Les psaumes invitent à la prière. Ils ont été pensés et écrits pour cela, encore faut-il que nous prenions la peine d’entrer dans leur vocabulaire, dans leur tournure, bref dans toute leur dimension. Le psaume 138 est une belle porte d’entrée dans cet univers si riche et coloré que constituent les 150 psaumes du psautier.

01 Tu me scrutes, Seigneur (Yahvé), et tu sais ! 02 Tu sais quand je m’assois, quand je me lève ; de très loin, tu pénètres mes pensées. 03 Que je marche ou me repose, tu le vois, tous mes chemins te sont familiers. 04 Avant qu’un mot ne parvienne à mes lèvres, déjà, Seigneur, tu le sais. 05 Tu me devances et me poursuis, tu m’enserres, tu as mis la main sur moi. 06 Savoir prodigieux qui me dépasse, hauteur que je ne puis atteindre !

Ces premiers versets regorgent de verbes qui indiquent que Dieu est attentif à tout ce qui arrive à l’homme, car c’est bien Dieu qui est le sujet de ces verbes : connaître, savoir, discerner, voir. Oui, Dieu connaît les pensées humaines les plus profondes. Rien ne lui échappe, comme l’indiquent les différentes manières de se tenir dans la vie: assis, debout, en marche, en repos. « Sa main est sur moi », dit le psalmiste. Il s’agit d’une main bienveillante et protectrice.

Le verset 6 emploie un oxymore: littéralement, « une connaissance incompréhensible ». Et cela, afin de souligner à quel point Dieu nous dépasse, car il est entouré de mystère. Lui nous connaît parfaitement, mais nous, nous ne le connaissons que partiellement.

07 Où donc aller, loin de ton souffle ? où m’enfuir, loin de ta face ? 08 Je gravis les cieux : tu es là ; je descends chez les morts : te voici. 09 Je prends les ailes de l’aurore et me pose au-delà des mers : 10 même là, ta main me conduit, ta main droite me saisit.

Le verset 7 évoque le souffle et la face de Dieu qui sont accessibles de partout. En haut dans les cieux, c’est-à-dire dans la sphère divine, et en bas, au shéol, c’est-à-dire le lieu de repos des morts, il est présent. Après ce mouvement de verticalité suit un mouvement d’est en ouest: l’aurore indique le lever du soleil, tandis que l’au-delà des mers indique l’ouest par rapport à Israël. Bref, rien n’échappe à Dieu, aucun recoin du monde terrestre ou céleste.

Et puis, la main de Dieu revient deux fois encore au v. 10 pour redire toute la sollicitude de Dieu qui guide et protège. Rien n’est plus concret que le langage de la Bible pour évoquer la présence divine.

11 J’avais dit : « Les ténèbres m’écrasent ! » mais la nuit devient lumière autour de moi. 12 Même la ténèbre pour toi n’est pas ténèbre, et la nuit comme le jour est lumière !

Le psalmiste exprime l’expérience qu’il fait au coeur des ténèbres de sa propre vie, expérience connue de nous tous. Il est écrasé par les soucis, les difficultés. Et paradoxalement, là, au coeur des ténèbres, il fait l’expérience de la lumière. Pour Dieu, les ténèbres ne sont pas ténébreuses. Même paradoxe qu’au v. 6. Comme en Is 42,16, Dieu a le pouvoir de changer l’obscurité en lumière pour les aveugles que nous sommes. Ou, pour le dire autrement, avec Dieu, la ténèbre éclaire comme le jour…

13 C’est toi qui as créé mes reins, qui m’as tissé dans le sein de ma mère. 14 Je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis: * étonnantes sont tes oeuvres toute mon âme le sait. 15 Mes os n’étaient pas cachés pour toi * quand j’étais façonné dans le secret, modelé aux entrailles de la terre. 16 J’étais encore inachevé, tu me voyais ; * sur ton livre, tous mes jours étaient inscrits, recensés avant qu’un seul ne soit !

Le psalmiste discerne la présence de Dieu dans l’obscurité du ventre maternel qu’il compare aux entrailles de la terre. Oui, le ventre de la mère est comparé au grand laboratoire divin. Au plus intime, au plus secret, là où surgit la vie, Dieu était à l’œuvre.

