Le deuxième évangile, l’évangile de Marc, a plusieurs caractéristiques qui le rendent unique par rapport aux autres. Tout d’abord, il est le plus court des quatre. Il est aussi le plus ancien, c’est-à-dire celui qui a été mis par écrit au plus près de la mort et résurrection de Jésus. Surtout, il s’agit d’un évangile plein de rebondissements et de suspens. Marc ne craint pas de déstabiliser ses lecteurs en leur présentant les difficultés et les paradoxes de la foi en Christ.
Qui était Marc ?
Marc est un homme qui a été saisi par l’événement Jésus-Christ. Peut-être même est-il le jeune homme qui n’avait pour tout vêtement qu’un drap, lors de l’arrestation de Jésus au jardin des Oliviers: l’arrestation de Jésus au jardin des Oliviers:
Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous. Or, un jeune homme suivait Jésus ; il n’avait pour tout vêtement qu’un drap. On essaya de l’arrêter. Mais lui, lâchant le drap, s’enfuit tout nu. (Mc 14,50-52) l’arrêter. Mais lui, lâchant le drap, s’enfuit tout nu. (Mc 14,50-52)
Il s’agit peut-être là de la signature de son œuvre… Alors que tous avaient fui, Marc serait le dernier témoin. On sait que la première communauté se réunissait chez ses parents, d’après les Actes des Apôtres: réunissait chez ses parents, d’après les Actes des Apôtres:
S’étant repéré, Pierre se rendit à la maison de Marie, la mère de Jean surnommé Marc, où se trouvaient rassemblées un certain nombre de personnes qui priaient. (Ac 12,12)
Il n’est pas impossible que Jésus soit ici chez les parents de Marc. Marc est aussi le compagnon malheureux de Paul:
Quelque temps après, Paul dit à Barnabé : « Retournons donc visiter les frères en chacune des villes où nous avons annoncé la parole du Seigneur, pour voir où ils en sont. » Barnabé voulait emmener aussi pour voir où ils en sont. » Barnabé voulait emmener aussi Jean appelé Marc. Mais Paul n’était pas d’avis d’emmener cet homme, qui les avait quittés à partir de la Pamphylie et ne les avait plus accompagnés dans leur tâche. L’exaspération devint telle qu’ils se séparèrent l’un de l’ tâche. L’exaspération devint telle qu’ils se séparèrent l’un de l’autre. Barnabé emmena Marc et s’embarqua pour Chypre. (Ac 15,36-39)
Marc devient ensuite le secrétaire de Pierre à Rome, où il décide d’écrire son évangile. Pierre parle de Marc comme de son fils:
La communauté qui est à Babylone, choisie comme vous par Dieu, vous salue, ainsi que Marc, mon fils. Saluez-vous les uns les autres par un baiser fraternel. Paix à vous tous, qui êtes dans le Christ. (1 Pierre 5,13-14)
Marc a donc non seulement écrit, mais il a d’abord été un évangélisateur.
Quand écrit-il?
Marc écrit en grec. S’il avait écrit au lendemain de la résurrection, il aurait probablement écrit en araméen pour les siens. Mais il a fait l’expérience que cet événement est pour événement est pour tous. Il emploie donc la langue qui permet une diffusion internationale à l’époque, le grec. Le grec ne semble pas être sa spécialité, car son style est assez maladroit. Ce qui est certain, c’ son style est assez maladroit. Ce qui est certain, c’est que Marc veut faire passer son évangile dans le monde entier. passer son évangile dans le monde entier.
L’épisode qui donne un indice pour la datation de l’évangile est le chapitre 13 avec le grand discours qui annonce la fin des temps. Le discours ressemble à un discours d’adieu. La période décrite est si trouble qu’elle fait penser à la révolte juive de 66-70 qui se termine par la destruction du Temple et la prise de Jérusalem par Titus. L’évangile a pu être écrit juste avant ou juste après, c’est-à-dire aux alentours de l’année 70. Il s’agit donc du plus ancien des quatre évangiles. Pour découvrir ce contexte historique, accédez à notre page d’histoire en cliquant ici.
Pourquoi Marc écrit-il un évangile ?
