents d’hérésie, d’infidélité et d’idolâtrie».

Au registre supérieur : l’arche de Noé, remplie d’animaux dont une licorne; sur le mât, la colombe. (Genèse 6-9)

Au-dessous : le vaisseau de l’Eglise flotte sur le bois de la Croix qui le protège des vents contraires soufflant sur les flots : hérésie, infidélité, idolâtrie.

Dans le vaisseau, de gauche à droite : Jésus-Christ qui tient le gouvernail ; saint Louis, un pape, un empereur, un roi, un docteur de l’Eglise, un magistrat, une reine, un évêque, un capitaine, saint François d’Assise, saint Dominique, les donateurs.

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La multiplication des pains et les pèlerins d’Emmaüs

En haut : Jésus bénit les cinq pains que lui présente un enfant. Les apôtres les distribuent et il reste douze (chiffre symbolique) corbeilles remplies. (Matthieu 14)

En dessous, à gauche, les disciples d’Emmaüs font la route avec Jésus et à droite : Jésus procède à la fraction du pain et se fait reconnaître par ces disciples à ce rite. (Luc 24)

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Le serpent d’airain

Verres teintés dans la masse et touches d’émail. Ce vitrail plus ancien est étranger au charnier. Il dérive d’une peinture de Jean Cousin. Vitrail restauré en 2018.

Le peuple d’Israël, après sa sortie d’Egypte, récrimine contre Dieu et contre Moïse:

« Le Seigneur envoya contre le peuple des serpents à la morsure brûlante (…) le Seigneur dit à Moïse : fais-toi un serpent brûlant, et dresse-le au sommet d’un mât : tous ceux qui ont été mordus, qu’ils le regardent, alors ils vivront ». (Nombres 21,4-9)

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La Pâque juive et les Pâques chrétiennes

En haut, à gauche, la Pâque juive. Les Hébreux entourent la table où est posé l’agneau pascal. (Exode 13)

En haut, à droite : simultanément des anges exterminateurs frappent les premiers-nés des Egyptiens. (Exode 13)

Au-dessous : La communion pascale est accompagnée de la représentation des péchés mortels : idolâtrie, avarice, luxure, parricide.

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Rites de purification

En haut, à gauche : le grand prêtre et trois lévites se purifient en se lavant les mains dans un bassin appelé la « mer d’airain ».

A droite : reconstitution imaginaire du temple de Salomon.

En bas, à gauche, Jésus lave les pieds des apôtres. (Jean 13)

A droite : reproduction du plan d’une église chrétienne.

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Le sacrifice d’Elie

Le prophète Elie triomphe sur les prêtres de Baal, car le feu du ciel a allumé le bûcher de son sacrifice, tandis que (en haut à droite), les prêtres de Baal prient en vain leurs dieux d’allumer le feu de leur bûcher en envoyant un éclair du ciel. (1 Rois 18)

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L’ostension du Saint-Sacrement et les symboles des sacrifices dans les deux Testaments

Au centre un magnifique ostensoir, rayonnant de son or et du blanc de l’hostie, entouré d’anges, se détache sur un fond violet.

A droite, les sacrifices matériels de l’Ancien Testament (pain, colombes, chèvres…) se prolongent à gauche par ceux du repas pascal (grappe de raisin, coupe, pain et agneau…), préfigurant la nouvelle Loi. Le vitrail illustre donc comment l’Eucharistie constitue l’aboutissement de tous les sacrifices.

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L’Eucharistie

En haut : la manne, préfiguration de l’Eucharistie : Moïse, pour conjurer la famine, élève son bâton et la manne tombe sur terre. Les hébreux qui campent dans le désert, la recueillent dans des urnes. (Exode 16)

Sur la droite : l’arche d’Alliance.

En bas, à gauche : Jésus présente l’hostie aux fidèles.

En bas, à droite : La parabole des conviés aux noces. (Matthieu 22)

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Le Pressoir Mystique

Le vitrail illustre la parole de Jésus présentant la coupe de vin et reprise à chaque messe: « ceci est mon sang », en comparant dans chaque détail le vin issu de la vigne et le sang du Christ.

Au centre du vitrail : sous le pressoir de la croix, Jésus, allongé sur ce qui est en fait un autel, répand son sang rédempteur qui sera désormais le breuvage des hommes, leur salut.

En haut, à gauche : les patriarches et prophètes bêchent la vigne, préparant ainsi le sacrifice.

Dans le lointain : un attelage tire un tonneau, mené par l’ange (symbole de l’évangéliste Matthieu) et conduit par trois animaux : le lion (évangéliste Marc), le bœuf (évangéliste Luc) et l’aigle (évangéliste Jean). L’attelage amène donc cette liqueur divine qui procure le salut dans le monde.

En bas, quatre Pères de l’Eglise, qui ont commenté le mystère de l’Eucharistie, mettent symboliquement en réserve dans des tonneaux ce précieux sang qui constitue la richesse de l’Eglise. Le Pape et un cardinal, assistés d’un empereur (Charlemagne) et d’un roi de France (Louis IX dit Saint Louis) descendent les barriques dans une cave.

Plus haut sur la droite, des prêtres en surplis administrent le sacrement de l’Eucharistie qui doit être précédé de la Pénitence comme il est dit dans un quatrain inscrit sur le vitrail, en haut à droite.

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Ebauche du sacrifice eucharistique

En haut le sacrifice de Melchisédech : Abraham victorieux des rois de l’Orient (Genèse 14) apporte à Melchisédech, roi-prêtre de Jérusalem, le dixième de son butin. Celui-ci offre un sacrifice de pain et de vin, puis bénit Abraham. Les auteurs chrétiens ont vu dans cet épisode une préfiguration de l’Eucharistie.

La scène est peinte selon le style de la Renaissance, avec Abraham en chef de guerre victorieux, dans la superbe d’un héros de l’Antiquité portant haut le chef avec un casque de parade, surmonté d’un animal moulé dans de l’or. Il a le torse enveloppé d’une armure bleue qui modèle les muscles de sa poitrine. Le manteau rejeté sur l’épaule, la lance d’apparat à la main et l’épée sur le côté, le personnage est royal.

En dessous à droite, inspirée de la grande passion d’Albert Dürer, la Cène (1612) au moment où les apôtres présentent au Christ les deux épées dont ils disposent.

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Apparition à Abraham sous le chêne de Mambré

D’après la Genèse, Abraham, âgé, ainsi que sa femme Sarah, et ayant perdu l’espoir d’avoir un fils, vit à l’heure du repas, sous le chêne de Mambré, apparaître trois personnages (trois anges) qu’il reçut à sa table et qui lui prédirent qu’il aurait un fils et serait le père d’un peuple innombrable. (Genèse 18)

Les théologiens chrétiens ont vu dans les trois anges une préfiguration de la Sainte Trinité d’où le cartel situé en haut et qui indique « Tres vidit et unum adoravit » (« Il en vit trois et en adora Un »).

Le magnifique chêne d’un vert remarquable, au centre donne son équilibre à la scène. Abraham à la fois invite les voyageurs mystérieux à sa table et entend à genoux la promesse. L’ensemble est représenté sous forme contemporaine et pittoresque avec un manoir du XVIe dans l’arrière-plan, un serviteur égorgeant le veau gras dont le chien lape le sang et un autre cuisant le pain.

En haut, à droite, les anges accompagnent Loth et sa famille hors de Sodome et Gomorrhe en cours de destruction. (Genèse 19)

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