Cette œuvre de création est décrite à travers l’activité du tissage. Or, tisser suppose une action lente, patiente, précise, silencieuse. Dieu a pris le temps. Et d’ailleurs le temps lui appartient. Chacun de nos jours est inscrit dans le grand livre de Dieu. Aucune de nos journées ne lui est indifférente. A ses yeux, chaque action a de la valeur et Dieu, oui, en a conscience.

17 Que tes pensées sont pour moi difficiles, Dieu, que leur somme est imposante! 18 Je les compte : plus nombreuses que le sable ! Je m’éveille : je suis encore avec toi.

Contrairement à Dieu qui sait et qui connaît, le psalmiste, lui, tient en grand respect les pensées et les vues de Dieu qui lui restent mystérieuses. Le secret de Dieu est difficile à percer. S’il ne l’était pas, s’agirait-il vraiment de Dieu? Pas de frustration pour le psalmiste, mais de l’émerveillement devant la grandeur divine, d’autant plus que, de sa hauteur, Dieu regarde vers sa créature et prend soin d’elle. Non pas un Dieu écrasant, mais un Dieu condescendant.

19 Dieu (Yahvé), si tu exterminais l’impie ! Hommes de sang, éloignez-vous de moi ! 20 Tes adversaires profanent ton nom : ils le prononcent pour détruire. 21 Comment ne pas haïr tes ennemis, Seigneur, ne pas avoir en dégoût tes assaillants ? 22 Je les hais d’une haine parfaite, je les tiens pour mes propres ennemis.

On se demande pourquoi, tout d’un coup, au milieu d’une si belle contemplation sur l’homme et sur Dieu, le psalmiste change de ton et prononce des paroles de haine. Ses paroles sont dirigées contre ceux qui sont des ennemis ou des adversaires de Dieu. L’impie est celui qui profane le Nom divin. Qu’est-ce que cela veut dire? Pour répondre, on peut se référer à la prière chrétienne par excellence qui redit toute l’importance du Nom divin: « Que ton Nom soit sanctifié ». Ainsi, profaner le Nom divin revient à faire le contraire de sa volonté et au fond à retarder la venue-même de son règne. On ne peut admettre de demi mesure lorsqu’il s’agit de la fidélité envers Dieu, aussi le psalmiste se démarque-t-il clairement des impies.

Remarquons d’ailleurs qu’au verset 19, tout comme au verset 1, le psalmiste prononce le Nom que Dieu lui-même a révélé à Moïse au Sinaï (Exode 3): Yahvé, qui signifie « Celui qui est ».

23 Scrute-moi, mon Dieu, tu sauras ma pensée éprouve-moi, tu connaîtras mon coeur. 24 Vois si je prends le chemin des idoles, et conduis-moi sur le chemin d’éternité

Le psaume s’achève sur une demande faite à Dieu: « scrute-moi », « éprouve-moi », « connais-moi », « vois-moi ». Ces quatre verbes évoquent une dernière fois la connaissance de Dieu envers nous. Or, connaître, dans la Bible, n’est jamais une connaissance extérieure. Ce psaume le reflète bien: Dieu nous connaît de l’intérieur, au plus profond, sans néanmoins forcer le passage.

Enfin, notre vie est envisagée comme un chemin. Or, ce chemin peut prendre deux directions opposées: le chemin des idoles ou le chemin vers le vrai Dieu. C’est bien sur ce deuxième chemin que Dieu lui-même nous guide toujours, si toutefois nous le lui demandons.

Méditation libre à partir du psaume 138 (139), E. Pastore.

La belle prière de Saint Patrick ne redit-elle pas, à la manière du psaume, la présence de Dieu qui nous accompagne en tout lieu et en tout temps?

Le Christ devant moi, le Christ derrière moi, le Christ autour de moi, le Christ aujourd’hui au dedans de moi, et au dehors de moi, le Christ humble et doux, le Christ tout-puissant dans le coeur de chacun à qui Il parle, dans le cœur de chacun qui me parle, en tous ceux qui passent près de moi ou qui me voient ou qui m’entendent. (Saint Patrick)

Emanuelle Pastore

Les psaumes invitent à la prière. Ils ont été pensés et écrits pour cela, encore faut-il que nous prenions la peine d’entrer dans leur vocabulaire, dans leur tournure, bref dans toute leur dimension. Le psaume 138 est une belle porte d’entrée dans cet univers si riche et coloré que constituent les 150 psaumes du psautier.