L’objectif de Marc est que tout lecteur puisse s’attacher au protagoniste du récit qu’il va faire, au point d’en devenir disciple et au point que cela change sa vie! La spécificité de Marc est donc d’être un parcours de conversion pour se mettre à la suite du maître. Marc veut donner à son lecteur les moyens de devenir disciple de Jésus.
Pour cette raison, il choisit un genre littéraire qui permet au lecteur de s’attacher au héros: le genre « évangile ».
Pour rédiger son évangile, Marc dispose premièrement du kérigme, c’est-à-dire ce qui constitue le noyau central de la foi chrétienne: la conviction que Christ est mort et ressuscité pour le salut des hommes. Voici le contenu kérigme, tel qu’il est formulé par Paul:
Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, il est apparu à Pierre, puis aux Douze. (1 Co 15,3-5)
Marc dispose également d’un récit de la passion qui est déjà présent dans la tradition liturgique et catéchétique.
Néanmoins, il y a un grand défi à relever. Jésus n’a rien d’un héros à la manière hellénistique du terme. Sa vie n’a pas réussi. Elle se termine sur une croix. Les grands personnages ont leur biographie, mais comment écrire la biographie d’un homme dont l’échec est patent ? Tous ses amis l’ont abandonné… dix lâches… un traître… Seules quelques femmes sont les premières à témoigner de sa résurrection… Bref, la situation est pathétique.
Comment et pourquoi transcrire un échec?
Voilà le défi que Marc veut relever: écrire la biographie de Jésus comme on le faisait à l’époque pour les personnages importants. Néanmoins, il garde l’échec de son héros au cœur de sa théologie. Il maintient cette logique de l’échec jusqu’à la fin. Cela explique sa fin d’évangile si abrupte qui s’arrête sur les mors suivants:
Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. (Mc 16,8)
En effet, la suite du chapitre 16, avec les récits d’apparition du ressuscité, n’appartenait pas originellement à l’évangile; elle a été rajoutée postérieurement pour s’aligner sur les autres évangiles et sans doute pour finir sur une une plus positive.
Pourquoi arrêter l’évangile sur la peur et le silence des femmes? Parce que Marc propose un itinéraire performatif qui permet de suivre Jésus jusqu’à la croix. C’est pour cela que Marc raconte la vie de Jésus comme une seule grande montée à Jérusalem (bien qu’on sait que Jésus y est allé plusieurs fois). Pourtant, tout ne s’arrête pas avec la croix… Où et comment rencontrer le ressuscité si Marc ne rapporte pas les apparitions?
Le rendez-vous en Galilée
Une autre raison à la fin si abrupte de l’évangile de Marc est de nous faire comprendre que la rencontre avec le ressuscité se fait en dehors du récit. Marc fait donc le choix de ne pas raconter les apparitions du ressuscité. En effet, cela n’est pas nécessaire, puisque Jésus avait annoncé aux disciples qu’il les retrouverait en Galilée. Sa parole suffit. Sa promesse suffit. Les retrouvailles des disciples avec le ressuscité ne sont donc pas rapportées dans l’évangile. Jésus ressuscité nous donne rendez-vous, à chacun, en Galilée. Qu’est-ce que cela veut dire?
La Galilée représente un nouveau début, puisque c’est là qu’avait commencé l’aventure avec Jésus au tout début de l’évangile. C’est là que Jésus avait appelé ses disciples, qu’il les avait formé et entraîné. Jésus nous attend aujourd’hui à nouveau en Galilée pour que nous re-vivions et re-parcourions tout l’évangile à ses côtés. Revenir en Galilée, cela signifie faire une relecture de nos vies. Ré-ouvrir l’évangile depuis le début, sans cesse, en commençant par la Galilée où tout re-commence. C’est ainsi que nous rencontrons quotidiennement le ressuscité.
Pour aller plus loin
Si vous êtes décidé à découvrir cet évangile, je vous invite à le faire à travers les cinq vidéos de mon collègue et ami Philippe Levé, bibliste. Il s’agit d’une étude à la fois accessible et approfondie qui montre la cohérence de l’évangile de Marc dans son entier.
Tout en bas de ce post, vous trouverez également un plan de l’évangile de Marc qui vous permettra de vous repérer dans le commentaire.
Bon travail!
