Alexandre et la conquête de l’Orient

La Judée tombe sous la domination d’Alexandre le Grand à la bataille d’Issos, en -333. En -330, le roi de Macédoine Alexandre le Grand achève sa conquête de l’Orient. Il triomphe du roi des Perses Darius III et coalise sous une même autorité le plus grand empire que l’Antiquité ait jusqu’alors connu. Son empire, outre la Grèce, regroupe l’Egypte, le pays de Canaan et toute la Mésopotamie jusqu’aux rives de l’Indus.

La conquête d’Alexandre n’est pas qu’une opération militaire. On peut à proprement parler d’une conquête culturelle. Avec Alexandre, c’est le monde de la culture grecque qui fait irruption dans l’ancien Orient : philosophie, mathématiques, poésie… sans oublier la langue. Le grec va devenir la langue commune de tout l’Orient, nécessaire pour commercer ou entrer en relation avec l’administration. La cité grecque va devenir le modèle des villes nouvelles, dont la plus célèbre sera bientôt la fameuse Alexandrie d’Egypte. Même les anciennes cités se mettent au goût du jour et se construisent gymnases, théâtres et acropoles. Ce mouvement culturel est connu sous le nom d’hellénisation.

Buste d'Alexandre, 2è-1er siècles av. J.-C. Photo: Wikipédia

La mort d’Alexandre et le partage de son empire

Tout semblait bien parti pour durer, mais Alexandre décède à 33 ans le 23 Juin -323. Il meurt jeune et surtout sans héritier évident (un enfant encore à naître et un demi-frère psychologiquement fragile). Tant et si bien que ce sont les diadoques, ses principaux chefs militaires, qui vont se partager son empire : Ptolémée est satrape d’Egypte ; Seleucos de Babylonie ; Cassandre de Macédoine.

 

Royaumes des Diadoques en -301. Carte: L'Histoire.fr

La Judée se retrouve dans la zone d’influence égyptienne des Lagides (de Lagos, le nom du père de Ptolémée) qui contrôlent le Levant-Sud, exerçant une pression fiscale et tributaire. A partir du 3è siècle av. J.-C., les guerres de Syrie opposent les Lagides et les Séleucides. Elles se concluent par l’annexion de la Judée-Samarie par les Séleucides. Antiochos III concède aux juifs une charte très favorable qui permet la restauration du Temple et son entretien. De nouveau, les juifs se gouvernent selon leur loi, ayant à leur tête une gerousia (conseil d’anciens qui, plus tard, sera appelé Sanhédrin par Flavius Josèphe). Jérusalem est une cité-Temple dont dépend la Judée. Mais une expédition romaine contre les Séleucides va affaiblir leur royaume. Lorsqu’Antiochos IV prend le pouvoir en 175, son problème principal est sa faiblesse face à Rome, et la diversité des ethnies rassemblées sur ses territoires qui contribue à fragiliser encore un peu plus son autorité. Il met donc en œuvre une politique volontariste d’unification du pays par l’hellénisation pour affirmer son propre pouvoir.

« 01 ALEXANDRE, fils de Philippe, de Macédoine, quitta le pays des Grecs pour affronter Darius, le roi des Perses et des Mèdes. Après l’avoir vaincu, il régna à sa place ; auparavant il régnait déjà sur le monde grec. 02 Il livra de multiples batailles, s’empara de nombreuses forteresses et fit périr les rois de la région. 03 Il poussa jusqu’aux extrémités de la terre et ramassa le butin d’une multitude de nations. Devant lui, la terre resta muette. Son cœur s’exalta à l’extrême. 04 Il rassembla une armée très puissante, soumit des provinces, des nations et des souverains, qui durent lui payer l’impôt. 05 Après quoi, il fut contraint de s’aliter et comprit qu’il allait mourir. 06 Il convoqua ses auxiliaires les plus illustres, élevés avec lui depuis le jeune âge et, de son vivant, il partagea entre eux son royaume. 07 Alexandre avait régné douze ans quand il mourut. 08 Alors, ceux qu’il avait mis en fonction exercèrent le pouvoir, chacun dans sa région. 09 Après sa mort, ils portèrent tous le diadème, et leurs fils après eux, durant de longues années. Et ils multiplièrent les malheurs sur la terre. » (1 M 1,1-9)