01 Tu me scrutes, Seigneur (Yahvé), et tu sais ! 02 Tu sais quand je m’assois, quand je me lève ; de très loin, tu pénètres mes pensées. 03 Que je marche ou me repose, tu le vois, tous mes chemins te sont familiers. 04 Avant qu’un mot ne parvienne à mes lèvres, déjà, Seigneur, tu le sais. 05 Tu me devances et me poursuis, tu m’enserres, tu as mis la main sur moi. 06 Savoir prodigieux qui me dépasse, hauteur que je ne puis atteindre !

Ces premiers versets regorgent de verbes qui indiquent que Dieu est attentif à tout ce qui arrive à l’homme, car c’est bien Dieu qui est le sujet de ces verbes : connaître, savoir, discerner, voir. Oui, Dieu connaît les pensées humaines les plus profondes. Rien ne lui échappe, comme l’indiquent les différentes manières de se tenir dans la vie: assis, debout, en marche, en repos. « Sa main est sur moi », dit le psalmiste. Il s’agit d’une main bienveillante et protectrice.

Le verset 6 emploie un oxymore: littéralement, « une connaissance incompréhensible ». Et cela, afin de souligner à quel point Dieu nous dépasse, car il est entouré de mystère. Lui nous connaît parfaitement, mais nous, nous ne le connaissons que partiellement.

07 Où donc aller, loin de ton souffle ? où m’enfuir, loin de ta face ? 08 Je gravis les cieux : tu es là ; je descends chez les morts : te voici. 09 Je prends les ailes de l’aurore et me pose au-delà des mers : 10 même là, ta main me conduit, ta main droite me saisit.

Le verset 7 évoque le souffle et la face de Dieu qui sont accessibles de partout. En haut dans les cieux, c’est-à-dire dans la sphère divine, et en bas, au shéol, c’est-à-dire le lieu de repos des morts, il est présent. Après ce mouvement de verticalité suit un mouvement d’est en ouest: l’aurore indique le lever du soleil, tandis que l’au-delà des mers indique l’ouest par rapport à Israël. Bref, rien n’échappe à Dieu, aucun recoin du monde terrestre ou céleste.

Et puis, la main de Dieu revient deux fois encore au v. 10 pour redire toute la sollicitude de Dieu qui guide et protège. Rien n’est plus concret que le langage de la Bible pour évoquer la présence divine.

11 J’avais dit : « Les ténèbres m’écrasent ! » mais la nuit devient lumière autour de moi. 12 Même la ténèbre pour toi n’est pas ténèbre, et la nuit comme le jour est lumière !

Le psalmiste exprime l’expérience qu’il fait au coeur des ténèbres de sa propre vie, expérience connue de nous tous. Il est écrasé par les soucis, les difficultés. Et paradoxalement, là, au coeur des ténèbres, il fait l’expérience de la lumière. Pour Dieu, les ténèbres ne sont pas ténébreuses. Même paradoxe qu’au v. 6. Comme en Is 42,16, Dieu a le pouvoir de changer l’obscurité en lumière pour les aveugles que nous sommes. Ou, pour le dire autrement, avec Dieu, la ténèbre éclaire comme le jour…

13 C’est toi qui as créé mes reins, qui m’as tissé dans le sein de ma mère. 14 Je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis: * étonnantes sont tes oeuvres toute mon âme le sait. 15 Mes os n’étaient pas cachés pour toi * quand j’étais façonné dans le secret, modelé aux entrailles de la terre. 16 J’étais encore inachevé, tu me voyais ; * sur ton livre, tous mes jours étaient inscrits, recensés avant qu’un seul ne soit !

Le psalmiste discerne la présence de Dieu dans l’obscurité du ventre maternel qu’il compare aux entrailles de la terre. Oui, le ventre de la mère est comparé au grand laboratoire divin. Au plus intime, au plus secret, là où surgit la vie, Dieu était à l’œuvre.