Premier entretien : présentation générale et prologue de l’évangile
Deuxième entretien : géographie de Mc et débuts du ministère, discours en parabole, gestes de puissance (Mc 1,16-6,6a)
Troisième entretien : section des pains et section du chemin (Mc 6,6b – 10,52)
Quatrième entretien : à Jérusalem, passion, crucifixion et mise au tombeau de Jésus (Mc 11-15). Voir notamment la première demi-heure, qui montre la place centrale de la parabole des vignerons homicides en Mc 11-12 , d’un côté, avec de part et d’autre la reprise de la question de l’origine de l’autorité de Jésus de l’autre. Puis les vingt dernières minutes de ce quatrième entretien, qui essaient de montrer visuellement comment Mc a focalisé tout son récit sur la croix.
Cinquième entretien: finale de l’évangile et reprise (Mc 16). Cet entretien conclusif est la clé de compréhension de l’ensemble du récit. C’est aussi une invitation à se « laisser surprendre »!
Plan de l’évangile de Marc – (source: J.-P. Fabre)
Introduction (1,1-13). Triptyque qui montre Jean-Baptiste prêchant (1,1-8), Jésus baptisé et proclamé Fils de Dieu (1,9-11) puis tenté pendant quarante jours (1,12-13).
I. LE MYSTÈRE DU MESSIE (1,14-8,30)
Trois sections commençant chacune par un sommaire sur l’activité de Jésus et par un récit concernant les disciples, finissant chacune par la mention de l’attitude prise à l’égard de Jésus.
Jésus et le peuple (1,14–3,6)
-
Introduction. Sommaire sur la prédication du royaume de Dieu (1,14-15) et appel des premiers disciples (1,16-20).
-
Une journée de ministère à Capharnaüm (1,21-38), achevée par un sommaire (1,39) et un appendice (guérison d’un lépreux : 1,40-44), suivie d’un sommaire (1,45).
-
Cinq controverses et quelques récits (2,1–3,5).
-
Conclusion : les pharisiens décident la mort de Jésus (3,6).
Jésus et les siens (3,7–6,6)
-
Introduction. Sommaire sur les guérisons et les exorcismes (3,7-12) et institution des Douze (3,13-19).
-
Récits. Jésus est pris pour un fou, un démoniaque. Il proclame la fin de l’empire du démon, menace les incrédules et déclare quelle est sa vraie famille (3,20-35).
-
Paraboles (4,1-34).
-
Trois grands miracles : Tempête, démoniaque de Gérasa, hémorroïsse et fille de Jaïre (4,35-5,43).
-
Conclusion. Jésus méconnu chez les siens (6,1-6).
Jésus et ses disciples (6,6-8,30)
-
Introduction. Sommaire sur l’enseignement de Jésus (6,6), mission et retour des Douze (6,6-13.30), encadrant le récit de l’inquiétude d’Hérode au sujet de Jésus et celui de la mort de Jean (6,14-29).
-
Première multiplication des pains (6,31-44), suivie de deux miracles (6,31-56), d’une discussion sur les traditions pharisaïques et d’un enseignement sur le pur et l’impur (7,1-23), de deux miracles (7,24-37) qui pourraient être joints à ce qui suit.
Seconde multiplication des pains (8,1-10), suivie d’une discussion avec les pharisiens (8,11-13), d’un enseignement aux disciples (8, 14-21) et de la guérison de l’aveugle de Bethsaïde (8,22-26).
Pivot central (qui forme inclusion avec 6,14-16 et 1,1 et qui commence la seconde partie) : confession de Pierre, secret exigé par Jésus (8,27-30).
II. LE MYSTÈRE DU FILS DE L’HOMME (8,31-16,8)
Introduction : Jésus et les disciples : Tu es le Christ ! (8,27-30) (charnière de l’évangile qui achève la première partie et introduit la seconde) confession de Pierre, secret exigé par Jésus.
Le chemin du Fils de l’homme (8,31–10,52)
Il est jalonné par les trois annonces du sort du Fils de l’homme suivie chacune par un enseignement sur le sort des disciples.
-
Première annonce, rejetée par Pierre (8,31-33), et enseignement (8,34-9,1) : Complément : Transfiguration et entretien sur Élie (9, 2-13), guérison du démoniaque épileptique (9,14-29).
