Un texte bien connu de nos évangiles ne devrait pourtant cesser de nous surprendre. Un jour, à Capharnaüm, on amène un homme paralysé sur une civière devant Jésus en le faisant descendre à travers le toit. Que va faire Jésus? Le guérir? Pas immédiatement. Il va d’abord prononcer une parole qui va provoquer la colère des Pharisiens et Docteurs de la Loi: « tes péchés te sont pardonnés ». Quelle est la portée de cette phrase?

Or, un jour qu’il était en train d’enseigner, il y avait dans l’assistance des Pharisiens et des docteurs de la loi qui étaient venus de tous les villages de Galilée et de Judée ainsi que de Jérusalem ; et la puissance du Seigneur était à l’œuvre pour lui faire opérer des guérisons. Survinrent des gens portant sur une civière un homme qui était paralysé ; ils cherchaient à le faire entrer et à le placer devant lui ; et comme, à cause de la foule, ils ne voyaient pas par où le faire entrer, ils montèrent sur le toit et, au travers des tuiles, ils le firent descendre avec sa civière en plein milieu, devant Jésus. Voyant leur foi, il dit : « Tes péchés te sont pardonnés. » Les scribes et les Pharisiens se mirent à raisonner : « Quel est cet homme qui dit des blasphèmes ? Qui peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? » Mais Jésus, connaissant leurs raisonnements, leur rétorqua : « Pourquoi raisonnez-vous dans vos cœurs ? Qu’y a-t-il de plus facile, de dire : “Tes péchés te sont pardonnés” ou bien de dire : “Lève-toi et marche” ? Eh bien, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre autorité pour pardonner les péchés, – il dit au paralysé : “Je te dis, lève-toi, prends ta civière et va dans ta maison.” » A l’instant, celui-ci se leva devant eux, il prit ce qui lui servait de lit et il partit pour sa maison en rendant gloire à Dieu. La stupeur les saisit tous et ils rendaient gloire à Dieu ; remplis de crainte, ils disaient : « Nous avons vu aujourd’hui des choses extraordinaires. » (Lc 5,17-26)
16f9a8_c4732b8f1830459fa3fb42ecc0dd0e90mv2

Foule à Nebi Mousa, le lieu de mémoire de l'enterrement de Moïse, à l'ouest de Jéricho, lors d'un pèlerinage musulman, vers 1900-1920. Photo: BiblePlaces


Tout d’abord, c’est l’initiative de Jésus qui surprend. Le paralysé n’a rien demandé – il est d’ailleurs possible que sa maladie l’empêche de parler -, mais le lecteur imagine que si cet homme est amené devant Jésus, c’est pour être guéri de sa maladie physique. Notre passage commence justement en rappelant que Jésus faisait des guérisons. Pourtant, Jésus semble a priori vouloir faire tout autre chose : lui assurer le pardon de ses péchés. On peut se demander en quoi ce pardon des péchés pourrait être utile ou bénéfique pour un homme qui a perdu toute autonomie. De plus, la maladie fait de cet homme un paria de la société ; la maladie étant interprétée comme un châtiment divin à cause des péchés commis. Aux yeux des Pharisiens et des Docteurs de la Loi, l’homme paralysé souffrait ainsi d’un double mal : physique et spirituel. Surtout, il n’était pas innocent : il méritait son sort.

capture-decran-2024-08-02-140608

Reconstitution d'une maison vers 1000 av. J.-C., près de Tell Qasile. Photo: BiblePlaces


Comment Jésus agit-il face au statut particulièrement délicat de cet homme ? Il témoigne de la puissance divine qui est à l’œuvre en lui en commençant par affirmer que les péchés de cet homme sont pardonnés. Ce n’est donc pas à cause de ses péchés qu’il est infirme. Jésus fait exploser l’ancienne conception selon laquelle celui qui souffre était considéré comme un pécheur. Il faut remarquer l’ordre significatif dans lequel Jésus fait les choses ; il commence par libérer l’homme de ses péchés, afin de bien montrer que sa maladie n’en est pas la conséquence ; puis, dans un deuxième temps, il guérit la maladie du corps. In fine, ce qui est important, c’est que l’homme est libéré spirituellement et physiquement. Jésus apparaît comme ayant l’autorité pour commander tous les maux, les combattre et les guérir.

Pourtant, l’action de Jésus est qualifiée de « blasphème » par les plus savants et les soi-disant plus pieux en Israël. Pourquoi donc les Pharisiens et les Docteurs de la Loi sont-ils si profondément scandalisés ? Ce n’est pas leur manque de compassion qui est pointé ici. Ces personnes connaissent les Écritures et savent que Dieu seul a le pouvoir de pardonner leurs péchés aux hommes.