L’hellénisation de Jérusalem

1 M 1,11-15 nous instruit sur la formation d’un parti helléniste à Jérusalem :

11 À cette époque, surgirent en Israël des hommes infidèles à la Loi, et ils séduisirent beaucoup de gens, car ils disaient : « Allons, faisons alliance avec les nations qui nous entourent. En effet, depuis que nous avons rompu avec elles, il nous est arrivé beaucoup de malheurs. » 12 Ce langage parut judicieux, 13 et quelques-uns, dans le peuple, s’empressèrent d’aller trouver le roi. Celui-ci leur permit d’adopter les usages des nations. 14 Ils construisirent un gymnase à Jérusalem, selon la coutume des nations ; 15 ils effacèrent les traces de leur circoncision, renièrent l’Alliance sainte, s’associèrent aux gens des nations, et se vendirent pour faire le mal. (1 M 1,11-15)

Le texte montre qu’il s’agit pour certains juifs de se doter des institutions spécifiques des cités grecques, comme un gymnase. Les habitants de Jérusalem ont donc la possibilité de former une cité grecque. Cette hellénisation de Jérusalem rencontre en tous cas la condamnation sans appel des auteurs du 1er livre des Maccabées. La fréquentation du gymnase par des juifs qui masquent leur circoncision est un autre signe du reniement de l’Alliance. La situation se dégrade encore lorsque le Grand-Prêtre lui-même se fait le complice de l’hellénisme. C’est en tout cas l’accusation portée par 2 Mac 4,7-17 contre Jason qui usurpe le pontificat à son frère Onias, en -175, lors de l’accession au trône d’Antiochus IV. L’agitation est grandissante parmi les juifs.

Un peu plus tard, la rumeur courant à Jérusalem qu’Antiochos IV est mort au cours d’une campagne militaire en Egypte, un soulèvement survient. Celui-ci sera durement réprimé par Antiochos IV, qui promulgue un édit de persécution en -168. Toute pratique du judaïsme se voit formellement interdite : sabbat, circoncision, règles alimentaires, sacrifices traditionnels et liturgie. Antiochus IV pille le Temple (cf. 2 Mac 5,5-23). Un peu plus tard, le roi impose le culte païen à l’intérieur même du Temple de Jérusalem (8 décembre 167 av. J.-C.). Le Temple de Jérusalem est dédié à Zeus olympien. (cf. 2 Mac 6,1s ; 1 Mac 1,44-59). C’est l’abomination de la désolation, selon l’expression empruntée à Dn 11,31. Le culte du roi divinisé ainsi que les fêtes dionysiaques sont institués au Temple. Des sacrifices païens sont offerts au Temple de Jérusalem. La prostitution sacrée y est introduite. Jérusalem devient une cité grecque nommée Antioche en l’honneur d’Antiochus IV. Antioche-Jérusalem s’organise comme « une cité sainte » (hierapolis). Des mœurs et comportements nouveaux sont introduits, tels les concours athlétiques, véritables cérémonies religieuses en l’honneur des dieux grecs Hermès et Héraclès. Ce processus avancé d’assimilation entraîne des révoltes de plus en plus radicalisées.

Bibliographie:
T. Römer, L’invention de Dieu, Paris, Seuil, 2014

Le début d’un temps de persécution

Certains vont fuir les villes où la pression de l’occupant est trop forte, pour se réfugier dans les steppes et pouvoir y continuer un mode de vie en accord avec leur foi. Ce groupe de fidèles va prendre le nom d’Assidéens, de l’hébreu Hassidim, les Pieux (voir 1 M 2,42). Les Assidéens se contentent d’une résistance passive, fuyant le contact avec les zones sous contrôle païen. C’est sans doute dans ces milieux qu’il faut rechercher l’origine des Esséniens de la communauté de Qumrân, dont on retrouvera dans leurs documents à la fois le désir de fuir tout contact avec les impurs et la non-reconnaissance du sacerdoce de Jérusalem du fait de la rupture de la filiation sadocite.