-
Deuxième annonce, en route à travers la Galilée (9,30-32), et enseignement sur le service, avec quelques logia (9,33-50). Compléments catéchétiques d’enseignement supérieur, en Transjordanie (amorce géographique de la montée à Jérusalem) : sur le divorce, les enfants, les richesses, la récompense des disciples (10,1-31).
-
Troisième annonce, en montant à Jérusalem (10,32-34), et enseignement à l’occasion des fils de Zébédée (10,35-45). Complément : le Fils de David proclamé par l’aveugle de Jéricho (10,46-52).
Le jugement de Jérusalem (11,1-13,37)
-
Jugement en acte et en paroles. Entrée messianique à Jérusalem (11,1-11), les vendeurs chassés du Temple (11,15-19), récit encadré par celui du figuier desséché (11,12-14.20-25). Discussion sur l’autorité (11,27-33) conclue par la parabole des vignerons homicides (12,1-12).
-
Trois controverses et un enseignement. L’impôt dû à César, la résurrection des morts, le premier commandement, le Christ fils et seigneur de David, avec la conclusion « Méfiez-vous des scribes ! » et un appendice sur l’obole de la pauvre veuve (12,13-44).
-
La ruine du Temple et la fin du monde (13,1-37).
La Passion et la Résurrection (14,1-16,8)
-
Introduction. Le complot et la trahison, encadrant l’onction de Béthanie qui met au cœur du drame (14,1-11).
-
Dans le secret. Préparation « sacramentelle » du sacrifice et prière à Gethsémani en vue de l’heure (14,12-42).
-
En public. Jésus est arrêté (14,43-52), condamné comme Messie par les Juifs (14,53-15,1) et comme Roi par les païens (15,2-20) ; crucifié, il meurt (15,21-41) et est enseveli (15,42-47).
-
Épilogue. Le tombeau vide (16,1-8).
-
Appendice. Les apparitions du Ressuscité (16,9-20).
Le deuxième évangile, l’évangile de Marc, a plusieurs caractéristiques qui le rendent unique par rapport aux autres. Tout d’abord, il est le plus court des quatre. Il est aussi le plus ancien, c’est-à-dire celui qui a été mis par écrit au plus près de la mort et résurrection de Jésus. Surtout, il s’agit d’un évangile plein de rebondissements et de suspens. Marc ne craint pas de déstabiliser ses lecteurs en leur présentant les difficultés et les paradoxes de la foi en Christ.
Qui était Marc ?
Marc est un homme qui a été saisi par l’événement Jésus-Christ. Peut-être même est-il le jeune homme qui n’avait pour tout vêtement qu’un drap, lors de l’arrestation de Jésus au jardin des Oliviers: l’arrestation de Jésus au jardin des Oliviers:
Les disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous. Or, un jeune homme suivait Jésus ; il n’avait pour tout vêtement qu’un drap. On essaya de l’arrêter. Mais lui, lâchant le drap, s’enfuit tout nu. (Mc 14,50-52) l’arrêter. Mais lui, lâchant le drap, s’enfuit tout nu. (Mc 14,50-52)
Il s’agit peut-être là de la signature de son œuvre… Alors que tous avaient fui, Marc serait le dernier témoin. On sait que la première communauté se réunissait chez ses parents, d’après les Actes des Apôtres: réunissait chez ses parents, d’après les Actes des Apôtres:
S’étant repéré, Pierre se rendit à la maison de Marie, la mère de Jean surnommé Marc, où se trouvaient rassemblées un certain nombre de personnes qui priaient. (Ac 12,12)
Il n’est pas impossible que Jésus soit ici chez les parents de Marc. Marc est aussi le compagnon malheureux de Paul:
Quelque temps après, Paul dit à Barnabé : « Retournons donc visiter les frères en chacune des villes où nous avons annoncé la parole du Seigneur, pour voir où ils en sont. » Barnabé voulait emmener aussi pour voir où ils en sont. » Barnabé voulait emmener aussi Jean appelé Marc. Mais Paul n’était pas d’avis d’emmener cet homme, qui les avait quittés à partir de la Pamphylie et ne les avait plus accompagnés dans leur tâche. L’exaspération devint telle qu’ils se séparèrent l’un de l’ tâche. L’exaspération devint telle qu’ils se séparèrent l’un de l’autre. Barnabé emmena Marc et s’embarqua pour Chypre. (Ac 15,36-39)
Marc devient ensuite le secrétaire de Pierre à Rome, où il décide d’écrire son évangile. Pierre parle de Marc comme de son fils:
La communauté qui est à Babylone, choisie comme vous par Dieu, vous salue, ainsi que Marc, mon fils. Saluez-vous les uns les autres par un baiser fraternel. Paix à vous tous, qui êtes dans le Christ. (1 Pierre 5,13-14)
Marc a donc non seulement écrit, mais il a d’abord été un évangélisateur.
