C’est de Béthanie et de Bethphagé (Mc 11,1) que le fils de David, c’est-à-dire celui que la foule reconnaît comme le roi-messie attendu, fait son entrée dans la ville sainte. L’arrivée à Jérusalem est l’aboutissement d’une montée, une montée à la fois géographique – puisqu’il vient de Jéricho – et à la fois théologique, car sous peu de jours il sera élevé au bois d’une croix, afin d’attirer tous les hommes à lui (Jn 12,32).
Béthanie, chez Marthe, Marie et Lazare. En haut à gauche, résurrection de Lazare et en bas à droite, tombeau de Lazare. Photos : E. Pastore
Cette entrée solennelle dans Jérusalem ne se fait pas n’importe comment. Il convient que le roi-messie soit porté par un âne. Pourquoi un âne ? Parce qu’il s’agit de l’animal royal en Israël. Oui, l’âne était l’animal du sacre des rois d’Israël :
Lors du sacre de Salomon : « David leur dit : Prenez avec vous la garde royale, faites monter mon fils Salomon sur ma propre mule et faites-le descendre à Gihôn. » (1 R 1, 33)
Lors du sacre de Jéhu : « Aussitôt, tous prirent leurs manteaux et les étendirent sous lui, à même les degrés ; ils sonnèrent du cor et crièrent : “Jéhu est roi !” » (2 R 9, 13)
Le prophète Zacharie n’avait pas lui-aussi annoncé en ces termes la venue du messie?
« Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. » (Za 9, 9)
La voilà donc la raison de ce roi monté sur le dos d’un âne: l’humilité. Cette vertu n’est-elle pas la juste attitude face à Dieu? Bien que tu sois roi, rappelle-toi que tu es homme et non pas dieu! Jésus emprunte cette paradoxale voie royale pour entrer dans Jérusalem.
Dieu est parfaitement logique avec lui-même : il vient, il veut faire son noviciat de toute petitesse, pour renverser de leur trône les idées impériales que nous nous faisons de lui et qui ne cachent en réalité que nos propres prétentions. (Fr. François Cassingena-Trévedy)
Le voilà donc qui entre dans Jérusalem, le messie qu’on reconnaît derrière les traits de Jésus ! Les foules entonnent en chantant le psaume 118 :
« De grâce, Seigneur, donne le salut ! De grâce, Seigneur, donne la victoire ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! Nous vous bénissons de la maison du Seigneur. » (Ps 118, 25‑26)
Pourtant, aussi triomphante que semble cette entrée à Jérusalem, nous savons qu’elle marque aussi l’entrée de Jésus dans la mystérieuse épreuve de sa passion.
La lecture du récit de la passion de Jésus peut susciter en nous la question du «pourquoi». Pourquoi l’innocent, pourquoi le juste, pourquoi le roi-messie, pourquoi le Fils de Dieu accepte-t-il d’embrasser le chemin de la croix pour réaliser l’œuvre de notre réconciliation avec Dieu le Père ? La croix est bien repoussante pour notre nature humaine. Peut-être préférons-nous adopter l’attitude des disciples qui s’endorment au seuil de la passion de leur Seigneur, pour ne pas voir, pour ne pas le regarder droit dans les yeux ? C’est à Gethsémani que « Jésus vient et les trouve en train de dormir ; et il dit à Pierre : Simon, tu dors ? Tu n’as pas eu la force de veiller une heure ? » (Mc 14, 37) Ne fuyons pas devant le mystère de la souffrance. Lui seul peut nous aider à comprendre la science de la croix et il le fera si nous ouvrons notre cœur à sa Parole.
La passion était repoussante pour Jésus, comme elle l’est pour nous : « Et il disait : “Abba (Père) ! tout t’est possible : éloigne de moi cette coupe » (Mc 14,36). Cette coupe, c’est le sacrifice que Jésus offrira sur la croix. Vrai homme, Jésus demande à être épargné de ce fardeau. Vrai Dieu, il a consenti à le porter. Lorsque nous ne voulons pas dire « non » à Dieu, mais que nous ne parvenons pas non plus à lui dire « oui » parce que les forces et le courage nous manquent, alors méditons ces mots : « Abba, Père, pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! »
Après avoir réveillé trois fois les disciples pour les inviter à la prière – seule réponse face à la souffrance et la mort -, Jésus semble habité d’une force nouvelle : « C’en est fait. L’heure est venue : voici que le Fils de l’homme va être livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Voici que celui qui me livre est tout proche.” » (Mc 14, 41‑42) C’est grâce à la veille dans la nuit et à l’union au Père que Jésus a trouvé la force d’accepter et d’embrasser la croix qui arrive… vite, très vite.