Début de la Lettre d'Aristée à Philocrate. Bibliothèque apostolique vaticane, 11e siècle. Photo : Wikipédia

La révolte maccabéenne

A côté des Assidéens qui font de la résistance passive va se lever un autre groupe décidé à l’affrontement armé. Cette révolte va se focaliser autour de la famille d’un chef de clan de Modin, un nommé Matathias, dont le fils Judas surnommé Maccabée, (c’est à dire « le marteau » car il tombait comme le marteau sur ses ennemis) va donner le nom à toute la lignée : les Maccabées.

En -166, lors d’une tournée d’inspection d’un fonctionnaire royal chargé de s’assurer du bon déroulement du culte païen, Mattathias, de la famille des Asmonéens, se rebelle et tue le fonctionnaire, ainsi qu’un de son village qui avait sacrifié aux idoles. Pour éviter d’immédiates représailles, il prend le maquis avec ses cinq fils. Décédé peu après, c’est Judas Maccabée qui va prendre la tête de ce mouvement de rébellion qui va rapidement attirer à lui un certain nombre de mécontents désireux d’en découdre avec l’adversaire.

Averti de ce coup de force, Apollonios mène au combat une petite force de représailles. Hélas pour lui, il sous-estime complètement l’adversité et sa troupe est décimée. Lui-même trouvera la mort dans le combat. Ce n’est encore qu’une échauffourée, mais elle a permis à Judas d’armer ses troupes en dépouillant ses ennemis.

Les premières victoires et la reconsécration du Temple (164)

En 165 et 164, des affrontements plus importants vont se dérouler contre des forces importantes chargées de mater la rébellion judéenne. Elles tournent en faveur de Judas, d’autant plus facilement qu’Antiochos est occupé à une expédition sur sa lointaine frontière orientale. Comme commence à courir le bruit de sa mort (à l’automne -164), son général Lysias préfère suspendre les opérations en Judée. Pour ne pas laisser sur ses arrières un pays non pacifié, il conclut un pacte avec Judas accordant aux Juifs la liberté religieuse et le respect de leur mode de vie. Le Grand Prêtre Ménélas, qui a senti de quel côté le vent soufflait intervient en faveur de Judas et sert d’intermédiaire pour cet accord. Judas profite de cette trêve pour établir un lien diplomatique avec Rome, de qui il obtiendra un soutien de principe, mais bien sûr aucune aide concrète.

Profitant de la trêve, les Assidéens peuvent revenir à Jérusalem, et Judas entreprend le nettoyage du Temple. L’idole est démolie et l’autel reconsacré le 25 décembre 164. Cette nouvelle dédicace du Temple est encore célébrée aujourd’hui lors de la fête d’Hanukkah. Mais à côté du Temple, la forteresse de l’Akra demeure remplie de troupes fidèles aux Séleucides. Judas profite du calme pour mener des opérations anti-hellénisme en Galilée et en Transjordanie.

La fête de Hanoukka célèbre la ré inauguration du Temple de Jérusalem, après sa libération suite à la victoire des Maccabées contre les Séleucides. Selon l’enseignement du Talmud, les Judéens victorieux ne trouvèrent qu’une petite fiole d’huile d’olive pure pour allumer la menorah du Temple. Or cette fiole, qui normalement ne permettait qu’un allumage pour une journée, dura “miraculeusement” huit jours, ce qui laissa suffisamment de temps pour fournir de l’huile pure.

La fête de Hanoucca symbolise aussi la victoire de la lumière contre les ténèbres et l’obscurantisme ; chaque flamme de chaque hanoukka est une lumière dans la nuit.

En souvenir du “miracle” de la petite fiole qui brûla huit jours, la hanoukka possède huit branches de même hauteur. Une autre raison est donnée au nombre de huit branches : cela permet de distinguer la hanoukka de la menorah car, selon la halakha, il est interdit de reproduire à l’identique la menorah comme elle était dans le Temple, à cause de son caractère saint.