Quand écrit-il?
Marc écrit en grec. S’il avait écrit au lendemain de la résurrection, il aurait probablement écrit en araméen pour les siens. Mais il a fait l’expérience que cet événement est pour événement est pour tous. Il emploie donc la langue qui permet une diffusion internationale à l’époque, le grec. Le grec ne semble pas être sa spécialité, car son style est assez maladroit. Ce qui est certain, c’ son style est assez maladroit. Ce qui est certain, c’est que Marc veut faire passer son évangile dans le monde entier. passer son évangile dans le monde entier.
L’épisode qui donne un indice pour la datation de l’évangile est le chapitre 13 avec le grand discours qui annonce la fin des temps. Le discours ressemble à un discours d’adieu. La période décrite est si trouble qu’elle fait penser à la révolte juive de 66-70 qui se termine par la destruction du Temple et la prise de Jérusalem par Titus. L’évangile a pu être écrit juste avant ou juste après, c’est-à-dire aux alentours de l’année 70. Il s’agit donc du plus ancien des quatre évangiles. Pour découvrir ce contexte historique, accédez à notre page d’histoire en cliquant ici.
Pourquoi Marc écrit-il un évangile ?
L’objectif de Marc est que tout lecteur puisse s’attacher au protagoniste du récit qu’il va faire, au point d’en devenir disciple et au point que cela change sa vie! La spécificité de Marc est donc d’être un parcours de conversion pour se mettre à la suite du maître. Marc veut donner à son lecteur les moyens de devenir disciple de Jésus.
Pour cette raison, il choisit un genre littéraire qui permet au lecteur de s’attacher au héros: le genre « évangile ».
Pour rédiger son évangile, Marc dispose premièrement du kérigme, c’est-à-dire ce qui constitue le noyau central de la foi chrétienne: la conviction que Christ est mort et ressuscité pour le salut des hommes. Voici le contenu kérigme, tel qu’il est formulé par Paul:
Avant tout, je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu : le Christ est mort pour nos péchés conformément aux Écritures, et il fut mis au tombeau ; il est ressuscité le troisième jour conformément aux Écritures, il est apparu à Pierre, puis aux Douze. (1 Co 15,3-5)
Marc dispose également d’un récit de la passion qui est déjà présent dans la tradition liturgique et catéchétique.
Néanmoins, il y a un grand défi à relever. Jésus n’a rien d’un héros à la manière hellénistique du terme. Sa vie n’a pas réussi. Elle se termine sur une croix. Les grands personnages ont leur biographie, mais comment écrire la biographie d’un homme dont l’échec est patent ? Tous ses amis l’ont abandonné… dix lâches… un traître… Seules quelques femmes sont les premières à témoigner de sa résurrection… Bref, la situation est pathétique.
Comment et pourquoi transcrire un échec?
Voilà le défi que Marc veut relever: écrire la biographie de Jésus comme on le faisait à l’époque pour les personnages importants. Néanmoins, il garde l’échec de son héros au cœur de sa théologie. Il maintient cette logique de l’échec jusqu’à la fin. Cela explique sa fin d’évangile si abrupte qui s’arrête sur les mors suivants:
Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. (Mc 16,8)
En effet, la suite du chapitre 16, avec les récits d’apparition du ressuscité, n’appartenait pas originellement à l’évangile; elle a été rajoutée postérieurement pour s’aligner sur les autres évangiles et sans doute pour finir sur une une plus positive.