« Il ne nous traite pas selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses. 11 Comme est la hauteur des cieux sur la terre, puissant est son amour pour qui le craint ; 12 comme est loin l’orient de l’occident, il éloigne de nous nos péchés. » (Ps 103, 10‑12)
« Si tu retiens les fautes, YHWH, Seigneur, qui subsistera ? 4 Mais le pardon est près de toi, pour que demeure ta crainte. » (Ps 130, 3‑4)
« Allons ! Discutons ! dit YHWH. Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, comme neige ils blanchiront ; quand ils seraient rouges comme la pourpre, comme laine ils deviendront. » (Is 1, 18)
« C’est moi, moi, qui efface tes crimes par égard pour moi, et je ne me souviendrai plus de tes fautes. » (Is 43, 25)
16f9a8_50bb933160b548d9a21a1988e1639b48mv2

Rouleau d'Isaïe, Qumran, avec le verset d'Is 45,25.

Je vais pardonner leur crime et ne plus me souvenir de leur péché. » (Jr 31, 34)
« Quel est le dieu comme toi, qui enlève la faute, qui pardonne le crime, qui n’exaspère pas pour toujours sa colère, mais qui prend plaisir à faire grâce ? 19 Une fois de plus, aie pitié de nous ! foule aux pieds nos fautes, jette au fond de la mer tous nos péchés ! » (Mi 7, 18‑19)

Le fait que Jésus puisse libérer quelqu’un de ses péchés revient à se faire l’égal de Dieu. Voilà le blasphème ! On lira ce reproche ailleurs dans les évangiles : « Comment, toi qui es homme, te fais-tu l’égal de Dieu ?! » Les Pharisiens n’ont pas encore saisi que Jésus est le Fils de Dieu, doté d’une autorité divine. Pourtant, c’est notamment cela que ce miracle vise à montrer. On comprend mieux pourquoi les assistants à la scène sont remplis de stupeur et de crainte, s’exclamant : « Nous avons vu aujourd’hui des choses extraordinaires. »

Cet « extraordinaire » nous est offert à nous également, – « aujourd’hui » comme le précise saint Luc -, notamment dans la célébration de la messe, lorsque nous commençons par confesser que nous sommes pécheurs. Le rite pénitentiel de la célébration a le pouvoir de pardonner tous les péchés véniels.

Je confesse à Dieu tout-puissant, Je reconnais devant vous, frères et sœurs, que j’ai péché en pensée, en parole, par action et par omission ; oui, j’ai vraiment péché. C’est pourquoi je supplie la bienheureuse Vierge Marie, les anges et tous les saints, et vous aussi, frères et sœurs, de prier pour moi le Seigneur notre Dieu.

La guérison nous est donc offerte à nous-aussi, aujourd’hui ! Sachons voir l’extraordinaire à travers cette partie introductive de la messe qui nous fait de nous des hommes et des femmes guéris.

Un texte bien connu de nos évangiles ne devrait pourtant cesser de nous surprendre. Un jour, à Capharnaüm, on amène un homme paralysé sur une civière devant Jésus en le faisant descendre à travers le toit. Que va faire Jésus? Le guérir? Pas immédiatement. Il va d’abord prononcer une parole qui va provoquer la colère des Pharisiens et Docteurs de la Loi: « tes péchés te sont pardonnés ». Quelle est la portée de cette phrase?

Or, un jour qu’il était en train d’enseigner, il y avait dans l’assistance des Pharisiens et des docteurs de la loi qui étaient venus de tous les villages de Galilée et de Judée ainsi que de Jérusalem ; et la puissance du Seigneur était à l’œuvre pour lui faire opérer des guérisons. Survinrent des gens portant sur une civière un homme qui était paralysé ; ils cherchaient à le faire entrer et à le placer devant lui ; et comme, à cause de la foule, ils ne voyaient pas par où le faire entrer, ils montèrent sur le toit et, au travers des tuiles, ils le firent descendre avec sa civière en plein milieu, devant Jésus. Voyant leur foi, il dit : « Tes péchés te sont pardonnés. » Les scribes et les Pharisiens se mirent à raisonner : « Quel est cet homme qui dit des blasphèmes ? Qui peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? » Mais Jésus, connaissant leurs raisonnements, leur rétorqua : « Pourquoi raisonnez-vous dans vos cœurs ? Qu’y a-t-il de plus facile, de dire : “Tes péchés te sont pardonnés” ou bien de dire : “Lève-toi et marche” ? Eh bien, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre autorité pour pardonner les péchés, – il dit au paralysé : “Je te dis, lève-toi, prends ta civière et va dans ta maison.” » A l’instant, celui-ci se leva devant eux, il prit ce qui lui servait de lit et il partit pour sa maison en rendant gloire à Dieu. La stupeur les saisit tous et ils rendaient gloire à Dieu ; remplis de crainte, ils disaient : « Nous avons vu aujourd’hui des choses extraordinaires. » (Lc 5,17-26)
16f9a8_c4732b8f1830459fa3fb42ecc0dd0e90mv2

Foule à Nebi Mousa, le lieu de mémoire de l'enterrement de Moïse, à l'ouest de Jéricho, lors d'un pèlerinage musulman, vers 1900-1920. Photo: BiblePlaces


