La prière du Seigneur est considérée comme un des plus grands trésors de la foi chrétienne parce qu’elle constitue un résumé dense de l’Évangile. Pétrie d’Ancien Testament, la prière du Seigneur assume la foi et la prière d’Israël pour les mener à leur perfection dans le Christ. Lui, le Fils unique, éclaire pleinement la réalité de la filiation divine révélée à Israël, destinée à tous les hommes et donnée à vivre aux baptisés. Cette prière constitue à elle seule un véritable itinéraire de vie spirituelle pour les baptisés.
01 Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. » 02 Il leur répondit : « Quand vous priez, dites : Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. 03 Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour. 04 Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous laisse pas entrer en tentation. » (Lc 11,1-4)
Nous connaissons la prière de Jésus par cœur et nous la récitons chaque jour. Toutefois, osons rappeler d’abord le contexte dans lequel elle est énoncée, ainsi que sur certains aspects de son contenu, afin de la prier avec toujours plus de ferveur.
Tout d’abord, rappelons que cette prière nous est parvenue sous deux formes. Nous venons de lire celle proposée par l’évangéliste Luc. Le contexte est bien particulier. Chez Luc, la prière du Seigneur arrive relativement tard dans l’évangile, – en comparaison avec l’évangile de Matthieu -, vers la fin du ministère de Jésus, soit dans le premier tiers de la montée vers Jérusalem et donc dans le contexte qui précède et annonce la passion. La prière est donc délivrée aux disciples à la manière d’un testament.
Deuxièmement, la prière est formulée suite à la demande d’un disciple qui regardait Jésus prier : « Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. ». Le disciple avait vu Jésus s’éloigner pour prier et revenir. Sans doute devait-il rencontrer des difficultés à prier comme le faisait Jésus. Il lui demande donc de l’y aider. Jésus va leur enseigner, non pas un traité doctrinal sur la prière en général, mais à partir de sa propre prière de Fils unique du Père, il va leur apprendre à prier. Il parle à partir de son expérience. Cette prière vise donc à manifester l’attitude spirituelle de Jésus, le Fils incarné, à l’égard de son Père, tout en se transposant en des termes que les hommes, fils pécheurs, peuvent prononcer. En effet, Jésus ne pouvait pas formuler la 4ème demande pour lui-même (« pardonne-nous nos péchés ») ! La Prière du Seigneur offre ainsi un itinéraire de conversion intérieure pour devenir fils avec le Fils. Cette prière est donnée aux disciples afin de combler le désir, la soif de Dieu qu’ils ressentaient : « Apprends-nous à prier ! »
La demande centrale de la prière est celle concernant le pain : « Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour ».
Arrêtons-nous sur la notion de pain et son enracinement biblique.
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En Gn 3,19, la difficulté à obtenir le pain est formulée : « A la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré. Car tu es glaise et tu retourneras à la glaise. » (Gn 3, 19)
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Paradoxalement, au temps de Joseph, il y a du pain en Egypte, là où se trouve le juste Joseph, et non à Canaan : « et commencèrent à venir les sept années de famine, comme l’avait dit Joseph. Il y avait famine dans tous les pays, mais il y avait du pain dans tout le pays d’Egypte. » (Gn 41, 54)
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Dans le livre de Ruth, on apprend que le pain est un don de Dieu : « Alors, avec ses brus, Noémi se disposa à revenir des Champs de Moab, car elle avait appris dans les Champs de Moab que Dieu avait visité son peuple pour lui donner du pain. » (Rt 1, 6) Le Psaume 78 rappelle aussi que c’est Dieu qui avait donné la manne dans le désert : « Pour les nourrir il fit pleuvoir la manne, il leur donna le froment des cieux ; du pain des Forts l’homme se nourrit, il leur envoya des vivres à satiété. » (Ps 78, 24‑25)
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Ailleurs, il arrive même que l’absence de Dieu soit comparée à un « pain de larmes » : « Mes larmes, c’est là mon pain, le jour, la nuit, moi qui tout le jour entends dire : Où est-il, ton Dieu ? » (Ps 42, 4)
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Le pain est revigorant : « et le vin qui réjouit le cœur de l’homme, pour que l’huile fasse luire les visages et que le pain fortifie le cœur de l’homme. » (Ps 104, 15)
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Le pain dit aussi la fidélité de Dieu : « A toute chair il donne le pain, car éternel est son amour ! » (Ps 136, 25) ou encore « il rend justice aux opprimés, il donne aux affamés du pain, le Seigneur délie les enchaînés. » (Ps 146, 7)
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Même la sagesse se compare à du pain : « “Venez, mangez de mon pain, buvez du vin que j’ai préparé ! Quittez la niaiserie et vous vivrez, marchez droit dans la voie de l’intelligence.” » (Pr 9, 5‑6)
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Enfin, chez Isaïe, le pain devient pain de la promesse : « Pourquoi dépenser de l’argent pour autre chose que du pain, et ce que vous avez gagné, pour ce qui ne rassasie pas ? Écoutez, écoutez-moi et mangez ce qui est bon ; vous vous délecterez de mets succulents. » (Is 55, 2) « De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer pour fournir la semence au semeur et le pain à manger ». (Is 55, 10)
C’est dans tout ce passé que le pain, dans la prière de Jésus, s’enracine et prend sens. On peut même affirmer que le pain que nous donne Jésus vient combler les hommes d’une manière plénière. Ce pain quotidien que nous demandons dans la prière de Jésus, n’est-il pas le pain eucharistique offert chaque jour ?