Pourquoi arrêter l’évangile sur la peur et le silence des femmes? Parce que Marc propose un itinéraire performatif qui permet de suivre Jésus jusqu’à la croix. C’est pour cela que Marc raconte la vie de Jésus comme une seule grande montée à Jérusalem (bien qu’on sait que Jésus y est allé plusieurs fois). Pourtant, tout ne s’arrête pas avec la croix… Où et comment rencontrer le ressuscité si Marc ne rapporte pas les apparitions?
Le rendez-vous en Galilée
Une autre raison à la fin si abrupte de l’évangile de Marc est de nous faire comprendre que la rencontre avec le ressuscité se fait en dehors du récit. Marc fait donc le choix de ne pas raconter les apparitions du ressuscité. En effet, cela n’est pas nécessaire, puisque Jésus avait annoncé aux disciples qu’il les retrouverait en Galilée. Sa parole suffit. Sa promesse suffit. Les retrouvailles des disciples avec le ressuscité ne sont donc pas rapportées dans l’évangile. Jésus ressuscité nous donne rendez-vous, à chacun, en Galilée. Qu’est-ce que cela veut dire?
La Galilée représente un nouveau début, puisque c’est là qu’avait commencé l’aventure avec Jésus au tout début de l’évangile. C’est là que Jésus avait appelé ses disciples, qu’il les avait formé et entraîné. Jésus nous attend aujourd’hui à nouveau en Galilée pour que nous re-vivions et re-parcourions tout l’évangile à ses côtés. Revenir en Galilée, cela signifie faire une relecture de nos vies. Ré-ouvrir l’évangile depuis le début, sans cesse, en commençant par la Galilée où tout re-commence. C’est ainsi que nous rencontrons quotidiennement le ressuscité.
Pour aller plus loin
Si vous êtes décidé à découvrir cet évangile, je vous invite à le faire à travers les cinq vidéos de mon collègue et ami Philippe Levé, bibliste. Il s’agit d’une étude à la fois accessible et approfondie qui montre la cohérence de l’évangile de Marc dans son entier.
Tout en bas de ce post, vous trouverez également un plan de l’évangile de Marc qui vous permettra de vous repérer dans le commentaire.
Bon travail!
Premier entretien : présentation générale et prologue de l’évangile
Deuxième entretien : géographie de Mc et débuts du ministère, discours en parabole, gestes de puissance (Mc 1,16-6,6a)
Troisième entretien : section des pains et section du chemin (Mc 6,6b – 10,52)
Quatrième entretien : à Jérusalem, passion, crucifixion et mise au tombeau de Jésus (Mc 11-15). Voir notamment la première demi-heure, qui montre la place centrale de la parabole des vignerons homicides en Mc 11-12 , d’un côté, avec de part et d’autre la reprise de la question de l’origine de l’autorité de Jésus de l’autre. Puis les vingt dernières minutes de ce quatrième entretien, qui essaient de montrer visuellement comment Mc a focalisé tout son récit sur la croix.
Cinquième entretien: finale de l’évangile et reprise (Mc 16). Cet entretien conclusif est la clé de compréhension de l’ensemble du récit. C’est aussi une invitation à se « laisser surprendre »!
Plan de l’évangile de Marc – (source: J.-P. Fabre)
Introduction (1,1-13). Triptyque qui montre Jean-Baptiste prêchant (1,1-8), Jésus baptisé et proclamé Fils de Dieu (1,9-11) puis tenté pendant quarante jours (1,12-13).
I. LE MYSTÈRE DU MESSIE (1,14-8,30)
Trois sections commençant chacune par un sommaire sur l’activité de Jésus et par un récit concernant les disciples, finissant chacune par la mention de l’attitude prise à l’égard de Jésus.
Jésus et le peuple (1,14–3,6)
-
Introduction. Sommaire sur la prédication du royaume de Dieu (1,14-15) et appel des premiers disciples (1,16-20).
-
Une journée de ministère à Capharnaüm (1,21-38), achevée par un sommaire (1,39) et un appendice (guérison d’un lépreux : 1,40-44), suivie d’un sommaire (1,45).
-
Cinq controverses et quelques récits (2,1–3,5).