Cette œuvre de création est décrite à travers l’activité du tissage. Or, tisser suppose une action lente, patiente, précise, silencieuse. Dieu a pris le temps. Et d’ailleurs le temps lui appartient. Chacun de nos jours est inscrit dans le grand livre de Dieu. Aucune de nos journées ne lui est indifférente. A ses yeux, chaque action a de la valeur et Dieu, oui, en a conscience.

17 Que tes pensées sont pour moi difficiles, Dieu, que leur somme est imposante! 18 Je les compte : plus nombreuses que le sable ! Je m’éveille : je suis encore avec toi.

Contrairement à Dieu qui sait et qui connaît, le psalmiste, lui, tient en grand respect les pensées et les vues de Dieu qui lui restent mystérieuses. Le secret de Dieu est difficile à percer. S’il ne l’était pas, s’agirait-il vraiment de Dieu? Pas de frustration pour le psalmiste, mais de l’émerveillement devant la grandeur divine, d’autant plus que, de sa hauteur, Dieu regarde vers sa créature et prend soin d’elle. Non pas un Dieu écrasant, mais un Dieu condescendant.

19 Dieu (Yahvé), si tu exterminais l’impie ! Hommes de sang, éloignez-vous de moi ! 20 Tes adversaires profanent ton nom : ils le prononcent pour détruire. 21 Comment ne pas haïr tes ennemis, Seigneur, ne pas avoir en dégoût tes assaillants ? 22 Je les hais d’une haine parfaite, je les tiens pour mes propres ennemis.

On se demande pourquoi, tout d’un coup, au milieu d’une si belle contemplation sur l’homme et sur Dieu, le psalmiste change de ton et prononce des paroles de haine. Ses paroles sont dirigées contre ceux qui sont des ennemis ou des adversaires de Dieu. L’impie est celui qui profane le Nom divin. Qu’est-ce que cela veut dire? Pour répondre, on peut se référer à la prière chrétienne par excellence qui redit toute l’importance du Nom divin: « Que ton Nom soit sanctifié ». Ainsi, profaner le Nom divin revient à faire le contraire de sa volonté et au fond à retarder la venue-même de son règne. On ne peut admettre de demi mesure lorsqu’il s’agit de la fidélité envers Dieu, aussi le psalmiste se démarque-t-il clairement des impies.

Remarquons d’ailleurs qu’au verset 19, tout comme au verset 1, le psalmiste prononce le Nom que Dieu lui-même a révélé à Moïse au Sinaï (Exode 3): Yahvé, qui signifie « Celui qui est ».

23 Scrute-moi, mon Dieu, tu sauras ma pensée éprouve-moi, tu connaîtras mon coeur. 24 Vois si je prends le chemin des idoles, et conduis-moi sur le chemin d’éternité

Le psaume s’achève sur une demande faite à Dieu: « scrute-moi », « éprouve-moi », « connais-moi », « vois-moi ». Ces quatre verbes évoquent une dernière fois la connaissance de Dieu envers nous. Or, connaître, dans la Bible, n’est jamais une connaissance extérieure. Ce psaume le reflète bien: Dieu nous connaît de l’intérieur, au plus profond, sans néanmoins forcer le passage.

Enfin, notre vie est envisagée comme un chemin. Or, ce chemin peut prendre deux directions opposées: le chemin des idoles ou le chemin vers le vrai Dieu. C’est bien sur ce deuxième chemin que Dieu lui-même nous guide toujours, si toutefois nous le lui demandons.

Méditation libre à partir du psaume 138 (139), E. Pastore.

La belle prière de Saint Patrick ne redit-elle pas, à la manière du psaume, la présence de Dieu qui nous accompagne en tout lieu et en tout temps?

Le Christ devant moi, le Christ derrière moi, le Christ autour de moi, le Christ aujourd’hui au dedans de moi, et au dehors de moi, le Christ humble et doux, le Christ tout-puissant dans le coeur de chacun à qui Il parle, dans le cœur de chacun qui me parle, en tous ceux qui passent près de moi ou qui me voient ou qui m’entendent. (Saint Patrick)

Emanuelle Pastore