Tout d’abord, c’est l’initiative de Jésus qui surprend. Le paralysé n’a rien demandé – il est d’ailleurs possible que sa maladie l’empêche de parler -, mais le lecteur imagine que si cet homme est amené devant Jésus, c’est pour être guéri de sa maladie physique. Notre passage commence justement en rappelant que Jésus faisait des guérisons. Pourtant, Jésus semble a priori vouloir faire tout autre chose : lui assurer le pardon de ses péchés. On peut se demander en quoi ce pardon des péchés pourrait être utile ou bénéfique pour un homme qui a perdu toute autonomie. De plus, la maladie fait de cet homme un paria de la société ; la maladie étant interprétée comme un châtiment divin à cause des péchés commis. Aux yeux des Pharisiens et des Docteurs de la Loi, l’homme paralysé souffrait ainsi d’un double mal : physique et spirituel. Surtout, il n’était pas innocent : il méritait son sort.

capture-decran-2024-08-02-140608

Reconstitution d'une maison vers 1000 av. J.-C., près de Tell Qasile. Photo: BiblePlaces


Comment Jésus agit-il face au statut particulièrement délicat de cet homme ? Il témoigne de la puissance divine qui est à l’œuvre en lui en commençant par affirmer que les péchés de cet homme sont pardonnés. Ce n’est donc pas à cause de ses péchés qu’il est infirme. Jésus fait exploser l’ancienne conception selon laquelle celui qui souffre était considéré comme un pécheur. Il faut remarquer l’ordre significatif dans lequel Jésus fait les choses ; il commence par libérer l’homme de ses péchés, afin de bien montrer que sa maladie n’en est pas la conséquence ; puis, dans un deuxième temps, il guérit la maladie du corps. In fine, ce qui est important, c’est que l’homme est libéré spirituellement et physiquement. Jésus apparaît comme ayant l’autorité pour commander tous les maux, les combattre et les guérir.

Pourtant, l’action de Jésus est qualifiée de « blasphème » par les plus savants et les soi-disant plus pieux en Israël. Pourquoi donc les Pharisiens et les Docteurs de la Loi sont-ils si profondément scandalisés ? Ce n’est pas leur manque de compassion qui est pointé ici. Ces personnes connaissent les Écritures et savent que Dieu seul a le pouvoir de pardonner leurs péchés aux hommes.

« Il ne nous traite pas selon nos fautes, ne nous rend pas selon nos offenses. 11 Comme est la hauteur des cieux sur la terre, puissant est son amour pour qui le craint ; 12 comme est loin l’orient de l’occident, il éloigne de nous nos péchés. » (Ps 103, 10‑12)
« Si tu retiens les fautes, YHWH, Seigneur, qui subsistera ? 4 Mais le pardon est près de toi, pour que demeure ta crainte. » (Ps 130, 3‑4)
« Allons ! Discutons ! dit YHWH. Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, comme neige ils blanchiront ; quand ils seraient rouges comme la pourpre, comme laine ils deviendront. » (Is 1, 18)
« C’est moi, moi, qui efface tes crimes par égard pour moi, et je ne me souviendrai plus de tes fautes. » (Is 43, 25)
16f9a8_50bb933160b548d9a21a1988e1639b48mv2

Rouleau d'Isaïe, Qumran, avec le verset d'Is 45,25.

Je vais pardonner leur crime et ne plus me souvenir de leur péché. » (Jr 31, 34)
« Quel est le dieu comme toi, qui enlève la faute, qui pardonne le crime, qui n’exaspère pas pour toujours sa colère, mais qui prend plaisir à faire grâce ? 19 Une fois de plus, aie pitié de nous ! foule aux pieds nos fautes, jette au fond de la mer tous nos péchés ! » (Mi 7, 18‑19)

Le fait que Jésus puisse libérer quelqu’un de ses péchés revient à se faire l’égal de Dieu. Voilà le blasphème ! On lira ce reproche ailleurs dans les évangiles : « Comment, toi qui es homme, te fais-tu l’égal de Dieu ?! » Les Pharisiens n’ont pas encore saisi que Jésus est le Fils de Dieu, doté d’une autorité divine. Pourtant, c’est notamment cela que ce miracle vise à montrer. On comprend mieux pourquoi les assistants à la scène sont remplis de stupeur et de crainte, s’exclamant : « Nous avons vu aujourd’hui des choses extraordinaires. »

Cet « extraordinaire » nous est offert à nous également, – « aujourd’hui » comme le précise saint Luc -, notamment dans la célébration de la messe, lorsque nous commençons par confesser que nous sommes pécheurs. Le rite pénitentiel de la célébration a le pouvoir de pardonner tous les péchés véniels.

Je confesse à Dieu tout-puissant, Je reconnais devant vous, frères et sœurs, que j’ai péché en pensée, en parole, par action et par omission ; oui, j’ai vraiment péché. C’est pourquoi je supplie la bienheureuse Vierge Marie, les anges et tous les saints, et vous aussi, frères et sœurs, de prier pour moi le Seigneur notre Dieu.

La guérison nous est donc offerte à nous-aussi, aujourd’hui ! Sachons voir l’extraordinaire à travers cette partie introductive de la messe qui nous fait de nous des hommes et des femmes guéris.