Menorah à 7 branches. ici, une reconstitution grandeur nature du chandelier en or du Temple de Jérusalem. Cette représentation se trouve actuellement sur l'esplanade du Western Wall à Jérusalem.

Judas Maccabée

Après la mort d’Antiochos en -163, Lysias prend le contrôle du royaume contre la volonté du testament du roi, en tant que régent du jeune Antiochos V, alors que le roi avait désigné Philippe comme régent. A la nouvelle de la mort du tyran, Judas Maccabée a entrepris le siège de l’Akra. Les défenseurs appellent au secours et Lysias décide de reprendre une campagne contre l’agitation en Judée. Il attaque en force, avec l’arme absolue de l’époque, les éléphants de guerre. La confrontation avec les troupes de Judas tourne à la déroute pour les rebelles. Eléazar, un jeune frère de Judas, trouve la mort en essayant de tuer un éléphant sur lequel il croit à tort que se trouve le jeune roi. Les forces de Judas sont totalement mises en déroute.

Mort d’Eléazar. Gravure de Gustave Doré

Heureusement pour eux, le régent évincé, Philippe, a pris les armes et monte contre l’usurpateur Lysias. Celui-ci doit donc lever le siège et foncer à la rencontre de son rival. Encore une fois, il signe une trêve avec Judas pour ne pas laisser sur son arrière garde un pays instable. Comme il faut bien que quelqu’un paye pour tous ces troubles, c’est le Grand Prêtre Ménélas qui fait les frais de l’opération et qui est exécuté. Ceci permet de choisir un nouveau Grand Prêtre, toujours fervent de l’hellénisme, mais à nouveau de lignée sacerdotale, un certain Alcime.

La mort de Judas Maccabée (160)

La confrontation entre Lysias et Philippe se termina mal pour les deux. Le jeune roi Antiochos V a été assassiné par Lysias lui-même pour mettre sur le trône Démétrios I. C’est vers Démétrios que se tournent les partisans d’Alcime pour que celui-ci l’installe comme Grand Prêtre. Cette mission est confiée au général Bacchidès en 161.

C’est donc la reprise des affrontements. Mais Judas est en difficulté car il est lâché par beaucoup d’Assidéens qui reconnaissent la légitimité d’Alcime du fait de son lignage. Cette trahison ne profitera pas à ces Assidéens que Bacchidès fera massacrer en masse. Après une dernière victoire contre Nicanor, l’éléphantarque du roi, Bacchidès revient à la charge avec des troupes imposantes. En avril 160, Judas est abandonné par la plupart de ses soldats. Il se lance dans une dernière charge dont bien sûr il ne reviendra pas.

Les opérations de Jonathan

Il reste heureusement pour le parti de la rébellion trois frères de Judas. C’est Jonathan qui prend le commandement après la mort de Judas. Les rebelles n’ont plus les moyens de mener une guerre de contact. La rébellion se replie vers le désert et se contente pendant quelques années de modestes opérations de guérilla aux frontières. C’est plus ou moins la paix en Israël. Progressivement, les forces maccabéennes reprennent pied dans le pays, favorisées par les graves dissensions qui divisent le parti helléniste.

Port de Saint Jean d'Acre Photos: E. Pastore

Jonathan, surnommé à juste titre le rusé, ou le dissimulateur, va admirablement se servir des événements pour faire progresser sa cause. En 153, un certain Alexandre Balas, qui se dit fils d’Antiochos Epiphane, conteste la royauté de Démétrios. Il débarque avec ses troupes à Ptolémaïs (St Jean d’Acre). Pour éviter que Jonathan et ses forces ne rejoignent Balas, Démétrios lui propose de le reconnaître comme gouverneur de Judée ! Jonathan accepte l’offre et entre à Jérusalem comme lieutenant du roi. En fait, il travaille pour sa propre cause et il use de cette toute nouvelle autorité pour refortifier Jérusalem et isoler la fameuse forteresse d’Akra toujours aux mains des Séleucides.