Emanuelle Pastore
La prière du Seigneur est considérée comme un des plus grands trésors de la foi chrétienne parce qu’elle constitue un résumé dense de l’Évangile. Pétrie d’Ancien Testament, la prière du Seigneur assume la foi et la prière d’Israël pour les mener à leur perfection dans le Christ. Lui, le Fils unique, éclaire pleinement la réalité de la filiation divine révélée à Israël, destinée à tous les hommes et donnée à vivre aux baptisés. Cette prière constitue à elle seule un véritable itinéraire de vie spirituelle pour les baptisés.
01 Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. » 02 Il leur répondit : « Quand vous priez, dites : Père, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. 03 Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour. 04 Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui ont des torts envers nous. Et ne nous laisse pas entrer en tentation. » (Lc 11,1-4)
Nous connaissons la prière de Jésus par cœur et nous la récitons chaque jour. Toutefois, osons rappeler d’abord le contexte dans lequel elle est énoncée, ainsi que sur certains aspects de son contenu, afin de la prier avec toujours plus de ferveur.
Tout d’abord, rappelons que cette prière nous est parvenue sous deux formes. Nous venons de lire celle proposée par l’évangéliste Luc. Le contexte est bien particulier. Chez Luc, la prière du Seigneur arrive relativement tard dans l’évangile, – en comparaison avec l’évangile de Matthieu -, vers la fin du ministère de Jésus, soit dans le premier tiers de la montée vers Jérusalem et donc dans le contexte qui précède et annonce la passion. La prière est donc délivrée aux disciples à la manière d’un testament.
Deuxièmement, la prière est formulée suite à la demande d’un disciple qui regardait Jésus prier : « Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples. ». Le disciple avait vu Jésus s’éloigner pour prier et revenir. Sans doute devait-il rencontrer des difficultés à prier comme le faisait Jésus. Il lui demande donc de l’y aider. Jésus va leur enseigner, non pas un traité doctrinal sur la prière en général, mais à partir de sa propre prière de Fils unique du Père, il va leur apprendre à prier. Il parle à partir de son expérience. Cette prière vise donc à manifester l’attitude spirituelle de Jésus, le Fils incarné, à l’égard de son Père, tout en se transposant en des termes que les hommes, fils pécheurs, peuvent prononcer. En effet, Jésus ne pouvait pas formuler la 4ème demande pour lui-même (« pardonne-nous nos péchés ») ! La Prière du Seigneur offre ainsi un itinéraire de conversion intérieure pour devenir fils avec le Fils. Cette prière est donnée aux disciples afin de combler le désir, la soif de Dieu qu’ils ressentaient : « Apprends-nous à prier ! »
La demande centrale de la prière est celle concernant le pain : « Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour ».
Arrêtons-nous sur la notion de pain et son enracinement biblique.
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En Gn 3,19, la difficulté à obtenir le pain est formulée : « A la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes au sol, puisque tu en fus tiré. Car tu es glaise et tu retourneras à la glaise. » (Gn 3, 19)
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Paradoxalement, au temps de Joseph, il y a du pain en Egypte, là où se trouve le juste Joseph, et non à Canaan : « et commencèrent à venir les sept années de famine, comme l’avait dit Joseph. Il y avait famine dans tous les pays, mais il y avait du pain dans tout le pays d’Egypte. » (Gn 41, 54)
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Dans le livre de Ruth, on apprend que le pain est un don de Dieu : « Alors, avec ses brus, Noémi se disposa à revenir des Champs de Moab, car elle avait appris dans les Champs de Moab que Dieu avait visité son peuple pour lui donner du pain. » (Rt 1, 6) Le Psaume 78 rappelle aussi que c’est Dieu qui avait donné la manne dans le désert : « Pour les nourrir il fit pleuvoir la manne, il leur donna le froment des cieux ; du pain des Forts l’homme se nourrit, il leur envoya des vivres à satiété. » (Ps 78, 24‑25)
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Ailleurs, il arrive même que l’absence de Dieu soit comparée à un « pain de larmes » : « Mes larmes, c’est là mon pain, le jour, la nuit, moi qui tout le jour entends dire : Où est-il, ton Dieu ? » (Ps 42, 4)
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Le pain est revigorant : « et le vin qui réjouit le cœur de l’homme, pour que l’huile fasse luire les visages et que le pain fortifie le cœur de l’homme. » (Ps 104, 15)
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Le pain dit aussi la fidélité de Dieu : « A toute chair il donne le pain, car éternel est son amour ! » (Ps 136, 25) ou encore « il rend justice aux opprimés, il donne aux affamés du pain, le Seigneur délie les enchaînés. » (Ps 146, 7)
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Même la sagesse se compare à du pain : « “Venez, mangez de mon pain, buvez du vin que j’ai préparé ! Quittez la niaiserie et vous vivrez, marchez droit dans la voie de l’intelligence.” » (Pr 9, 5‑6)
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Enfin, chez Isaïe, le pain devient pain de la promesse : « Pourquoi dépenser de l’argent pour autre chose que du pain, et ce que vous avez gagné, pour ce qui ne rassasie pas ? Écoutez, écoutez-moi et mangez ce qui est bon ; vous vous délecterez de mets succulents. » (Is 55, 2) « De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n’y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer pour fournir la semence au semeur et le pain à manger ». (Is 55, 10)
C’est dans tout ce passé que le pain, dans la prière de Jésus, s’enracine et prend sens. On peut même affirmer que le pain que nous donne Jésus vient combler les hommes d’une manière plénière. Ce pain quotidien que nous demandons dans la prière de Jésus, n’est-il pas le pain eucharistique offert chaque jour ?
Emanuelle Pastore