-
Conclusion : les pharisiens décident la mort de Jésus (3,6).
Jésus et les siens (3,7–6,6)
-
Introduction. Sommaire sur les guérisons et les exorcismes (3,7-12) et institution des Douze (3,13-19).
-
Récits. Jésus est pris pour un fou, un démoniaque. Il proclame la fin de l’empire du démon, menace les incrédules et déclare quelle est sa vraie famille (3,20-35).
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Paraboles (4,1-34).
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Trois grands miracles : Tempête, démoniaque de Gérasa, hémorroïsse et fille de Jaïre (4,35-5,43).
-
Conclusion. Jésus méconnu chez les siens (6,1-6).
Jésus et ses disciples (6,6-8,30)
-
Introduction. Sommaire sur l’enseignement de Jésus (6,6), mission et retour des Douze (6,6-13.30), encadrant le récit de l’inquiétude d’Hérode au sujet de Jésus et celui de la mort de Jean (6,14-29).
-
Première multiplication des pains (6,31-44), suivie de deux miracles (6,31-56), d’une discussion sur les traditions pharisaïques et d’un enseignement sur le pur et l’impur (7,1-23), de deux miracles (7,24-37) qui pourraient être joints à ce qui suit.
Seconde multiplication des pains (8,1-10), suivie d’une discussion avec les pharisiens (8,11-13), d’un enseignement aux disciples (8, 14-21) et de la guérison de l’aveugle de Bethsaïde (8,22-26).
Pivot central (qui forme inclusion avec 6,14-16 et 1,1 et qui commence la seconde partie) : confession de Pierre, secret exigé par Jésus (8,27-30).
II. LE MYSTÈRE DU FILS DE L’HOMME (8,31-16,8)
Introduction : Jésus et les disciples : Tu es le Christ ! (8,27-30) (charnière de l’évangile qui achève la première partie et introduit la seconde) confession de Pierre, secret exigé par Jésus.
Le chemin du Fils de l’homme (8,31–10,52)
Il est jalonné par les trois annonces du sort du Fils de l’homme suivie chacune par un enseignement sur le sort des disciples.
-
Première annonce, rejetée par Pierre (8,31-33), et enseignement (8,34-9,1) : Complément : Transfiguration et entretien sur Élie (9, 2-13), guérison du démoniaque épileptique (9,14-29).
-
Deuxième annonce, en route à travers la Galilée (9,30-32), et enseignement sur le service, avec quelques logia (9,33-50). Compléments catéchétiques d’enseignement supérieur, en Transjordanie (amorce géographique de la montée à Jérusalem) : sur le divorce, les enfants, les richesses, la récompense des disciples (10,1-31).
-
Troisième annonce, en montant à Jérusalem (10,32-34), et enseignement à l’occasion des fils de Zébédée (10,35-45). Complément : le Fils de David proclamé par l’aveugle de Jéricho (10,46-52).
Le jugement de Jérusalem (11,1-13,37)
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Jugement en acte et en paroles. Entrée messianique à Jérusalem (11,1-11), les vendeurs chassés du Temple (11,15-19), récit encadré par celui du figuier desséché (11,12-14.20-25). Discussion sur l’autorité (11,27-33) conclue par la parabole des vignerons homicides (12,1-12).
-
Trois controverses et un enseignement. L’impôt dû à César, la résurrection des morts, le premier commandement, le Christ fils et seigneur de David, avec la conclusion « Méfiez-vous des scribes ! » et un appendice sur l’obole de la pauvre veuve (12,13-44).
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La ruine du Temple et la fin du monde (13,1-37).
La Passion et la Résurrection (14,1-16,8)
-
Introduction. Le complot et la trahison, encadrant l’onction de Béthanie qui met au cœur du drame (14,1-11).
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Dans le secret. Préparation « sacramentelle » du sacrifice et prière à Gethsémani en vue de l’heure (14,12-42).
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En public. Jésus est arrêté (14,43-52), condamné comme Messie par les Juifs (14,53-15,1) et comme Roi par les païens (15,2-20) ; crucifié, il meurt (15,21-41) et est enseveli (15,42-47).
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Épilogue. Le tombeau vide (16,1-8).
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Appendice. Les apparitions du Ressuscité (16,9-20).