Citadelle croisée de Saint Jean d'Acre Photos: E. Pastore

Mosquée de Saint Jean d'Acre Photos: E. Pastore

Alexandre Balas ne va pas rester inactif. Il fait aussi une offre à Jonathan, beaucoup plus alléchante que celle de Démétrios. Il propose de nommer Jonathan ami du roi, de le ceindre de la couronne et de l’établir Grand Prêtre. Jonathan change immédiatement de camp et c’est en tant que Grand Prêtre qu’il officie en 152. Il a choisi le bon camp, car Balas triomphe de Démétrios et prend le pouvoir royal en 150.

Pendant la guerre qui va encore une fois opposer les Lagides aux Séleucides, Jonathan reste prudemment neutre et soutient alternativement l’un et l’autre camp. Il en profite surtout pour étendre le territoire sous sa juridiction. Il en fera cependant un peu trop, et il sera assassiné après trahison en 143 par Tryphon, le Séleucide régnant alors.

La victoire de Simon

La direction des opérations militaires et diplomatiques maccabéennes passe alors à Simon, un des deux frères survivants. Comme Jonathan, Simon va jouer habillement la carte des querelles de succession Séleucides et récupérer tous les privilèges dont jouissait Jonathan. En 141, il réussit même à se défaire de l’Akra. En 140, on organise une célébration pour donner à Simon une certaine légitimité en tant que Grand Prêtre alors qu’il n’est pas de lignée sadocite.
Bien qu’il ne porte pas le titre de roi, Simon obtient de fait la quasi-indépendance d’Israël. Une ère nouvelle d’indépendance nationale débute le 28 mai -141 (1 M 13,41-42). Il est tout à la fois Grand Prêtre et chef politique. Il va rétablir une succession héréditaire dans ces deux domaines, fondant ainsi la dynastie des Asmonéens.

Les Hasmonéens au pouvoir

Le règne de Simon va se dérouler dans un climat de paix et de joie après ces années d’oppressions. Cependant, Simon va connaître une fin violente assassiné par un opposant en 134. Cette tentative de coup d’état échouera et le fils de Simon, Jean Hyrcan, va lui succéder à la tête d’Israël. C’est vers cette époque que s’achève le récit des livres des Maccabées et seul l’historien Flavius Josèphe couvre la période suivante.

Le règne de Jean Hyrcan sera prospère, pratiquement totalement indépendant des Séleucides. Il va en profiter pour étendre son territoire, en imposant de force la conversion au yahvisme des populations conquises. Ce sera le cas de l’Idumée, le territoire situé au sud de la Judée. Du fait de cette conversion forcée, les Iduméens seront dès lors considérés comme faisant partie de la nation juive. Nous retrouverons ultérieurement un Iduméen célèbre qui jouera un rôle dans les affaires d’Israël, à savoir Hérode le Grand.

C’est également vers cette époque que vont se constituer, ou tout du moins affirmer leurs différences, les deux grands partis religieux que nous retrouverons dans le Nouveau Testament, les Pharisiens et les Sadducéens.

Les Pharisiens, dont le nom pourrait bien signifier les « séparés », semblent être la continuation du groupe jusqu’alors informel des Assidéens, dont on sait qu’ils étaient regroupés en congrégations. Les Pharisiens vont en tout cas manifester les mêmes préoccupations que les Assidéens de la période maccabéenne, soucieux d’une stricte observance de la loi, désireux de se préserver de la souillure engendrée par le contact avec les tenants de l’hellénisme, et finalement peu enclins à agir dans le domaine politique, du moins au début. Leur organisation est laïque, indépendante du clergé attaché au Temple, mais centrée sur des scribes commentateurs de la loi, un peu dans la ligne d’Esdras.