Emanuelle Pastore
C’est de Béthanie et de Bethphagé (Mc 11,1) que le fils de David, c’est-à-dire celui que la foule reconnaît comme le roi-messie attendu, fait son entrée dans la ville sainte. L’arrivée à Jérusalem est l’aboutissement d’une montée, une montée à la fois géographique – puisqu’il vient de Jéricho – et à la fois théologique, car sous peu de jours il sera élevé au bois d’une croix, afin d’attirer tous les hommes à lui (Jn 12,32).
Béthanie, chez Marthe, Marie et Lazare. En haut à gauche, résurrection de Lazare et en bas à droite, tombeau de Lazare. Photos : E. Pastore
Cette entrée solennelle dans Jérusalem ne se fait pas n’importe comment. Il convient que le roi-messie soit porté par un âne. Pourquoi un âne ? Parce qu’il s’agit de l’animal royal en Israël. Oui, l’âne était l’animal du sacre des rois d’Israël :
Lors du sacre de Salomon : « David leur dit : Prenez avec vous la garde royale, faites monter mon fils Salomon sur ma propre mule et faites-le descendre à Gihôn. » (1 R 1, 33)
Lors du sacre de Jéhu : « Aussitôt, tous prirent leurs manteaux et les étendirent sous lui, à même les degrés ; ils sonnèrent du cor et crièrent : “Jéhu est roi !” » (2 R 9, 13)
Le prophète Zacharie n’avait pas lui-aussi annoncé en ces termes la venue du messie?
« Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. » (Za 9, 9)
La voilà donc la raison de ce roi monté sur le dos d’un âne: l’humilité. Cette vertu n’est-elle pas la juste attitude face à Dieu? Bien que tu sois roi, rappelle-toi que tu es homme et non pas dieu! Jésus emprunte cette paradoxale voie royale pour entrer dans Jérusalem.
Dieu est parfaitement logique avec lui-même : il vient, il veut faire son noviciat de toute petitesse, pour renverser de leur trône les idées impériales que nous nous faisons de lui et qui ne cachent en réalité que nos propres prétentions. (Fr. François Cassingena-Trévedy)
Le voilà donc qui entre dans Jérusalem, le messie qu’on reconnaît derrière les traits de Jésus ! Les foules entonnent en chantant le psaume 118 :
« De grâce, Seigneur, donne le salut ! De grâce, Seigneur, donne la victoire ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! Nous vous bénissons de la maison du Seigneur. » (Ps 118, 25‑26)
Pourtant, aussi triomphante que semble cette entrée à Jérusalem, nous savons qu’elle marque aussi l’entrée de Jésus dans la mystérieuse épreuve de sa passion.
La lecture du récit de la passion de Jésus peut susciter en nous la question du «pourquoi». Pourquoi l’innocent, pourquoi le juste, pourquoi le roi-messie, pourquoi le Fils de Dieu accepte-t-il d’embrasser le chemin de la croix pour réaliser l’œuvre de notre réconciliation avec Dieu le Père ? La croix est bien repoussante pour notre nature humaine. Peut-être préférons-nous adopter l’attitude des disciples qui s’endorment au seuil de la passion de leur Seigneur, pour ne pas voir, pour ne pas le regarder droit dans les yeux ? C’est à Gethsémani que « Jésus vient et les trouve en train de dormir ; et il dit à Pierre : Simon, tu dors ? Tu n’as pas eu la force de veiller une heure ? » (Mc 14, 37) Ne fuyons pas devant le mystère de la souffrance. Lui seul peut nous aider à comprendre la science de la croix et il le fera si nous ouvrons notre cœur à sa Parole.
La passion était repoussante pour Jésus, comme elle l’est pour nous : « Et il disait : “Abba (Père) ! tout t’est possible : éloigne de moi cette coupe » (Mc 14,36). Cette coupe, c’est le sacrifice que Jésus offrira sur la croix. Vrai homme, Jésus demande à être épargné de ce fardeau. Vrai Dieu, il a consenti à le porter. Lorsque nous ne voulons pas dire « non » à Dieu, mais que nous ne parvenons pas non plus à lui dire « oui » parce que les forces et le courage nous manquent, alors méditons ces mots : « Abba, Père, pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! »
Après avoir réveillé trois fois les disciples pour les inviter à la prière – seule réponse face à la souffrance et la mort -, Jésus semble habité d’une force nouvelle : « C’en est fait. L’heure est venue : voici que le Fils de l’homme va être livré aux mains des pécheurs. Levez-vous ! Allons ! Voici que celui qui me livre est tout proche.” » (Mc 14, 41‑42) C’est grâce à la veille dans la nuit et à l’union au Père que Jésus a trouvé la force d’accepter et d’embrasser la croix qui arrive… vite, très vite.
Emanuelle Pastore