A l’inverse, les Sadducéens, dont le nom vient probablement du prêtre Sadoq, se considèrent comme les détenteurs du sacerdoce légitime. Ils recrutent essentiellement dans la classe sacerdotale, et possèdent de nombreux alliés politiques dans l’aristocratie. Dans l’ensemble, ils sont plutôt ouverts à l’hellénisme, et dès le début, du fait du rôle politique affirmé du Grand Prêtre, ils jouent un rôle dans le vie politique du pays. En fait, on ne connaît les Sadducéens pratiquement que par de la littérature d’origine pharisienne, et cette dernière ne fait pas d’eux un portrait très élogieux, allant jusqu’à les accuser d’impiété. Si on considère le comportement des Grands Prêtres de la période grecque, il est possible que cette accusation ne soit pas sans fondements.

Représentation du grand-prêtre

Lieu vénéré comme étant le tombeau de David, mont Sion, Jérusalem

Quoi qu’il en soit, Jean Hyrkan va adhérer au parti sadducéen et concevoir une vive hostilité contre les Pharisiens, qui lui reprochent entre autres de réunir en un seul homme la fonction de chef politique et militaire et de Grand Prêtre. Par ailleurs, Hyrkan va se comporter comme la plupart des souverains hellénisés de son temps, recourant notamment au recrutement de troupes mercenaires étrangères pour mener ses opérations de colonisation. Selon Fl. Josèphe, Hyrkan alla jusqu’à piller le tombeau de David pour payer ses mercenaires. Cette anecdote montre le changement qui s’est opéré en une seule génération depuis Judas Maccabée. Lorsque Jean Hyrkan meurt en 104, la Judée est à l’apogée de sa puissance depuis le retour d’exil et possède de fait l’indépendance d’un royaume autonome.

Après le règne d’Aristobule I, surnommé le philhelène (l’ami de l’hellénisme, ce qui veut tout dire), arrive le règne d’Alexandre Jannée (103-76) qui va officiellement prendre le titre de roi, rompant ainsi définitivement avec l’idée que la royauté en Juda ne puisse appartenir qu’à la lignée de David. Cette usurpation du pouvoir royal va exacerber l’hostilité des Pharisiens qui vont provoquer un esclandre lors d’une cérémonie au Temple que préside Alexandre Jannée en tant que Grand-Prêtre. Le roi répondra par la manière forte et des soulèvements se produiront un peu partout dans le pays, stimulés par les Pharisiens qui sont très aimés dans le peuple. La répression sera terrible, Josèphe parle d’environ 50’000 juifs massacrés par les troupes mercenaires d’Alexandre.

Les Pharisiens vont alors appeler à leur secours le Séleucide régnant alors, Démétrios III. En 88, celui-ci arrive avec des troupes et il écrase les forces d’Alexandre Jannée, forçant ce dernier à fuir dans les montagnes. Mais alors le parti Pharisien craignit que Démétrios ne reproduise le comportement d’Antiochos Epiphane, et ils le trahirent après que celui-ci eut battu Alexandre Jannée. Démétrios dut repartir face à un pays dont tous les éléments lui étaient désormais hostiles. Sitôt le Séleucide hors de vue, Alexandre Jannée sortit de sa tanière et fit payer cher aux Pharisiens et à leurs alliés leur tentative de rébellion. A titre d’exemple, il en fit crucifier 800 à Jérusalem et fit massacrer leurs familles devant eux.

Ossuaire du 1er siècle retrouvé à Jérusalem, gravé au nom de « Jonathan, fils de Hagkol » et contenant l’os du talon droit percé d’un clou, indiquant sa mort par crucifixion.

Musée d’Israël, Jérusalem – Photos: E. Pastore

Alexandre sombra dans l’alcoolisme et mourut de ce qui pourrait bien être une cirrhose. Dans son testament, il confia la royauté à sa femme, Salomé Alexandra, avec un surprenant revirement. En effet, il lui recommandait de faire la paix avec les Pharisiens et d’associer ces derniers à la vie politique du pays. Salomé Alexandra (76-67) respecta ce désir et son règne fut une période de prospérité pour les Pharisiens qui en pratique assurèrent le gouvernement du pays. C’est alors que les Sadducéens perdirent la majorité au conseil du Sanhédrin.


A Alexandra succédera son fils cadet Aristobule II qui avait réussi à évincer son frère aîné Hyrcan. Mais Hyrcan a un ami puissant, l’Iduméen Antipater, allié du roi nabatéen Arétas. Ces deux rois vont lever des troupes et marcher contre Aristobule pour placer Hyrcan sur le trône. Lors du siège de Jérusalem en 65 par les troupes nabatéennes, le sanhédrin se divisa, les Pharisiens prenant le parti d’Hyrcan, et les Sadducéens celui d’Aristobule. La situation semblait sans issue et le siège parti pour durer, quand un élément extérieur vint bouleverser la donne.

L’intervention de Rome

En effet, cette querelle interne servait magnifiquement les affaires des Romains dont les armées de Pompée se trouvent alors en Syrie. Pompée délègue un légat pour arbitrer la querelle entre les deux frères. Ce légat se prononce alors en faveur d’Aristobule et ordonne aux troupes nabatéennes de lever le siège, ce à quoi elles doivent bien obéir, ne pouvant évidemment affronter les légions romaines.

Antipater revient à la charge et plaide en faveur d’Hyrcan auprès de Pompée lui-même. En 63, celui-ci ordonne un arbitrage entre les deux frères. Pressentant que l’issue de cet arbitrage risque de lui être défavorable, Aristobule entre en conflit avec Pompée et après quelques vicissitudes s’enferme dans Jérusalem aussitôt assiégée par Pompée. A l’automne 63, la ville est prise par les troupes romaines. Il s’en suit un massacre, dont il semble bien que la responsabilité incombe davantage aux Pharisiens amis d’Hyrcan qu’aux troupes romaines.

En pratique, cette victoire de Pompée marque la fin de la période grecque. La dynastie hasmonéenne va encore régner quelques temps. D’abord Hyrcan, qui est intronisé roi et Grand Prêtre à la place de son frère.

Portrait de Pompée le Grand au musée du Louvre

Photo: Wikipédia

Antipater revient à la charge et plaide en faveur d’Hyrcan auprès de Pompée lui-même. En 63, celui-ci ordonne un arbitrage entre les deux frères. Pressentant que l’issue de cet arbitrage risque de lui être défavorable, Aristobule entre en conflit avec Pompée et après quelques vicissitudes s’enferme dans Jérusalem aussitôt assiégée par Pompée. A l’automne 63, la ville est prise par les troupes romaines. Il s’en suit un massacre, dont il semble bien que la responsabilité incombe davantage aux Pharisiens amis d’Hyrcan qu’aux troupes romaines.


En pratique, cette victoire de Pompée marque la fin de la période grecque. La dynastie hasmonéenne va encore régner quelques temps. D’abord Hyrcan, qui est intronisé roi et Grand Prêtre à la place de son frère.

Denier à l'effigie de Pompée. Date : c. 49-48 AC. Description avers : tête de Numa Pompilius à droite, ceinte d’un bandeau inscrit. Description revers : proue de galère à droite.Traduction revers : “Magnus pro consul”, (Le grand, Pompée proconsul). Photo: Wikipédia

Lors du conflit qui opposa César à Pompée, Aristobule crut pouvoir prendre sa revanche, mais il fut assassiné ainsi que son fils par les partisans d’Hyrcan. Soutenant d’abord Pompée, l’Iduméen Antipater sentit rapidement de quel côté soufflait le vent et il prit fait et cause pour César. Dès lors, Antipater ne va cesser de monter en puissance, et comme les Iduméens étaient assimilés à la nation juive, cette dernière en profita pour avoir un statut privilégié auprès des Romains. Antipater en profite pour placer ses fils gouverneurs, notamment le jeune Hérode qui se retrouve à 15 ans gouverneur de Galilée. Après la mort de son père en 43, Hérode va bénéficier à son tour du soutien des Romains. Il entrera en conflit avec le dernier Asmonéen Antigone. En 37, Hérode entre victorieux à Jérusalem. On est à l’aube de l’ère néotestamentaire.

Bibliographie : http://introbible.free.fr/